-Putain, ils sont vraiment nul !

C’était ce que j’avais clamé alors qu’un groupe tentait de faire ses preuves sur la petite scène du Crazy Ginger. J’avais lâché ça au patron de l’endroit. C’était un ex-client. Je lui avais fait gagné un procès contre un compagnie d’assurance qui ne voulait pas payer les dégâts fait à son bar alors même que c’était des sales petits voyous qui avaient fait les dégâts. Depuis cette éclatante victoire, j’avais le droit à des boissons gratuites chaque fois que je venais ici.

-Tu rigole, Victor… Ils sont doués. Regarde les gens… Ils adorent !

Mouais… Les gens semblaient adorer, en effet. Mais ça c’est parce qu’ils n’avaient pas l’oreille musicale. J’avais tiré sur ma cigarette nerveusement. Mes gestes étaient plus saccadés et plus brusque étant donné la quantité d’alcool que j’avais ingurgité ce soir.

-Je suis un Hunter ! Je sais reconnaitre un bon groupe d’un mauvais. Je viens d’une famille d’artiste, je te rappelle. Tu as de la merde dans les oreilles !

Il pouffa de rire et je levai un sourcil en le regardant.

-Pourquoi tu ris ?

Il reprit tant bien que mal son sérieux pour me répondre alors que je le regardais, un rien vexé par son rire.

-Tu es le seul Hunter a ne pas être acteur, chanteur ou d’autres trucs du genre… Tu es sûr que tu sais juger de la qualité d’un groupe ?

Je levai un sourcil. Il m’insulte ou quoi ? Je bus d’une traite le reste de mon verre avant de me lever.

-Non seulement je sais juger mais, en plus, je sais même faire mieux.

Ce fut au patron du Crazy Ginger d’être perplexe mais, sans lui expliquer, je grimpai sur scène alors que le groupe venait de finir sa troisième chanson. Je pris le micro des mains de l’infâme chanteur avant de parler d’un voix assurée mais pas moins un rien pâteuse.

-Bon ! Comme ce type ne sait absolument pas chanter, je vais vous montrer ce que c’est qu’un VRAI chanteur !

Je n’avais pas vu l’air abasourdi du patron du Crazy Ginger… Je voyais simplement le public un rien déstabilisé par cette apparition.

Je me tournai vers les musiciens alors que le chanteur se demandait ce qu’il lui arrivait.

-Je veux… Heu… Tu Roadtramp ! Vous savez faire ça ? Never Cared.

Ils me fixèrent… Se regardèrent… Et le chanteur lança.

-Putain, t’es qui toi et pour qui tu te prends ?

Je fronçai  les sourcils agacé par la question.

-Victor Hunter, tiens ! Le frère de Victoria Hunter ! Je vais juste te montrer comment on chante ! Envoyez la musique, maintenant !

Je vis le patron du Crazy Ginger lever le pouce pour signifier au groupe qu’ils devaient me laisser faire… Le chanteur soupira et se mit un rien sur le côté quant aux musiciens, ils se mirent à faire de la musique.

Et je me mis à chanter. Faux. Très faux. Je savais chanter plus ou moins juste mais j’avais bu… Du coup… Ce n’était pas extraordinaire.

Et je marchais tout en chantant… Le public sifflait. Râlait. Demandait le retour de l’autre chanteur. Ça m’énervait… Et j’étais prêt à leur gueuler d’aller se faire foutre.

Mais je finis par marcher trop près du bord de la scène et à… Tomber… Je n’avais pas su me rattraper sur mes jambes… J’étais tomber assis à terre.

Des gens riaient… Les musiciens cessèrent de faire de la musique. Je n’avais rien… Mais j’étais un rien surpris et sonné par ce qu’il venait d’arriver… J’entendis le chanter lancer : « Ça t’apprendra, petit enfoiré ! ».

Au bar, le patron du Wild ne savait pas bien où se mettre…

Je secouai la tête avant de prendre un air extrêmement contrarié.

Il ne nous restait plus que la pochette à faire ! Notre album était prêt, musicalement parlant et un graphiste s’était penché sur les idées qu’on avait pour finaliser l’affaire. J’étais plus heureux que je ne l’avais jamais été depuis un moment ! Depuis… notre dernier album ? Plus ou moins…

Bref, il fallait fêter ça et donc, avec les membres de The Lightening, sauf Billy, on s’était rendus au Crazy Ginger.

Nous étions super connus là-bas et une fois sur place, la foule plutôt compact chercha à nous toucher, ne fusse que nous effleurer, ou demander des autographes. Nous avions beau être un groupe lent, nous étions déjà dans la légende… A la fois pour notre musique, mais aussi pour nos frasques et le fait que nous étions cruellement inconstant, à l’image de Billy.

Je n’avais pas repris d’héroïne depuis un moment, trop concentré sur l’album. Ça avait beaucoup plu à notre chanteur et, dans cette lancée, je me contentais de boire du Jack Daniel’s à même la bouteille. Bouteille gracieusement offerte par le patron.

Nous n’étions pas les seul apparemment à pouvoir profiter de boissons gratuites, tandis qu’un petit groupe essayait de se faire un nom sur la scène, comme Billy et moi l’avions fait il y avait déjà quelques années de ça. Il y avait aussi un homme, peut-être un peu plus vieux que moi, qui pestais contre le groupe qui, pourtant, n’était pas si mal.

Ce gars parlait tellement fort à cause de l’alcool que je n’avais aucun mal à suivre la conversation, bien caché derrière mes boucles de cheveux noir. Je n’étais interrompu dans mon observation et mon écoute que par les mouvements enthousiaste de mon groupe, de temps en temps.

Mais je compris bien vite que ce gars aviné n’était autre que le frère de Victoria Hunter… Une autre légende. Et en effet, à y regarder de plus près, il y avait de la ressemblance. En tout cas, le patron ne semblait pas remettre en doute son identité.

