-Patron… On a trouvé l’espion.

Mon regard se releva de ma nouvelle cargaison de drogue pour se poser sur Omar. Je penchai légèrement la tête sur le côté. Ils avaient, donc, réussi à mettre la main sur l’espion qui rôdait autour du QG… Ce n’était pas plus mal même si je me demandais comment ça se faisait qu’ils avaient pris tant de temps à l’avoir.

-Il est plus que temps… Amenez-le-moi…

Il hocha de la tête sans dire un mot de plus. J’avais envie de savoir qui était cet espion, pour qui il travaillait et ce qu’il voulait. J’avais deux organisations ennemies : les Los Diablos, bien sûr, mais aussi, leurs alliés, la Famille de Los Angeles. Je ne savais pas lequel des deux m’avait envoyé un espion mais j’avais hâte de le découvrir pour contre-attaquer.

Je pris, tout de suite, mon flingue en main avant de m’appuyer contre mon bureau faisant face à la porte. Je comptais utiliser cet espion pour faire passer un message comme je l’avais fait avec Rafael.

C’est Yang qui m’amena l’espion en question par la peau du dos… Pour voir le visage de celui-ci, je dûs baisser les yeux parce que l’espion en question ne mesurait pas plus de 1m30.

En le voyant, je penchais légèrement la tête sur le côté à la fois surpris et intrigué alors que mon visage ne montrait qu’un air neutre.

Guillermo.

Il se débattait et disait à Yang de le lâcher. Qu’il allait le tuer s’il ne le lâchait pas. Rien qui puisse impressionner Yang qui resta, lui, impassible.

-Voilà l’espion, El Lider…

Il le lâcha en le poussant vers l’avant et Guillermo, en un geste de mauvaise humeur, remis ses vêtements totalement en place comme si Yang était un pouilleux qui avait osé mettre ses mains sur lui.

-Il avait ça sur lui.

Il me donna le lance-pierre de Guillermo. J’hochai de la tête et fixai Yang.

-D’accord. Laisse-nous.

Il hocha de la tête et quitta la pièce me laissant avec Guillermo qui me regardait droit dans les yeux ses petits sourcils froncés.

Je le fixai aussi longuement, mon flingue toujours en main. Mais il ne semblait pas impressionné, ni par moi, ni par le flingue.

Je déposai le lance-pierre sur mon bureau. Avant de, finalement, briser le silence.

-Depuis quand les Pequiñas Manos font des missions d’espionnages, Guillermo ?

Je détaillai le visage de l’enfant. Il avait un bleu qui avait tourné au jaune-bleu foncé sur sa pommette. Mais ça ne l’empêchait pas d’essayer d’avoir un regard de tueur. Il répliqua sur un ton tout aussi neutre que le mien.

-Ce n’est pas une mission. C’est moi qui ait décidé d’espionné tout seul.

Intéressant… Je le fixai toujours alors que le gamin n’avait pas, une seule fois, détourné le regard.

-Pourquoi ? Si c’est pour gagner tes galons de Los Diablos plus vite que tes petits amis, je pense que tu peux rêver… Alonso ne laissera jamais un môme de 11 ans entrer dans la cours des grands.

De ça, j’en étais certain. Et ça semblait vraiment ennuyer Guillermo dont le petit nez se fronça alors qu’il mit ses mains dans ses poches en signe de mauvaise humeur.

-Je sais… Il aime pas que j’espionne… Finan m’a déjà pris en train d’espionner et il m’a frappé et engueuler pour ça… Alors que je faisais que les aider.

Il montra son visage légèrement tuméfié. Alors comme ça, Quinn et Alonso n’était pas vraiment ravi des prises d’initiatives du gamin. Pourtant, il continuait quand même. Malgré les rappels à l’ordre. Malgré les coups.

Je l’avais bien formé, n’est-ce pas ?

