Je n’avais rien à faire aujourd’hui… Roadtramp profitait d’une petite accalmie entre la sortie de l’album, la tournée de promotion et les concerts à venir.

Lucky étant chez sa mère, le groupe se reposant en buvant tranquillement au manoir, je n’avais pas vraiment envie de rester à rien faire. Regarder les autres picoler était vraiment dur pour moi, même si je ne leur en voulais pas. Moi aussi, j’aimais faire la fête ! Mais il fallait avouer que sans être un peu éméché, tout ça n’avait pas la même saveur.

Du coup, j’avais dit aux autres que j’allais faire un tour. Maintenant que j’avais une voiture, je trouvais que conduire était vraiment agréable ! Ça procurait un sentiment de liberté complètement différent de celui que procurait l’alcool. Mais c’était tout aussi bon.

Je traversais la ville dans le but d’aller jusqu’à Malibu où les routes étaient vraiment plus sinueuses et offraient des paysages à couper le souffle. Et qui sait, peut-être que je m’arrêterais sur une plage pour manger des fruits de mer ou quelque chose comme ça.

Bref, je roulais sans avoir vraiment de but…

Jusqu’à ce que j’arrive à proximité des studios de MTI !

Je ne faisais pas partie de MTI, mais je connaissais des artistes affiliés à la maison de disque.

Et je n’avais pas revu Finan depuis la sortie de notre album ! Il fallait que je le remercie pour sa chanson qui faisait un tabac !

Je me garai donc et sortis, tout sourire. A la réception, il y avait une jeune femme avec son nom sur un pin’s à hauteur de sa poitrine : Donna. Elle était plutôt jolie et semblait assez sympathique. Elle leva les yeux vers moi et haussa bien haut les sourcils.

-Eddy Cort ?

Elle m’avait reconnu direct ! Et forcément, elle était étonnée de me voir là vu que je n’étais pas chez MTI, mais bien chez BSC.

-Ouais. Bonjour… Je voudrais parler à Finan Quinn et je me demandais s’il était là…

Sa surprise passée, elle se remit à sourire et fouilla dans ses documents.

-Je vois ici que The Warriors a réservé le studio 6 pour aujourd’hui… mais il ne me semble pas avoir vu Finan.

Je souris en retour.

-Ce n’est pas grave, je peux aller voir ?

Elle hocha la tête.

-Mais bien sûr !

Je pénétrai donc dans le couloir et marchait jusqu’au studio 6. On entendait de la musique venant des différents studios d’enregistrement, mais je ne reconnus pas The Warriors. Et la lampe signalant qu’ils seraient en train d’enregistrer était éteinte, donc je pouvais entrer, ce que je fis.

Je vis alors la tignasse rousse flamboyante de Tiffany Quinn…

-Oh ! Bonjour Tiffany. Finan est dans le coin ?

La nuit dernière avait été très pénible. Yoric avait des maux normal pour un bébé de son âge mais vu sa condition, il ne pleurait pas pour nous le faire comprendre. Il se tortillait de douleur, cherchait à se coller au possible tout contre nous alors que nous le bercions à tour de rôle, Finan et moi. Nous nous étions dit que, pendant que l’un veillerait notre fils, l’autre dormirait mais mon gros nounours et moi ne parvenions pas à aller dormir pendant que l’autre tentait tant bien que mal à soulager notre fils et souffrait d’impuissance.

Ce qui faisait que, ce matin, nous avions tous les deux les yeux petits, des cernes à faire peur et un besoin criant de caféine. Guillermo n’avait pas mieux dormit que nous, bien que fut un moment pendant la nuit où le sommeil avait prit le dessus sur son bon vouloir de grand frère protecteur. Notre famille n’avait certes rien de conventionnel comme le dirait ma chère mère mais elle fonctionnait bien et j’en étais fière !