Quand il affirma qu’il allait chanter pour montrer au chanteur actuel ce que c’était que de chanter, je haussai un sourcil sceptique et sifflai entre mes dents comme un serpent… Le frère de Victoria… Il n’était pas… dans la finance ? Ou quelque chose comme ça ? Je savais que ce n’était pas un artiste en tout cas…

Je continuai d’observer attentivement, ne cachant pas un sourire quand il monta sur scène pour voler le micro. Je plaignais le pauvre chanteur de la soirée ! Ça aurait été Billy, son poing aurait déjà volé dans le sourire impeccable d’Hunter pour lui faire sauter quelques dents. Et Liam aurait probablement du s’en mêler.

Mais il fallait croire que le chanteur de ce soir n’était pas aussi imprévisible que mon ami.

Hunter se mit à chanter… Et tout mon groupe de venir m’entourer, les oreilles bouchées.

-Putain ! Mais c’est quoi cette merde… ?

Je pinçai mes lèvres métisses, avalant un sourire amusé.

-C’est le frangin de Victoria Hunter…

Michael sembla choqué.

-T’es sérieux ???

Je hochai la tête pour toute réponse et repris une gorgée brûlante de Jack Daniel’s… j’avais à peine avalé que Hunter tomba le cul à terre devant la petite scène… Et la foule éclata de rire, moi y compris.

Sous les regards effarés de The Lightening, je me levai et me dirigeai vers le pauvre Hunter dont l’égo devait être un peu froissé. Ma bouteille à la main, je lui tendis l’autre pour l’aider à se relever.

-Tu n’es pas tout à fait ce que j’appellerais une nymphe ou une muse, Hunter… Mais tu es un troubadour assez amusant.

Les gens riaient alors que j’étais toujours à terre. Je n’avais pas très bien compris, dans un premier temps, ce qu’il venait de se passer. Je secouai la tête avant de plisser le nez en comprenant que j’avais chuté de la scène et que tout le monde se fichait de moi. Le chanteur semblait, lui-même, assez content de la tournure des évènements.

Pas moi !

Je grommelai… S’il croyait qu’il avait le moindre avenir dans la musique, il se trompait. Lui et son groupe n’iront nulle part ! Pas avec un talent aussi médiocre.

Pourquoi t’es monté sur scène Hunter ?

C’est la question que je me posais et mon cerveau alcoolisé était incapable d’y répondre. Je savais, pourtant, que mes talents de chanteur étaient loin d’être à la hauteur de ceux de ma sœur. Mais j’étais un Hunter, bon sang ! Je devais avoir ça dans le sang, non ?

Quand j’étais sobre, peut-être…

Alors que je cherchais à reprendre mes esprits, un homme à l’allure métisse que je reconnu comme étant Cash Izbel me tendit la main avant de parler de muse, de nymphe et de troubadours…

Je pris sa main et me relevai tant bien que mal avec son aide.

-C’est, donc, bien vrai… Tu vis bien dans ton univers et ce n’est pas le nôtre visiblement…

C’est ce que je lançai non sans esquisser un petit sourire comme pour essayer d’oublier l’humiliation que je venais de subir.

-Ce groupe n’est pas à la hauteur… Tu es d’accord, n’est-ce pas ? Et je ne suis pas troubadour… Je suis avocat. Le seul foutu non-artiste de la famille Hunter. Ce qui fait de moi une perle rare.

Ou le vilain petit canard, c’était à voir… Mais même lui, ne devient-il pas un cygne à la fin de l’histoire ? Si ! Je suis le cygne de la famille Hunter et les autres ne sont que de simples canards.

Je m’égard…

Je relevai le regard vers Izbel.

-J’ai besoin d’un verre… Je t’en offre un… Quand est-ce que vous aller sortir ce foutu album, au fait ? Pas que je suis fan, hein ! Je préfère Roadtramp. Tu aimes Roadtramp ? Avoue qu’ils sont très bons, non ?

Je souris quand Hunter prit ma main. Tant bien que mal, je l’aidai à se relever et le monde tangua un peu parce que… et bien lui comme moi étions dans un état d’ébriété assez avancé… Mais pas suffisamment pour m’ouvrir la porte du Désert… Pas assez pour prendre la forme du roi Serpent. Ce soir, je devrai me contenter d’être un shaman.

Le blondinet souligna que je vivais bien dans un autre monde.

M’appuyant sur son épaule, je répondis en sifflant à travers mes lèvres souriantes.

-Un pied dans chaque monde… Je n’oublie pas que L.A. est ma mère.

Et que j’étais un de ses enfants prodigues. Un de ses élus… Un de ceux qui, un jour, aurait leur étoile sur le Rock’n’Roll Hall Of Fame…

Un de ceux qu’on oubliera pas.

Hunter souriait, lui aussi. Mais je sentais bien que c’était pour reprendre contenance après sa chute… même si, à vrai dire, autour de nous, les gens étaient déjà passés à autre chose : la picole, la drague, la drogue… Les habitués du Crazy Ginger n’étaient pas hauts en couleurs comme ceux du Dizzy Warhol… Mais c’était une foule en ébullition qui ne demandait qu’à exploser.

Et un rien suffisait à cela. Si Victor avait réagi autrement qu’en souriant, ça aurait pu tourner en bagarre.

Mais le frère de Victoria était plus intelligent que ça.

Il s’adressa à moi d’un ton complice, critiquant le groupe qui se remit à jouer sur scène avant de préciser qu’il n’était pas troubadour, mais bien avocat. Une perle rare dans la famille Hunter… Je regardai vaguement le groupe sur scène.

-Ils ont quand même quelque chose, ce n’est pas si nul.

Puis, regardant Hunter dans les yeux sans qu’il puisse voir les miens, j’ajoutai :

-Un troubadour raconte des histoires… Des légendes… et des mensonges… Peut-être que tu l’es plus que tu ne le crois et que je ne le crois aussi, finalement.

En étant avocat, il n’y avait pas de doute.

Il proposa d’aller au bar et de m’offrir un verre… On y alla en titubant… je ne crachais jamais sur un verre… On devait presque crier pour se parler, mais comme on était bourrés tous les deux, ça ne nous dérangeait même pas.

Une fois accoudés au bar, non loin du reste de The Lightening qui nous observait vaguement, on commanda nos verres en criant au barman ce qu’on voulait…

Puis seulement je répondis aux questions de l’avocat.