J’esquissai un sourire mais le gamin n’en avait pas fini. Il fixa son regard brun sur le mien.

-Mais si je te tue aujourd’hui, ils changeront d’avis ! Ils verront que je suis prêt !

Vraiment ? Le gamin semblait déterminé. Aucune peur ne transparaissait sur son visage. Pourtant, c’est moi qui avais le flingue et, lui, il est totalement désarmé.

-Alors, si c’est vraiment ce que tu comptes faire, Guillermo. Je n’ai pas fort le choix.

Je tendis mon flingue vers lui… Je mis mon doigt sur la détente…

Il cilla… Je le vis même reculer d’un pas… Même s’il utilisait toute son énergie pour cacher sa peur, je savais qu’il avait peur. Il n’était pas affolé comme quelqu’un pourrait l’être quand un flingue est braqué sur lui mais il avait peur quand même.

Je laissai cette peur l’envahir un moment avant de faire sauter le flingue et le mettre dans l’autre sens.

-Alors, vas-y. Prends ce flingue… Tire-moi dessus… Devient un vrai Los Diablos.

Il fixait le flingue. Je l’avais surpris. Ça, il ne put pas le cacher. Ses émotions commençaient doucement à transparaitre alors que je prenais le pas sur la conversation.

Il s’avança alors rapidement pour me faucher le flingue avant de revenir à sa place et de me viser à son tour.

Il n’en avait jamais tenu. Ça se voyait. Si beaucoup de Pequeñas Manos avait déjà vu des flingues, avait certainement déjà vu des gens tirer sur d’autres gens, ils n’en avaient jamais tenu en main. Alonso ne les armait pas. Ils étaient juste utiliser pour des missions de surveillances.

Mais ça n’empêcha pas Guillermo d’être sûr de lui. Moi, je ne bougeai pas et gardai mon regarda neutre. J’étais confiant… Très confiant. Peut-être trop. Pourtant, je sentais, en mon for intérieur, qu’il n’oserait jamais tirer.

Il tremblait… Mais pas beaucoup… Il semblait hésité…

Mais moins longtemps que je ne le cru… Parce qu’il finit par tirer.

Vous voulez tout savoir ? Je n’aurais jamais cru qu’il le ferait…

Et ça fit un magnifique « clic ». Un « clic » qui surprit Guillermo assez longtemps que pour que je lui reprenne le flingue des mains.

Il me regarda un rien déstabilisé. Moi, je ne le montrais pas mais je ne m’attendais pas à ce qu’il essaye, tout de même, de me tuer… Et tout ce que je finis par conclure ce fut :

-Intéressant…

Je repris ma place laissant le flingue sur le bureau et fixant à nouveau un Guillermo qui était surpris et contrarié.

-Pourquoi ça a pas fonctionné ???

Je levai un sourcil surpris qu’il n’avait pas fait le lien entre son échec et les raisons de celui-ci.

-Parce qu’il y a un cran de sécurité et qu’il faut l’enlever avant de tirer.

Je m’étais posé la même question que Guillermo à 7 ans alors que le fameux « clic » m’avait empêché d’en finir avec mon père. Mais je ne faisais pas partie des gangs alors j’avais plus d’excuse que le petit latino.

Il était d’autant plus contrarié.

-Je te tuerais autrement !

Il savait qu’il était perdu mais il tentait de se donner du courage en essayant de m’intimider…

-Je ne pense pas… Tu ne me tueras pas… Alonso ne veut pas voir ta valeur ? Moi, je la vois Guillermo. Et s’il ne fera pas de toi un Los Diablos avant 7 longues années, moi, je peux faire de toi un New Soldados dès aujourd’hui.

Sa petite bouche d’entrouvris. Il sembla en proie, d’un coup, à un conflit intérieur. Il réfléchissait. Ça se voyait. Et il finit par dire :

-Je peux pas trahir mes amis.