Après une tasse de café bien corsée, je demandais à Finan s’il serait embêté de rester seul à la maison avec nos héritiers pendant que j’irais travailler mon violon au studio. Yoric ne serait pas indisposé par ma musique mais Guillermo et Finan apprécieraient peut-être de se taper un petit roupillon quand Yoric en ferait un.

Je ne connaissais pas de meilleur remède que la musique pour venir à bout de tout ce qui n’allait pas. Que je sois triste, joyeuse, en colère inquiète ou comme ce matin très fatiguée, la musique viendrait à bout de tout ce que je ressentais et m’aiderait à passer au travers de ma journées.

Chez MTI, nous avions maintenant l’habitude d’avoir le studio numéro six. Nous n’avions qu’à le demander et nous l’avions, aussi simple que cela. Peut-être qu’Ivar et Sigurd finiraient par se pointer le bout du nez alors que Finan viendrait avec nos rejetons, quand ils se seraient tous les trois reposés.

En attendant, j’étais seule avec mon violoncelle et je m’installais pour pratique ma gamme, question de me dégourdir les doigts. J’avais, sur une petite table pliante près de moi, un immense mug de café, possiblement le plus gros qu’on pouvait trouver dans la bâtisse ! Jamais de ma vie je n’avais but autant de café que depuis que j’étais maman.

Mes doigts dégourdies et mon entrain boosté à la caféine, je m’exerçais sur mes classiques préférés de Beethoven. Je ne connaissais rien de mieux pour me mettre à l’épreuve, bien que nos chansons n’avaient rien à envier aux grands compositeurs, ça ne se comparait tout simplement pas.

Je relevais la tête, Eddy Cort me sortant de ma bulle mais, loin d’en être offusqué, je levais les yeux et lui offris un immense sourire.

- Bonjour, Eddy ! Entre, entre !

Il souhaitait voir Finan mais, comme il pouvait le constater, j’étais seule ici, il devrait se contenter de moi.

- Gros nounours n’est pas encore là mais si tu veux, tu peux attendre qu’il arrive. Il est resté avec les garçons, nous avons eu une nuit d’enfer avec Yoric.

Il savait ce que c’était, il était lui-même papa d’un jeune garçon.

Tiffany, la femme de Finan, était seule dans le studio d’enregistrement avec son violoncelle. C’était un bel instrument que je ne voyais que rarement. Faisant du métal, tous nos instruments étaient électriques et quelque chose me fascinait dans les instruments classiques. En fait, les instruments comme ma guitare électrique pardonnaient beaucoup de chose. Un mauvais placement des doigts pouvait passer inaperçu.

Ce n’était pas le cas avec les instruments classiques. Et pour avoir déjà vu Tiffany jouer, je savais qu’elle était douée.

Elle me dit d’entrer avec enthousiasme, malgré l’absence de Finan. Ivar et Sigurd n’étaient pas là non plus, apparemment, il n’y avait qu’elle. Et à vrai dire, je n’avais jamais eu vraiment l’occasion de parler avec la rouquine. Mais je savais que c’était quelqu’un de gentil, comme tous les membres de The Warriors…

Ils étaient peut-être le groupe qui, dans la mentalité, s’approchait le plus de Roadtramp.

-Merci, Tiffany…

J’entrai donc, refermant doucement la porte du studio 6 derrière moi.

Elle m’expliqua que « gros nounours » (ce qui me fit sourire) n’était pas encore là, mais qu’il allait pas tarder. Elle ajouta qu’ils avaient eu une mauvaise nuit à cause de leur dernier né.

-Oh ok, pas de problème, je vais attendre.

Je m’assis sur un ampli et lui souris.

-Je sais ce que c’est, les mauvaise nuits. Maintenant, ça va, mais quand Lucky était tout petit, je dormais pratiquement pas. Et je dormais dans sa chambre quand il était chez moi. C’était un grand prématuré et je crevais de trouille qu’il arrête de respirer en dormant.