-The Lightening est loin d’être mort… Et je sais ce que fait Roadtramp. Mais comme toi dans ta famille, The Lightening est une perle rare dans la famille des groupes de L.A.…

Je souris et pris mon verre.

-Nous faire désirer fait partie de notre légende.

Je pris une belle gorgée de whisky.

-Rappelle-moi ton prénom ? Je sais que tu es le frère de Victoria, mais je ne retombe plus sur ton nom.

Je ricanai à la remarque d’Izbel sur L.A. qui était sa mère. Décidément, sa réputation n’était pas un mythe. Il était bien haut perché, le métisse le plus connu de Los Angeles.

-L.A ? Ta mère ? J’imaginais ta mère autrement.

Je l’imaginais plus noire, en réalité, sa mère. A moins que ça ne soit son père ? Aucune idée.

Je tentais d’oublier ce qu’il venait de se passer en me centrant uniquement sur Izbel. Bien que j’avais une sérieuse envie de refaire le portrait du chanteur de ce groupe extrêmement médiocre. Mais je savais que de taper dans le tas ne servait à rien et je n’avais pas encore assez perdu la tête que pour péter un câble comme ça m’est déjà arrivé par le passé.

A la place, je critiquai encore le groupe mais Izbel disait que ce n’était pas si nul. Je roulai des yeux. Il disait exactement la même chose que le patron de l’endroit.

-Décidément, tout le monde a de la merde dans les oreilles, aujourd’hui.

J’avais, par avant, précisé ne pas être un troubadour mais Izbel n’était pas tout à fait d’accord. Il disait que les troubadours racontait des histoires, des légendes, des mensonges. Je ricanai sur ce dernier point.

-Mouais… Alors, ouais, je suis un troubadour si tu veux… Le mot moderne est bel et bien « avocat »…

Je fis la moue.

-Ou politicien. Mais je ne peux pas les encaisser, alors.

Ils ne sont pas fiables. Et je les trouvais souvent très peu malin.

On finit par aller au bar. J’avais besoin d’un verre. Une fois accoudé au bar, on se fit servir. Moi, je pris un whisky laissant Izbel prendre ce qu’il voulait. Je me mis alors à parler de The Lightening. Je préférais Roadtramp ce que je ne cachai pas. Mais, visiblement, The Lightening n’était pas prêt d’être mort. Il ne faisait qu’être fidèle à sa réputation.

C’est ça ouais !

Je ricanai.

-Attention de ne pas tomber accidentellement dans l’oubli en faisant ça, Izbel… Il ne faut pas oublier que les gens savent vite passer à autre chose quand on les fait trop attendre.

Je fis la moue quand il me demanda mon prénom. Pour bien des gens j’étais un inconnu ou simplement « le frère de Victoria ». Certaines de mes clients étaient bien plus connus que moi. Même ce foutu Thomas Fleming était plus connu ! C’était affligeant.

-Victor… Ma famille se dit être une famille d’artiste mais ils manquent clairement d’esprit créatif quand il a fallut choisir mon prénom.

Je regardai autour de nous remarquant les autres membres de The Lightening. Enfin… Sauf Billy Ligther.

-Où est Billy Lighter ? Non! Ne me le dit pas ! Avoue simplement qu’il est mort depuis des mois et que vous faites semblant qu’il vit toujours pour que The Lightening reste au-devant de la scène. Tu sais que si vous annoncer sa mort, vous aller avoir un boost de vos ventes ? Ça a fonctionné pour Lola. MTI est en train de se faire pas mal d’argent…

Même si j’aurais préféré que Lola soit toujours en vie.

Je bus une grosse gorgée de whisky alors que le chanteur me cassait toujours autant les oreilles.

Je hochai la tête à ses questions rhétoriques quant à ma filiation avec L.A. Je la considérais comme ma mère… Comme si j’étais issus de son béton brûlant sur lequel j’adorais m’allonger pour prendre le soleil comme un serpent. J’avais, en faisant ça, déjà récolté quelques belles brûlures, notamment au skate-park.

On était de nouveau debout tous les deux et la foule s’était désintéressée de nous. Par contre, Hunter en avait toujours après ce pauvre groupe au point qu’il avait cru pouvoir faire mieux en chantant lui-même.

Moi, je trouvais que ça allait.

Du coup, il trouvait que j’avais de la merde dans les oreilles. Je le regardai, interloqué.

-Et toi, de la vapeur dans le cerveau.

Je ne savais pas quelle quantité il avait bu… Peut-être plus que moi parce qu’il était déjà au bar quand on était arrivé.

J’avais hésité sur le qualificatif à lui donner… Ou plutôt, le rôle à lui donner au sein de L.A. Mais il s’avéra que « troubadour » était le terme le plus approchant, même s’il préférait qu’on l’appelle « avocat »… En tout cas, tout sauf politicien apparemment.

-Les politiciens sont des parasites.

Ils gangrenaient L.A. et même tout le pays. Je n’avais jamais fait attention à ce qu’ils racontaient. Je n’avais cure de qui était au pouvoir.

Tant qu’on me laissait faire de la musique. Billy, lui, était déjà un peu plus porté sur la chose et pouvait, en concert, le revendiquer tout haut quand il lui prenait l’envie de faire un discours. Mais je mentirais si je disais que j’aimais quand il faisait ça.

Parce que ça risquait d’en faire un politicien lui-même. Et ce n’était pas ce que je voulais pour The Lightening.

On arriva au bar, tant bien que mal et nos whiskys furent servis. Apparemment, Hunter aimait ma compagnie parce qu’il ne me lâcha pas, ravivant la conversation en parlant de mon groupe. Un groupe qui savait se faire attendre. Mais il me mettait en garde : ne pas tomber dans l’oubli, car les gens se lassaient vite.

-Ça ne nous arrivera pas… Billy sait toujours raviver ma flamme. Tout ce qu’il lui faut, ce sont mes riffs sur lesquels danser… Et quelque chose de révoltant à dénoncer.

Comme l’attitude des femmes, sur notre dernier album Bitch !