J’esquissai un petit sourire. Guillermo avait encore des attaches… Ses amis.

-Tu préfères ne pas trahir tes amis et mourir ou me rejoindre et devenir l’un des meilleurs ? Parce que si tu choisis tes amis, Guillermo, je ne pourrais pas t’épargner.

Il fronça les sourcils très contrarié par ce dead-end. Il fallait que je rende ma proposition plus alléchante.

-Si tu me rejoindre, tu auras une mission intéressante… Tu auras plus d’argent que ce que te donne Alonso. Et, surtout, je t’apprendrais, personnellement, à savoir utiliser un flingue. Dès que tu sauras t’en servir, tu deviendras l’un de mes lieutenants. C’est mon offre. Ça ou la mort.

Il me fixa, se mordis la lèvre avant de dire :

-D’accord… Je veux bien. J’accepte.

Mon sourire s’élargit.

-Bien ! Ta première mission sera de retourner chez les Los Diablos, faire comme si on ne s’était jamais parlé et ouvrir grands tes oreilles pour me rapporter tous les plans que préparent les Los Diablos. Mais avant, dis-moi déjà tout ce que tu sais et que je ne sais pas. Les Los Diablos préparent une vengeance pour le meurtre de Rafael ? Et où vous vous cacher, vous, Pequeñas Manos ?

Guillermo me fixa… Hésita… Savait que tout dire lui donnerait, directement, le statut de traitre mais finit par tout lâcher.

-Je ne savais pas très bien ce qu’Alonso prépare… Mais, nous Pequeñas Manos, on doit, maintenant, dealer comme des grands… Alonso a dit que ça durerait pas longtemps. Il a nommé Ugo comme chef de notre groupe.

Et ça fit grimacer Guillermo.

-Il est con Ugo… Je comprends pas pourquoi c’est lui. Moi, je pense que ça devrait être moi ou Ernesto.

La logique d’Alonso était simple : Ugo était l’ainé du petit groupe alors il l’avait nommé lui sans voir au-delà.

Mais savoir qu’Alonso envoyé les gamins dealer était… Intriguant… Pourquoi faisait-il ça. Ils avaient plus de drogue à vendre alors ça valait le coup de mettre en danger ses précieux gamins ?

-Pourquoi ?

Guillermo haussa les épaules.

-Je sais pas… Les adultes ont des missions ailleurs. C’est ce qu’a dit Ugo.

C’était maigre comme information mais je comptais bien que mon nouveau petit espion m’en donne plus.

-Bien, tu chercheras à savoir ce qu’il se trame dès que tu sortiras d’ici.

Il hocha de la tête.

-Et vous… Vous vous planquer où?

Il haussa des épaules.

-Chez des Los Diablos. On a tous été séparé. Alejandra est chez Alonso. Ugo et Ernesto chez Salvador… Alvaro…

Il hésita…

-Parfois chez la femme de Rafael… Parfois chez Finan…

Et lui ? Je penchai légèrement la tête sur le côté.

-Moi chez Carlos…

Il dit ça avec tellement de contrariété que ça me fit sourire. Le gamin ne semblait vraiment pas ravi de vivre chez Carlos et je ne pouvais que comprendre. Carlos était stupide et c'était un vrai looser.

-Ce n’est pas de chance.

Il hocha de la tête toujours contrarié avant de dire.

-Mais quand ma première mission sera finie, je pourrais vivre chez toi, hein ?

Non. Il n’en était pas question. Je ne voulais pas trois enfants à charge. Je le fixai droit dans les yeux.

-Vivre chez moi ? Non. Je te trouverais un endroit où dormir. Si tu veux jouer dans la cours des grands, il faut vivre comme tel.

Il sembla, sur le coup, pas forcément rassuré mais finit par accepter tout ça.

-Maintenant, retourne d’où tu viens et ne me déçoit pas.

Il hocha de la tête et je le laissai partir.

@ Billy Lighter