Ça avait été ma hantise ! Mais Lucky s’était bien rattrapé et avait maintenant un développement parfaitement normal. Personne n’aurait pu dire que Lynn avait eu autant de mal à le mettre au monde si on en parlait pas.

Je pointai son violoncelle.

-Tu enregistres toute seule, du coup ? Mais j’avais pas l’impression que tu jouais du The Warriors quand je suis arrivé… On aurait plutôt dit du… classique ? Mais je ne sais pas quel compositeur.

J’avais une bonne culture musicale, mais le classique m’échappait quand même un peu.

Me retrouver seule dans le studio me faisait beaucoup de bien. Mes pensées allaient et venaient dans ma tête, sans se bousculer tout en étant accompagné par la musique de mes gammes sur les cordes de mon violoncelle. C’était une façon de me reposer, quelque chose qui me faisait du bien. Me retrouver dans les bras musclés de mon gros nounours de mari aussi me faisait beaucoup de bien mais il s’était sacrifié pour l’équipe !

Mon regard se porta vers la porte du studio alors qu’Eddy Cort, grand gaillard au cœur tendre entra. Il espérait trouver Finan mais il devrait se contenter que de sa femme. Je l’invitais tout de même à entrer, n’ayant jamais eu l’occasion de vraiment faire sa connaissance, ce serait le moment de le faire. Il accepta mon invitation et je posais mon archet, pour l’accueillir sans avoir l’air de le menacer avec !

Il pouvait attendre que mon gros nounours arrive, c’est ce que je lui proposais. De toute façon, il ne devrait pas tarder. Il devait que récupérer un peu de sommeil en espérant que Yoric coopère sinon, il viendrait tout de même, avec nos fils. Je vis un sourire étirer les lèvres de Cort, probablement que ‘’Gros Nounours’’ avait fait son effet !

- J’ai entendu l’interview avec Sydney Grey, tu as parlé de ton fils et qu’il avait déjoué les pronostics. Pour nous…

Je restais muette quelques secondes. Finan et moi n’avions pas envisagé de garder la surdité de Yoric secrète mais nous ne l’avions dit qu’à nos proches.

- Pour nous, pour Finan et moi je veux dire, ça été inspirant. Yoric est né sourd et muet et… c’est un combat au quotidien, tu sais. Nous apprenons le langage des signes et nous apprenons à le décoder ce qui est loin d’être facile.

La nuit dernière avait été loin d’être facile, j’en étais cernée jusqu’en dessous des bras mais ce n’était pas pour autant que j’étais prête à les baisser.

- Il avait quoi ton fils, à la naissance ? Enfin, si tu veux m’en parler hein, je comprends que tu ne veuille peut-être pas raconter à tout le monde une partie de ta vie privée.

Je respectais cet aspect, je n’étais pas non plus du genre à tout ébruiter. J’aimais bien avoir mon petit jardin secret, m on univers rien qu’à moi. J’avais vécu ça en Irlande ce qui me donnait encore plus l’envie d’y retourner, le plus tôt possible, ne serait-ce que pour y passer une toute petite semaine. D’ailleurs, il fallait relancer le projet d’achat d’une maison ! Abby ne cessait de nous envoyer par la poste, des fiches de propriétés en vente !

- Oui, enfin non. Je suis venue me reposer ici en attendant que les autres arrives. La musique me détends, je la laisse me bercer.

À chacun son truc ! Certains carburaient au café pour s’assurer de garder les paupières ouvertes toute la journée, moi, j’avais besoin de m’envelopper de musique, un classique comme l’avait remarqué Eddy. Je lui souriais, heureuse qu’il ait reconnu.

- C’était un concerto de Beethoven, tu as vu juste. Oh !! Mais !! Attends, je vais te jouer quelque chose que tu devrais reconnaitre. Je jouais souvent cette chanson, enceinte de Yoric et, possiblement qu’il ressentait les vibrations maintenant que je sais qu’il n’entendait pas la musique, malheureusement… Mais… attends… tu verras !