Comme j’en avais un peu marre de l’appeler par son nom de famille dans ma tête, je lui demandai de me rappeler son nom.

-Ah ouais… Victor… Qui est aussi le deuxième prénom de Ian. Mais tu sais, Victor… Quand on est surdoué pour certaines choses, il ne faut pas s’étonner d’avoir des lacunes dans d’autres choses. Chez toi, ce sont les choix des prénoms.

Le regard de l’avocat se perdit du côté des membres de The Lightening et il commença brusquement à s’exclamer. Il affirmait que peut-être, Billy était mort et qu’on essayait de faire semblant que ce n’était pas le cas.

Je le regardai d’abord surpris, puis éclatai de rire.

-Non… Enfin, je ne crois pas qu’il est mort. Pas aux dernières nouvelles.

Je me repris un peu.

-Je le sentirais si c’était le cas.

Je me sentirais amputé, abandonné, seul.

-Le but de The lightening n’a jamais été de faire de l’argent. Toujours de la musique. Cela dit, on ne crache pas dessus.

Je haussai les épaules.

-Et avocat, ça rapporte ?

De la vapeur dans le cerveau ? Je fronçais les sourcils en faisant la moue pas forcément ravi de la remarque d’Izbel. Mais je préférai l’ignorer. Je préférais avoir un peu de vapeur dans le cerveau que de la merde dans les oreilles. La merde, ça pue.

D’après Izbel, j’étais un troubadour. C’était le mot « Izbelien » pour « avocat », visiblement. Certes, j’aimais parlé et, pour réussir en tant qu’avocat, il fallait mentir sans trop mentir. Sa description correspondait aussi à un politicien. Mais jamais aucun de mes délires ne m’auraient entrainé sur le chemin de la politique. Je ne les appréciais pas mais je n’étais pas au point de les considérer comme des parasites comme Izbel. J’esquissai un petit sourire en coin.

-Parasites ? Je ne dirais pas. Moi, ils peuvent me rapporter. Les politiciens ont l’art de se mettre dans la merde dans des affaires de fraude fiscale, en général, et pour s’en sortir ils sont prêt à payer très cher des gens comme moi.

Oui… Ils font de la fraude pour avoir plus d’argent ainsi, ils peuvent le débourser en avocat pour se sauver d’une peine pour fraude. Vous voyez pourquoi je ne suis pas politicien ? Parce que je ne suis pas stupide.

On se prit des whisky au bar. Je trouvais que c’était l’occasion idéale pour discuter de The Lightening. Apparemment, Izbel aimait se faire attendre en ce qui concernait un nouvel album. Il disait que ça faisait partie de la réputation de The Lightening. J’avais signalé qu’il ferait bien de faire attention à ne pas tomber dans l’oubli. Mais il était confiant, le métis. Il avait surtout une confiance aveugle en son comparse.

-Ouais… Moi, je suis terre à terre alors je pense que The Lightening, pour l’instant, est mort. Il ne sera à nouveau vivant que quand j’aurais l’album devant moi.

Pas avant. N’en déplaise à Izbel.

Je bus une gorgée de whisky avant de devoir donné mon prénom vu qu’Izbel ne s’en rappelait pas… Il savait que j’étais le frère de Vicky mais il ne savait pas comment je m’appelais. Voilà ce que je voulais changer en devant l’un des meilleurs avocat du pays.

Je plissai du nez quand Izbel souligna que Victor, c’était aussi le second prénom de mon infâme neveu. Je finis par esquissez un sourire jaune.

-Je crois que ma famille a d’autres lacunes que le choix des prénoms… Enfin… Le reste de ma famille. Parce que, moi, je suis différent d’eux, il ne faut pas l’oublier. Mais, ouais… Ma sœur a voulu appelé Ian, Ian Victor. Pourquoi ? Pour moi. Elle aurait dû s’abstenir. Ce môme est la réincarnation du Diable. Et ça ne s’arrange pas en grandissant.

Je tournai mon regard vers les autres membres de The Lightening constatant l’absence de Billy. C’est décidé ! Pour moi, Lighter est bel et bien mort ! Un constat qui fit rire aux éclats l’imperturbable semi-noir.

Il disait que Lighter n’était pas mort… Enfin, aux dernières nouvelles. Il disait qu’il le sentirais si c’est le cas.

Et c’est moi qui ait de la vapeur dans le cerveau ?

-Donc, tu n’as aucune idée de s’il est vivant ? Parce que je crois pas à ses conneries qu’on sent quand quelqu’un qu’on aime meurt. Ma grand-mère est morte il y a trois mois et je n’ai rien senti du tout. Quand j’étais petit, j’avais un chat… Je n’ai rien senti quand il est mort écrasé par une bagnole. C’est ma mère qui me l’a annoncé quand je suis rentré de l’école. Il s’appelait Billy, d’ailleurs. Pourtant, je l’aimais bien aussi. Donc, que des conneries, moi je dis.

Et j’adorais Billy ! Le chat, hein, pas le chanteur.

Izbel clama alors que le but de The Lightening n’avait jamais été de faire de l’argent mais qu’il ne crachait pas dessus. Je rigolai.

-Putain, personne ne crache sur les thunes, Izbel, c’est une évidence. Si The Lightening n’aurait pas fonctionné vous auriez continuer à faire de la musique pour par un rond ? Toi peut-être parce qu’il parait que tu vis toujours chez ta mère mais Lighter il ne vient même pas d’ici.

C’est un bouseux du Midwest…

-Donc, avoue que si Lighter n’avait pas fait d’argent avec sa musique, il serait dans une sacrée merde.

Izbel se demanda alors si avocat sa rapportait. J’achevai mon verre de whisky pour en commander un autre qui me fut aussitôt servi.

-Ça dépend… Bon avocat ça rapport, oui. Et Dieu sait que je suis bon. Je suis l’avocat de Jimmy Reed ! Et pas seulement ! Vicky aussi fait partie de mes clients. J’ai quelques affaires en cours aussi pour des politiciens et comme je l’ai dit, ils savent cracher des thunes quand ils veulent. Mais je fais aussi dans le social, tu sais. Je défend Sky Fleming qui souhaite avoir la garde totale de sa fille… Et je défends gratuitement Thomas Fleming… Quand on est avocat il faut savoir être diversifié.