Je repris mon archet, je me replaçais sur mon banc et j’envoyais à Eddy, un petit clin d’œil avant de me lancer.


https://youtu.be/3fJ_76FfM8o

Tiffany était seule dans le studio… j’allais donc attendre que Finan se pointe. En attendant, c’était l’occasion de faire plus ample connaissance avec la jeune femme. Et forcément, étant tous les deux jeunes parents, notre conversation tourna direct sur notre progéniture.

Je souris en constatant que Tiffany avait écouté l’interview de SydG. Apparemment, ce que j’avais dit sur mon fils l’avait touchée… Mais je compris assez vite pourquoi… Leur fils, Yoric, était atteint de surdité…

J’ouvris de grands yeux surpris et un peu triste.

-Oh merde… Je suis désolé de l’apprendre…

Je pinçai les lèvres. Finan et Tiffany apprenaient la langue des signes, du coup. Ils faisaient tout pour leur petit bébé… Mais ce qui me touchait vraiment, c’était de savoir que Yoric n’entendrait jamais la musique de ses musiciens de parents.

Du coup, Tiffany voulut savoir ce que Lucky avait eu… Je passai une main sur mon front, un peu gêné.

-Ben, en fait, je n’ai non seulement pas bien compris mais… Dans l’état de… d’alcoolisme dans lequel j’étais… J’ai un peu oublié tout ce que les médecins m’ont dit. Ce que je sais, c’est que comme il est né beaucoup trop tôt, ses petits poumons et son petit cœur n’étaient pas bien développés.

Je haussai les épaules.

-Il a du rester longtemps à l’hôpital et Lynn et moi, on a stressé comme des fous. Mais, comme je l’ai dit, tout va plus que bien maintenant.

J’en vins à demander si Tiffany était ici pour enregistrer. Mais ce n’était pas tout à fait ça. Elle se détendait en musique en attendant les autres.

-Ah ouais, rien de tel que la musique pour ça. En plus, tes instruments sont vraiment impressionnants.

Le violoncelle qu’elle tenait était presque aussi grand qu’elle assise. Ça me semblait atrocement encombrant. Mais les sons que ça sortait ! C’était incroyable !

J’avais cru reconnaître un classique en arrivant et j’avais raison. Je souris, assez fier. Puis elle piqua ma curiosité en disant que j’allais sûrement reconnaître la chanson qu’elle jouait à son fils quand il était dans son ventre.

Elle reprit son archet et se mit à jouer. Je reconnus le morceau dès les premières notes ! Et pour cause !

-C’est Never Cared ! C’est Roadtramp !

Alors, je me mis à chanter avec la musique de Tiffany… Jusqu’à la fin où je restai limite bouche bée.

-Ça donne une toute autre dimension à la chanson ! Et je n’aurais jamais cru que, joué sur ce type d’instrument, ça sonne toujours aussi métal !

Je regardai Tiffany dans les yeux.

-Tu reprends souvent des chansons comme ça, avec tes instruments ? Parce que c’est vraiment impressionnant !

Eddy était entré dans le studio numéro 6 et je l’avais accueilli avec le sourire, heureuse de le rencontrer enfin. Finan en disait beaucoup de bien et j’adorais la musique de Roadtramp, ç ne pouvait donc qu’être plaisant que de discuter avec lui. Il était venu pour rencontrer mon mari mais Finan s’était gentiment sacrifié pour rester avec nos fistons pour me permettre de souffler un peu.

La conversation s’installa rapidement entre Eddy et moi et je me surpris même à lui confier la condition de mon bébé. C’est l’interview que le jeune chanteur avait accordé à Sydney Grey qui m’avait mise en confiance. En effet, il avait parlé de son fils et du fait qu’il avait déjoué les pronostics des médecins. Ça nous avait un peu donner confiance à Finan et moi bien que l’on ne se berçait pas d’illusion. Tout au plus, nous nous accrochions à l’espoir que notre fils finisse par ressentir les vibrations ou percevoir des sons très fort.

- Ce fut un choc mais on se dit que notre fils est en pleine santé malgré cela. Il n’a pas besoin d’un rein, il n’a pas une condition médical le forçant à des traitements invasifs.

Yoric est sourd et muet mais en parfaite santé, un bébé ultra attachant qui sourit tout le temps et qui nous comble de bonheur, son père, son frère et moi. Un jour, nous seront des pros du langages des signes et la surdité de Yoric ne sera qu’une formalité.

Je me permis de questionner Eddy sur ce qu’avait eu son fils, non pas que je cherchais à comparer l’un et l’autre mais je me disais qu’entre parents de petits miraculés, nous pouvions nous soutenir. Eddy paru gêné et il avoua que son alcoolisme avait un peu effacé ses souvenirs et qu’il ne savait pas exactement ce qu’avait eu son fils. Je ne le jugeais pas, je l’écoutais et je fis mes propres déductions.

- Oh il est prématuré ! Il dû avoir des complications avec le développement de ses organes qui n’étaient pas mature au moment de naître. C’est ce qui arrive avec les prématurés et certains ont des complications toute leur vie ce qui ne semble pas être le cas de ton petit bonhomme, heureusement.

Il me parla du stress que lui et sa copine de l’époque avaient subi pendant tout le temps où le petit avait été hospitalisé. J’aurais été dans le même état, ça ne faisait aucun doute.

- J’ai stressée à mort moi aussi quand, avec Finan, on s’est rendu compte que quelque chose n’allait pas avec Yoric. Tout le temps qu’à duré les examens et l’attente des résultats, nous n’en menions pas large.

Heureusement, nous avions traversés cette épreuve ensemble.

J’étais donc venue au studio seule et d’avance pour me reposer. Je ne connaissais pas mieux que la musique pour le faire et Eddy était d’accord en plus d’avouer qu’il trouvait mes instruments impressionnant.

- Ils impressionnent parce qu’ils sont gros ! Mais ils ne sont rien de plus que des instruments à cordes, comme ta guitare.

Eddy avait reconnu ce que je jouais, tout juste avant qu’il n’entre et j’eue ensuite l’idée de lui faire entendre une autre chanson qu’il allait facilement reconnaitre et que je jouais souvent enceinte, pour mon fils. J’aurais tant aimé qu’il puisse l’entendre. La surprise d’Eddy fut grande mais je ne m’arrêtais pas de jouer, surtout qu’il se mit à chanter pour m’accompagner. C’était magique, comme moment !

Il avait adoré et n’en revenait pas que, même au violoncelle, Never Cared garde son âme de musique métal. Ça me fit rire, doucement alors que je faisais oui de la tête.

- Elle a autant de gueule, même au violon. C’est ma chanson préférée de votre répertoire.

Je fis oui de la tête ensuite. Il m’arrivait de reprendre des chansons de différents artistes, pour le plaisir, au violoncelle ou même à la harpe.

- Oui, souvent même. Je préfère ça au grands classiques, étonnamment. J’ai aussi fait Never Cared à la harpe.

Je ne l’avais pas fait demander donc ma précieuse harpe n’était pas dans le studio, sinon j’en aurais fait la démonstration à Eddy.

- Je caresse le rêve de faire un album de reprise instrumental de certaines pièces je pense que je soucis administratif me freine un peu, enfin, je ne sais pas. Je ne me suis jamais trop posé la question en fait !

Le fils de Finan et Tiffany était sourd. J’en fus surpris et très triste pour eux. Mais la jeune femme relativisait parce qu’à part ça, leur enfant était en pleine santé.

Je souris.

-C’est tout ce qui compte… Pour le reste… Ben, regarde Sniper. Il est sourd aussi. Bon, pas de naissance mais… Il fait quand même de la musique aujourd’hui.

Comme quoi, pour moi, il y avait toujours de l’espoir.