J’esquissai un petit sourire en coin.

-Tu as besoin d’un avocat ? On ne sait jamais que Lighter voudrait se barrer avec le nom du groupe en cas de séparation.

Hunter ne considérait pas les politiciens comme des parasites… Je souris.

-Je voudrais te voir défendre ce pont de vue devant ma grand-mère…

Elle le boufferait tout cru en moins de deux… Mais je passai sur le sujet, n’allant pas plus loin, pour la simple et bonne raison que je ne m’y connaissais pas en politique. Ce n’était pas mon truc du tout, je ne suivais rien de ce qui se passait à ce niveau-là… Tout ce que je savais, c’était que ma grand-mère était toujours en colère quand il s’agissait de remplir sa déclaration d’impôt et qu’elle était une grande militante pour les droits des noirs.

Moi pas… Enfin, ça m’importait peu… Peut-être parce que je ne me considérais ni comme noir, ni comme blanc. J’étais… autre chose… Quelque chose de plus grand… Qui transcendait les races.

Une fois au bar, on se mit à boire, et pas un peu… Et plus on buvait, plus on devait littéralement s’accrocher au comptoir pour ne pas tomber en arrière. Victor passa alors de son avis sur les politiciens à son avis sur The Lighteing. Pour lui, le groupe était mort.

-Dormant, plutôt… The Lightening n’est là que quand il y a quelque chose à dire.

Je souris et soufflai sur mes mèches de cheveux, dévoilant pendant une secondes mes yeux sombres, mais rieurs.

-Tu l’auras, ton album. Le graphiste travaille dessus.

Je lui demandai alors de me rappeler son prénom. Pourtant, quand il me le rappela, je me dis que si j’avais réfléchi un peu, j’aurais pu le trouver tout seul. Mais j’étais peut-être déjà un peu trop bourré pour ça. Victor. Tel était son nom.

Il m’expliqua de long en large le pourquoi du comment et je l’écoutai, amusé. Il aimait s’entendre parler au moins autant que j’aimais le son de ma guitare. Il n’était pas très tendre avec sa famille, surtout avec le petit acteur, Ian.

-Tu te sens fort différent d’eux ? De ta famille, je veux dire ? Je sais ce que ça fait… Je me sens différent de tout le monde…

Mais il fut bien vite intrigué par l’absence de Billy. Il le déclara mort à ses yeux. Je lui affirmai que non, que je l’aurais ressenti si Billy était mort. Mais il ne croyait pas à ce genre de lien. J’appris que sa grand-mère était morte ainsi que son chat, mais qu’il n’avait jamais ressenti cet espèce de… de sensation étrange, quand on sait, même sans le voir, que quelqu’un n’est plus là.

Il trouvait que c’était des conneries. Je sifflai doucement, laissant le shaman répondre.

-« Aimer bien »… Ne suffit pas… Ce qu’il y a entre Billy et moi est un lien qui va au-delà de l’Amour sous toutes ses formes. Quelque chose que seule notre musique dévoile.

Quant au fait que The Lightening n’avait jamais été destiné à faire de l’argent… Enfin, pas autant qu’on en faisait maintenant, Victor s’exclama. Il posa une question qui méritait d’être posée : est-ce qu’on aurait continué si ça n’avait pas rapporté ?

Je grattai ma tempe, un peu perplexe devant cette interrogation.

-Billy est l’enfant adoptif de L.A. Il ne vient pas d’ici mais elle en a fait un de ses enfants à part entière. Elle a reconnu son talent. Mais ce n’est pas sans payer un prix en retour. Ce n’est pas toujours facile. Alors je pense que même si The Lightening n’avait pas rapporté, la musique serait resté sa priorité.

Je haussai les épaules.

-Notre priorité.

Je sortis mon paquet de cigarette de ma poche arrière et en pris une pour ensuite en offrir une à Victor.

Et avocat ? Ça rapportait ? Apparemment oui… Mais il fallait dire que sa liste de clients était impressionnante.

-Jimmy Reed…

Je tirai pensivement sur ma cigarette.

-Je ne connais pas Sky Fleming mais… Le Boucher de Los Angeles ? Ils portent le même nom. C’est sa fille ?

Je rigolai quand Victor me proposa ses services.

-Billy ne fera jamais ça.

Non hein ?

Je ricanai quand Izbel déclara qu’il me verrait bien défendre mon point sur les politicien face à sa grand-mère. De ce que je comprenais, la vieille (car je me doutais qu’elle n’était pas de première jeunesse) n’était pas d’accord avec mon point de vue.

-Loin de moi l’idée de perdre mon temps.

Vous savez ce qu’on dit des vieux, n’est-ce pas ? Ils sont incapables de changer d’avis. Ils sont trop vieux pour ça. Alors, je ne débats pas avec les vieux. Comme mes parents. Je ne débats pas avec eux. Ils sont bien trop loin dans leur délire que pour leur faire entendre quoi que ce soit.

J’avais parlé de The Lightening, les déclarant morts mais Izbel voyait son groupe comme « dormant ». Que The Lightening n’était là que quand il y avait quelque chose à dire. Je ricanai à nouveau.

-Vous n’avez pas souvent quelque chose à dire, alors…

Il clama que j’aurais mon album. Que le graphiste travaillait dessus. Ce qui voulait dire que l’album était dans sa phase finale de conception. Tiens ! Serait-ce un scoop ? Pas vraiment… Parce que ça fait des mois que les divers journaux annonce que The Lightening est sur le point de sortir un album. Si je vendais l’information, les journaux ne feraient que radoter.

-Comme je le dis, je ne crois que ce que je vois. Je ne serais sûr de ce que tu dis que quand l’album sera dans les bacs.