Tout ça amena Tiffany à me questionné sur les problèmes que Lucky avait eu à la naissance. Malheureusement, j’avais de gros trous noirs de cette époque… Et en plus, comprendre le jargon des médecins n’était pas vraiment à ma portée. Tout ce que j’avais compris, c’est que ses organes n’avaient pas été pleinement développés à sa naissance. Et Tiffany répéta plus ou moins ce que j’avais dit.

-Heu… ouais.. C’est ça.

Je haussai les épaules.

-Mais comme tu dis, c’est du passé. Aujourd’hui, Lucky a récupéré son retard de développement. Il est même plutôt grand !

J’avais dit cette dernière phrase avec une fierté non dissimulée.

Bref, tout ça était bien stressant… Tant pour le couple de The Warriors que ça ne l’avait été pour Carolyn et moi à l’époque.

Puis Tiffany m’avait montré ce qu’on pouvait faire avec un violoncelle et c’était vraiment beau, intense et impressionnant ! Ça donnait une toute autre dimension à Never Cared… Quand elle termina, je l’applaudis avec enthousiasme avant de la complimenter. Elle disait que c’était sa chanson préférée de notre répertoire.

Je grattai l’arrière de ma tête en souriant.

-C’est la chanson préférée de beaucoup de monde. On a vraiment tapé dans le mille avec cette chanson. C’est celle que le public attend toujours en concert.

J’étais sidéré de ce qu’une chanson métal pouvait donner avec les instruments classiques de Tiffany. Et je fis un « o » silencieux quand elle m’avoua l’avoir aussi joué à la harpe. Je regardai tout autour, mais ne vis pas de harpe.

-Faudra que tu me fasse écouter un jour.

Elle avait un projet, en fait. Ou plutôt un rêve encore à ce stade : faire un album de reprises instrumentales.

-C’est une excellente idée… Mais c’est clair qu’étant chez MTI, si tu veux faire des reprises de groupe de chez BSC, va falloir acheter les droits qui seront sûrement plus chers que si tu rachètes les droit de… The Burning Fire par exemple… Vu qu’ils sont chez MTI.

Je souris.

-Mais ça ne doit pas te freiner. Je pense que vous avez une des meilleures managers de cette époque. Si tu lui en parles, je suis sûr qu’elle pourra t’arranger ça. C’est une Ricci, après tout.

Finan et moi avions dû vite assimiler que Yoric, malgré ce que l’on pouvait ressentir vis-à-vis de sa condition, était en parfaite santé et que c’était un cadeau bien plus inestimable que l’ouïe et la parole. Notre fils, à force de persévérance, finirait par se faire comprendre avec le langage des signes. Comme le disait Eddy, Sniper était lui aussi sourd bien que pas de naissance et qu’il faisait toujours de la musique.

- Je ne désespère pas de trouver un moyen de faire ressentir à Yoric notre musique.

Je ne baisserais jamais les bras.

Cela nous amena à parler de son propre fils, le petit Lucky né prématurément et qui avait risqué sa santé et son développement globale à a naissance. Heureusement, comme pour Yoric, le petit était en parfaite santé aujourd’hui, il avait déjoué les pronostics des médecins et évoluait comme un enfant normal de son âge.

- Il porte bien son nom alors ! Peut-être qu’un jour, Yoric et Lucky seront copains. Peut-être qu’ils feront même de la musique ensemble, qui sait !

La fierté d’Eddy pour son fils était magnifique à voir et était non sans me rappeler celle de Finan qui avait le même regard pétillant quand il parlait de ses fistons.

Je voulu montrer à Eddy la version que j’avais faite de Never Cared, au violoncelle. Ça avait fortement impressionné Eddy qui ne pensait pas qu’une pièce pouvait garder son essence métal sur ce type d’instrument. J’adorais cette chanson, elle était même l’une de mes préférée du répertoire de Roadtramp ce qui était le cas de pas mal de gens comme me le faisait remarquer Eddy.