J’avais rappelé mon prénom et, ainsi, Cash avait pu se rendre compte du manque total d’imagination de mes parents. Ma sœur n’en avait pas plus comme on pouvait le constater avec Ian. D’ailleurs, le nom « Ian » est le nom de mon grand-père maternel. Bref, je n’avais pu que souligner me sentir profondément différent du reste de ma famille. Cash disait ce que ça faisait. Il se sentait différent de tout le monde. Il faut dire qu’il est un sacré cas et métis de surcroit alors je comprenais qu’il se sente différent.

-Oui, je me sens très différents d’eux. Ce sont des artistes. Ils vivent une vie d’artiste riche. Tu vois le genre ? Le genre à voter à gauche tout en étant riche et à parler comme des snobs. Je ne suis pas comme ça. Je vote à droite, je suis riche mais je le revendique et je n’ai pas une foutue fibre artistique. Ça ne les empêche pas de tous m’aimer, bien sûr.

Mais j’en revins à Billy que je considérais, aussi, comme mort. Bien que Cash disait qu’il le sentirait si le chanteur de The Lightening avait passé l’arme à gauche. J’avais dit ne pas croire à ces conneries et il disait que « aimer bien » ne suffisait pas à ressentir ça. Je levai un sourire avant d’afficher un sourire en coin quand Izbel décrivit sa relation avec Lighter.

C’était douteux.

-Je suis sûr que Sørensen serait très intéressé par ce genre de phrase. Je me demande bien ce qu’il en ferait, tiens… Il ne vaut mieux pas que tu lui exprimes les chose ainsi si tu l’a en interview. Tu risques d’avoir une mauvaise surprise, sinon.

Ma voix était de plus en plus pâteuse à mesure que je buvais sur tout ce que j’avais déjà bu. Mais ça ne m’empêchait pas de continuer à débattre avec Izbel sur son propre groupe. Pour lui, la musique était ce qui faisait leur groupe et que l’argent, ce n’était que du bonus. Mais dans les faits, je doutais que Lighter aurait pu s’en sortir sans argent.

Pour Izbel, L.A. avait adopté Billy. Ça y est ! Il est reparti dans son délire. J’ai l’impression d’être à un diner de famille !

-Payer le prix ? Quoi, L.A., en échange, l’a rendu fou ? Il aurait dû rester dans l’Indiana, à ce prix-là.

Pour Izbel, la musique serait resté leur priorité. Je ricanai.

-Si tu le dis…

Izbel sortit une cigarette et je fis de même alors qu’il me questionna sur mon propre métier. Un métier qui rapportait beaucoup ! J’étais un bon avocat et j’avais de bon clients comme Jimmy Reed. Un nom que souffla Izbel en écho.

-Ouais ! Le seul et l’unique.

Il parla alors de Sky Fleming qu’il ne connaissait pas. Mais il connaissait bien ce bon vieux Tom.

-Non, ce n’est pas sa famille. C’est son ex-belle-fille. Sky Fleming est l’ex-femme de Ward Fleming. Tu sais ? Le soi-disant chef des New Soldados récemment blanchi. Elle ne s’appelle même plus Sky Fleming mais Sky Carter. Elle n’a aucune envie que sa fille puisse retourner ne serait-ce qu’une seule minute chez son père. Moi, je ne suis pas là pour juger mais pour essayer d’obtenir ce qu’elle veut. Si Ward était venu me voir, je l’aurais défendu lui. C’est ça être avocat.

Et je proposai mes services à Izbel mais il était persuadé, à l’instar de Sniper, ne pas en avoir besoin. D’après lui, Billy ne lui fera jamais de salle coup. Je ricanai.

-Vous les artistes vous n’êtes jamais assez prévoyants, décidément.

Je sortis tout de même ma carte de ma poche et la donnai à Izbel.

-On ne sait jamais… Appelle-moi au cas où. Je te ferais une réduction.

Le groupe avait terminé sur scène mais je ne m’attendais pas à ce qu’ils viennent vers nous. Le chateur tapa sur mon épaule et je me retournai fronçant les sourcils.

-Quoi ?

Il n’avait pas l’air bien content. Et il m’envoya son poing en plein gueule. Ma tête tourna un peu. Mais ce type était aussi mou pour frapper que pour chanter.

-Tu as gâché notre concert, petit con.

Je passai mes doigt sur ma lèvre. Je signai. Ça allait gonflé. Ce consta me fit voir rouge.

Non, Victor.

N’explose pas…

Compte à l’envers… Je crois que c’est ce que dit Vicky…

Sauf que je n’en eus pas le temps. Je me redressai d’un coup et envoyai mon propre poing dans la gueule du chanteur sur le regard stupéfait de ses comparses tout aussi nuls.

Il tomba le cul au sol parce qu’il était aussi passablement bourré et que dans ce genre de moment je ne sentais plus ma force.

J’avais l’impression qu’il n’en faudra pas forcément plus pour embrasé le Crazy Ginger. On entendait, au loin, Michael Willis gueuler :

-BAGARRE !

Je ricanai quand Hunter affirma ne pas vouloir perdre son temps avec ma grand-mère… Et je constatai aussi qu’il était on ne pouvait plus critique vis-à-vis de The Lightening. Je haussai les épaules.

-Ton group préféré, Roadtramp, s’est fait attendre aussi…

Mais c’était toujours sur The Lightening qu’on mettait la pression. Pourquoi ? Je ne savais pas… parce que les gens nous sentaient fragiles et qu’ils aimaient voir leurs idoles souffrir ? Parce qu’on était juste très bons et qu’ils en voulaient toujours plus ?

La vérité devait se trouver quelque part entre les deux.

-Des choses à dire, il y en a… Mais Billy doit savoir comment exactement les sortir. Pour ne pas être mal compris. Billy déteste être mal compris.

Et pourtant, comme si c’était le karma, ça arrivait souvent.

Je souris, cependant, quand Hunter déclara qu’il ne me croirait que quand l’album serait dans les bacs.

-Alors je n’ai pas à me soucier de te convaincre.

Parce que l’album n’en avait plus que pour quelques jours avant de se retrouver dans lesdits bacs. Il n’était, d’ailleurs, plus de notre ressort, mais bien de celui du graphiste de MTI.

Puis on dévia sur la famille de Victor, puisqu’il m’avait rappelé son prénom. Il m’avoua se sentir très différent d’eux, avoir une vision des choses et de l’image à se donner complètement à l’inverse du reste des membres de sa famille. Mais le principal, finalement, ce fut la dernière phrase de son discours : sa famille l’aimait.

-C’est tout ce qui importe, non ? Après chacun vit sa vie comme il veut. Ma mère m’adore et m’a toujours laissé tout faire. Quoi que je fasse, elle m’aime.

Elle était très fier du musicien que j’étais devenu. Mais si mon addiction à l’héroïne était de notoriété publique, elle ne m’en avait elle-même jamais parlé. Ne m’empêchant pas de me shooter mais ne m’y encourageant pas non plus.

Mais il n’y avait pas que ma famille que j’aimais et qui m’aimait, il y avait aussi Billy… Et je souris à la remarque de Victor qui me dit de me méfier d’avoir des propos pareils surtout si Amon Sørensen était dans le coin.

-Je n’ai pas peur de ce que les gens peuvent penser de mes propos.

Je fis la moue.

-C’est le truc de Billy, ça.

Je lui déclarai que Billy, tout comme moi, était un enfant de L.A. même s’il avait été adopté. Victor se fit sceptique, mais je hochai quand même la tête.

-Tu n’es pas un artiste, tu le dis toi-même. Donc tu ne peux pas savoir que L.A. vampirise les artistes pour sa propre renommée. N’est-ce pas L.A. qui est l’image même du rêve Américain ?

Le berceau des artistes : acteurs, musiciens, chanteurs, poètes…

Mais assez parler de moi et de Billy. Je voulais en savoir plus sur le travail d’avocat de Victor qui travaillait pour plusieurs personnes dont Jimmy Reed, le Boucher de Los Angeles, et son ex-belle-fille. L’ex-femme du tristement célèbre Ward Fleming dont la grâce judiciaire faisait grosse polémique.

Mais ce qui me fit regarder Victor dans les yeux, ce fut quand il dit que si Ward était venu le voir avant Sky, c’était lui qu’il aurait défendu…

-Tu n’as pas d’âme, en fait…

J’avais sifflé cela comme un serpent, hésitant entre une admiration malsaine et du dégoût.

Preuve de la cupidité de l’avocat, il me proposa sa carte, même si je ne pensais pas en avoir besoin. Je la pris, la parcourant du regard, mais sans vraiment la lire. Mon était d’ébriété était trop avancé pour ça.

-D’accord…

Puis on fut interrompu par l’arrivée du chanteur dont le spectacle avait été chahuté par Victor un peu plus tôt.

Et tout dégénéra. Un coup fut porté dans un sens… Puis Victor frappa encore plus fort en retour. Je me levai de mon tabouret et reculai d’un pas. J’étais beaucoup de chose, mais violent et bagarreur n’en faisait pas partie.

J’entendis la voix enjouée de Michael crier « BAGARRE ! » Puis un cercle se former autour de nous.

Je reculai encore pour ne pas prendre un coup perdu.

-Hey ! Arrêtez !

Que pouvais-je faire d’autre ? Je regardai vers le barman et lui criai d’aller me chercher un seau d’eau froide. Il se passa quelques minutes où les coups fusaient pour le plus grand amusement de la foule. Mais quand j’eus mon seau, je le balançai sur les deux bagarreurs comme on l’aurait fait pour deux chiens en train de copuler violemment.

-STOP !

J’haussai des épaules quand Cash déclara que Roadtramp c’était aussi fait attendre.

-Bien moins que vous. Ils ont fait une tournée mondiale en 83 et, après ça, ils ont quand même fait des projets avec d’autres artistes. En gros, ils étaient toujours là. Puis, Cort a l’excuse d’avoir eut un enfant, si je ne m’abuse.

The Lightening n’en avait pas. Pas un seul des membres. Donc, ils n’avaient pas autant d’excuse que Roadtramp. Et vu le dernier album de mon groupe préféré, il était évident qu’eux, ils étaient toujours bien vivant.

Mais pour Cash, The Lightening ne sortait quelque chose que lorsqu’il y avait quelque chose à dire. Il ajouta que Lighter avait toujours peur d’être mal compris. J’haussai des épaules.

-Dis-moi de quoi Lighter n’a pas peur ? Parce que j’ai l’impression que ce type a simplement peur de vivre.

Il était de notoriété publique que Lighter souffrait de problème psychologique assez grave. Sans doute que ça n’aidait pas à le faire sortir de son bunker de luxe.

Bref, pour que je vois que The Lightening était toujours bien en vie, je comptais attendre que l’album ne sorte. Mais Izbel ne se faisait pas de soucis pour ça.

J’avais, ensuite, parlé de ma famille qui n’était composée que d’artistes riches. Des gens qui ne me ressemblaient en rien. Mais qui m’aimaient. Pour Cash, c’était tout ce qu’il comptait. J’haussai des épaules. Cash Izbel avait, lui aussi, une très bonne relation avec sa mère.

-Ma mère me laisse tout faire aussi. Non… En fait, elle préfère ne pas savoir ce que je fais.

Ma sœur, elle, s’y intéressait quand j’étais plus jeune. Maintenant, ce n’est plus le cas. Elle aussi ne préfère pas savoir.

Cash parla à nouveau de Billy et je ricanai un peu à ses propos qui pourraient facilement être interpréter d’une drôle de façon par des gens comme Sørensen. Mais Cash s’en foutait. Je ricanai.

-Si tu le dis…

Puis, il partit à nouveau dans un délire sur L.A.. Décidément, il est clairement haut perché. Mais il disait que c’était parce que je n’étais pas artiste que je ne pouvais pas ressentir le grand pouvoir de cette ville.

-Elle est à l’image du rêve américain pour les artistes. Pour les gens comme moi, c’est mieux New York. C’est là que j’ai acquis mon expérience et que j’ai trouvé de quoi toucher le rêve américain.

Je parlais de Carrie, bien sûr, qui était un pactole à elle toute seule.