- Vous avez également tapé dans le mille avec votre dernier album ! Mais peut-être que cela est dû à la chanson écrite par Finan…

Je disais ça en riant, pour le taquiner. Même si Finan écrivait de superbes chansons, Eddy Cort et ses acolytes n’avaient pas besoin de mon gros nounours pour composer des chansons qui tapaient droit dans le mile !

- Cette semaine, je dois travailler avec la harpe alors repasse et il me fera plaisir de te faire entendre comment Roadtramp sonne avec cet instrument !

Humblement, je lui confiais caresser le rêve d’enregistrer un album de reprises de chansons à la harpe et au violoncelle. J’avais conscience que le fait que toutes n’appartenaient pas à des groupes de MTI et que cela compliquerait la progression du projet. Eddy pensait la même chose que moi ce qui me fis soupirer.

- De toute façon… Ce n’est qu’un rêve un peu foufou. Avec Yoric, le groupe et tout un tas de petites choses qui gravitent autour, je n’ai pas beaucoup de temps à investir là-dedans… Un jour peut-être.

Eddy me redonna tout de même un petit brin d’espoir en me rappelant que j’avais l’une des meilleures manager et qu’elle devrait être en mesure de m’obtenir ce que je souhaitais.

- C’est vrai que Samantha n’est pas du genre à se laisser impressionner et que ce genre d’obstacles administratifs ne l’effraient pas. Je pourrais lui en parler… Commencer à me renseigner, ça ne coute rien de le faire.

Et puisqu’Eddy Cort en personne aimait bien la version que j’avais fait de sa chanson, peut-être que ce serait plus facile d’obtenir ce que je voulais. Je pourrais rencontrer chaque artiste de qui je faisais la reprise et ayant leur accord, que partie du travail serait fait.

- Finan ne devrait plus tarder. Il doit venir avec Guillermo et Yoric, tu pourras les rencontrer, si tu veux bien attendre encore un petit peu.

Tiffany, malgré la condition de son fils, restait optimiste. Et je savais que pour un parent, c’était la seule chose à faire. Ça avait marché pour Lucky, j’étais sûr que ça marcherait pour le petit Yoric. Je lui souris d’un sourire qui voulait tout dire : à la fois que je la soutenais, que je l’admirais et que tout allait bien se passer.

Elle espérait que Yoric et Lucky deviennent amis.

-Oh mais bien sûr ! Dommage qu’on ne travaille pas dans le même studio, ce serait plus facile. Mais rien n’est impossible. C’est ce que mon fils m’a appris !

Elle m’avait ensuite joué Never Cared au violoncelle… C’était impressionnant et vraiment très beau. Puis on parla un peu de l’album parce qu’elle aimait vraiment cette chanson qui était l’une des préférées du public.

Elle me taquina ensuite en disant que si l’album était si bon, c’était grâce à la chanson écrite par Finan. Loin de m’en offenser, je fis comme si elle avait été sérieuse, même si je savais bien que c’était pour rire.

-Cette chanson est vraiment magnifique. C’est pour ça que je suis là. Pour remercier Finan. Sa composition termine magnifiquement bien l’album.

Elle avait aussi une version de la chanson à la harpe. Mais malheureusement, il n’y avait pas de harpe dans le studio. Mais qu’à cela ne tienne ! C’était tout juste un bon prétexte pour me voir revenir et échanger avec elle, et peut-être le reste de The Warriors aussi.

Tiffany avait aussi des rêves et des projets, dont celui de faire un album de reprises instrumentales. Vu ce que je venais d’entendre, ça vaudrait vraiment le coup ! Le truc, c’était les problèmes de droits et tout ça. Je trouvais que ça avait tendance à freiner un peu la créativité des artistes.

Mais bon, c’était comme ça. BSC et MTI étaient des grosses boîtes, qui plus était, rivales… Et tout n’était, dans le fond, qu’une affaire de gros sous. Ce qui était dommage.