Ce fut, ensuite, à moi de m’étaler sur mon métier d’avocat. Je citai quelques-uns de mes clients. Toute une clique qui ne se ressemblait pas vraiment. Il n’y avait décidément aucune ressemblance entre Thomas Fleming et Vicky… Et quand j’expliquai à Cash qui était Sky Fleming et que si son ex-mari m’avait appelé avant, c’est lui que j’aurais défendu, le guitariste déclara que je n’avais pas d’âme. J’haussai des épaules ne me sentant pas du tout insulté.

-Il n’en faut pas pour être avocat. Si tu en as une, tu ne peux pas faire ce que je fais.

Sinon, qui défendrais Thomas Fleming ? Personne. Parce que ce qu’il a fait, il l’a bel et bien fait. C’est un monstre, il n’y a aucune doute. Mais tout le monde a le droit à un avocat, alors… Il faut bien que quelqu’un s’y colle, non ?

Je lui filai alors ma carte même si Cash, à l’instar de Sniper, pensait ne jamais avoir besoin de mes services. Il la prit avant que le chanteur du groupe que j’avais interrompu tout à l’heure ne vienne…

Pour me foutre un jeton dans la gueule.

Et je ne sus pas garder mon sang froid. Je répliquai plus fort ce qui… Ne fit qu’empirer les choses. Le chanteur revint à la charge mais loin de moi l’idée de me laisser faire.

Une bagarre éclata et j’entendis les gens s’exciter tout autour. Moi, je voyais rouge, incapable de m’arrêter de frapper. On était tout les deux à terre. Moi sur lui à frapper.

Et je frappais fort.

Puis… Je fus littéralement arrosé.

L’eau était glacée et ça me fit reculer assis à terre contre le comptoir. Je repris une grande respiration affichant un air surpris. Le chanteur avait fait de même mais en reculant dans l’autre sens. Moins vite parce qu’il était plus sonné.

Je me rendis vite compte que c’était Cash qui avait balancé le seau d’eau. Je levai les yeux sur lui avec un regard mauvais qui témoignait de ma mauvaise humeur. En faisant ça, il m’avait quelque peu dessaouler au passage.

-Va te faire foutre, Izbel !

Plus loin, le groupe de rock minable aidèrent leur chanteur à se relever. Il saignait assez fort et l’un d’entre eux voulait emmener le chanteur à l’hosto.

Je me relevai complètement mouillé. J’étais de mauvaise humeur maintenant. Le patron, lui, soufflai de soulagement et leva son pouce vers Izbel pour le remercier avant de s’en aller aux « chevet » du chanteur blessé. Je passai ma main sur mon visage pour enlever l’eau. Mais j’étais bien rincé. Je frissonnai :

-Bien joué, le métis… Il va falloir que je rentre me changer maintenant.

J’avais un bleu sur la pommette et la lèvre qui saignait. Je plaquai mes cheveux mouillé en arrière.

J’achevai mon verre d’une traite avant de regarder à nouveau vers Cash :

-Je me casse… J’ai plus rien n’à foutre dans ce trou à rat.

C’est tout ce qu’il aura comme « au revoir ». Il fallait que je redescente et je savais que, pour ça, je devais me barrer.

Victor trouvait plein d’excuses à Roadtramp pour leur retard… Mais apparemment, The Lightening n’avait pas droit à autant de pitié. Cela dit, je m’en foutais, sirotant mon whisky. Je ne m’inquiétais pas parce que je savais que notre album allait sortir. Et ce n’était certainement pas l’avis de Victor Hunter qui allait me faire mal.

Ça aurait fait mal à Billy, par contre. Heureusement qu’il n’était pas là.

Et justement, ce fut de Billy qu’on parla un peu. Il me demanda de quoi Billy n’avait pas peur. Qu’il avait l’impression que le chanteur avait peur de vivre.

-Il n’a pas peur de dire ce qu’il pense.

Comme il le pensait… Mais cependant, il avait toujours très peur d’être mal compris.

On parla un peu de nos familles respectives. De nos mères en particulier. La mienne me laissait tout faire… Quant à celle de Victor, elle ne voulait même pas entendre parler de ce qu’il faisait.

On en revint brièvement à Billy et au lien qui nous unissait. Victor trouvait que ça pouvait prêter à confusion… Je souriais… Je m’en foutais. Ce ne serait pas la première fois que des gens insinueraient qu’il y avait autre chose entre moi et le chanteur qu’une amitié indéfectible. Quelque chose de magique… Et pourtant…

Pourtant on pouvait rester des mois sans se voir, sans se parler. Ne nous retrouvant en générale que pour faire de la musique.

De Billy on passa à L.A. Victor ne semblait pas comprendre la ville. Cependant, je compris bien son point de vue : ce n’était pas un artiste et L.A. était une ville d’artistes. C’était plutôt à New-York que les gens comme lui se faisaient un nom.

-Ouais, je comprends… Chacun trouve la source de son inspiration quelque part…

Cependant, un peu comme New-York, que j’avais eu l’occasion de visiter en tournée, Victor n’avait pas d’âme… Il défendait aussi bien le Boucher de Los Angeles, que Jimmy Reed ou l’ex-femme de Ward Fleming. Bref, il bouffait à tous les râteliers sans vergogne. Mais il ne protesta pas ni ne prit ma remarque comme une insulte. Il avait bien conscience de ne pas avoir beaucoup de morale.

Notre conversation fut brutalement interrompue quand une bagarre éclata entre Victor et le chanteur de ce soir. Les coups fusèrent, le sang gicla… Je me voyais mal me jeter dans la mêlée d’autant que j’étais tellement saoul que je risquais de me faire bien mal. Et ce serait con, avant une potentielle tournée.

Alors je leur balançai un seau d’eau glacée dessus… Geste qui fut favorablement accueilli par le patron du Crazy Ginger qui était derrière le comptoir parce que ça calma direct tout le monde.

Furieux, Victor finit par se relever en m’insultant…

Je ne trouvai rien à dire, mon cœur, qui en avait déjà vu de belles, battant fort dans ma poitrine.

Et c’est toujours aussi furieux que Victor quitta l’établissement…

Drôle de rencontre…