Cependant, je ne perdais pas espoir pour Tiffany. Si Samantha arrivait à gérer The Lightening, elle arriverait sûrement à faire une entourloupe administrative ou à convaincre les gens que cet album était un bon plan qui ferait gagner des sous à tout le monde.

-Un jour peut-être. Sûrement, j’espère.

Tiffany me répéta que Finan et ses enfants n’allaient pas tarder.

-Ok, pas de problème, je ne suis pas pressé. Mais est-ce que je peux…

Je désignai une guitare acoustique du menton. J’avais envie de jouer. Quand j’eus l’aval de Tiffany, je me levai, et pris l’instrument. Je vérifiai qu’il était branché et accordé correctement puis commençai à jouer et chanter pour Tiffany. C’était une chanson que j’avais en tête, mais que je n’avais pas encore partagée avec Roadtramp parce que je trouvais qu’elle devait encore être travaillée.

♫

Un jour, je ne savais pas comment, Yoric ressentirait notre musique. La médecine faisait de plus en plus de percées en des domaines que nous n’aurions jamais cru possible. Nous pouvions faire des bébés sans même avoir de relation sexuelle alors pourquoi ne pas permettre à une personne malentendante de pouvoir ressentir voire entendre ? Jamais je ne baisserais les bras et toujours je continuerais de me battre pour mon fils. D’ailleurs, j’étais convaincu qu’un jour, le fils d’Eddy Cort, le petit Lucky et Yoric deviendraient amis.

- C’est vraiment dommage, en effet mais aucune maison de disque ne nous empêche d’organiser des activités familiale en dehors des contrats professionnels.

J’offris mon plus beau sourire amicale à Eddy. Fréquenter d’autres parents ne pouvaient pas nuire et aiderait Yoric à sociabiliser. Pour le moment, il ne connaissait que nos visages, à moi, Finan et Guillermo ainsi que celui de son parrain Ivar et de sa marraine Vanya. Il fallait élargir le cercle autour de mon fils pour lui permettre de s’épanouir.

J’avais ensuite joué Never Cared au violoncelle à son compositeur et interprète ce qui produisit un bel effet. Eddy était bluffé sur le fait que même sur cet instrument, sa chanson ne se dénaturait pas. Il serait surpris de l’entendre à la harpe ce que je lui montrerais avec grand plaisir s’il repassait au studio dans la semaine.

Eddy était passé au studio pour remercier Finan de vive voix pour la chanson qu’il avait offerte à Roadtramp. J’avais taquiné Eddy au passage en disant que, si son dernier album était si bon, c’était grâce à la magnifique plume de mon gros nounours. Ce que je remarquais de ma conversation avec Eddy était que, malgré que ce fut la première fois que nous discutions lui et moi, la conversation coulait de source, comme si nous étions copains depuis des années. C’est probablement pour cela que je me sentis assez à l’aise pour lui confier un projet que j’avais en tête, quelque chose dont je n’avais même pas encore discuter avec Finan, pour la simple et seule raison que je trouvais cela trop fou ou trop flou pour le verbaliser.

Eddy était à l’écoute et bien qu’il trouvait mon idée excellente, il craignait comme moi que la barrière entre MTI et BSC ne freine mon projet. Je haussais un peu des épaules, loin de m’avouer vaincue mais pas non plus prête à me lancer. The Warriors, mes fils, mon couple, tout ça passeraient avant mes ambitions personnelles.

Gros nounours et nos trésors ne devraient plus tarder mais puisqu’Eddy n’était pas presser, ça ne e gênait pas d’attendre. J’en était ravie, il était d’excellente compagnie.

- Mais bien sûr, vas-y !

Il m’avait demandé la permission pour prendre une guitare et je rangeais mon archet pour l’écouter. Je n’avais encore jamais entendu cette chanson ce qui rendait le moment encore plus merveilleux, presque intime.

J’avais bien fait de venir me reposer au studio. Bavarder avec Eddy m’avait fait le plus grand bien !