Le travail.

Toujours et encore le travail !

Daniele et moi, ne faisions que ça dernièrement, tant et si bien que j’avais l’impression désagréable que nous ne faisions que se croiser entre deux portes et que même endormis dans le même lit, nous n’étions pas vraiment ensemble tant nous étions exténués. En tous les cas, moi je l’étais !

J’avais passé beaucoup de temps à parcourir les bars et petites salles de la ville à la recherche de nouveaux talents et, bien que l’expérience soit toujours plaisante, elle n’en demeurait pas moins éreintante. Je n’avais plus l’âge pour tenir assise, jambes croisées, sur un tabouret pourvus de quatre pattes inégales, mettant à mal sa stabilité. J’avais des acouphènes à cause de la musique forte et je ne m’attarderai pas sur le nombres de mauvaises notes que je ne supportais plus d’entendre.

Ce dont Daniele et moi avions besoin, c’était de passer une belle soirée à la maison, de se détendre devant un repas copieux, de prendre un bon verre devant un feu de cheminé, d’avoir des discussions platoniques sur des sujets profonds ou superficiels. Nous avions besoin de lâcher prise, de laisser les enfants gambader autour de nous, d’entendre leurs rires comme musique de fond.

Cependant, nous connaissant, nous en viendrions vite à parler du boulot, de nos poulains respectifs et avec le coup dur qu’encaissait Daniele, soit la rupture avec Livia, je me doutais que finalement, ni lui ni moi serions capable de laisser le boulot là où il se devait de rester, c’est-à-dire au bureau !

Qu’avais-je comme alternative ?

- Daniele ?

Je me retournais dans notre lit en relevant mon masque de sommeil. Daniele ne semblait pas dormir, probablement que son petit hamster courait toujours à vive allure dans sa tête, tout comme le mien.

- Nous devrions inviter Jimmy et Maritza pour souper demain soir, qu’est-ce que tu en penses ? Je cuisinerai mon Ossobuco alla Milanese, qu’est-ce que tu en penses ?

En toute honnêteté, je n’avais aucune envie de me farcir la misogynie de Reed toute une soirée mais la compagnie de Maritza me manquais et malheureusement, elle ne semblait pouvoir aller et venir sans son chien de garde enragé. Les dernières fois où j’avais eu le plaisir de la voir, elle me semblait éteinte, fragile et soumise. Mon raisonnement allait dans le sens qu’un diner à quatre lui ferait autant de bien à moi qu’à elle mais je prétextais que les enfants avaient besoin de socialiser un peu.

- Daniela et J.R. sont du même âge et pourtant, ils ne se voient que très rarement. Dany a aussi besoin de voir d’autres enfants que sa petite sœur. J.R. doit être très dégourdie avec un père comme Jimmy.

Avec un dictateur comme père, comment pouvait-il en être autrement.

Est-ce que j’avais du mal à encaisser la fin de ma collaboration avec Livia ? Oui ! Parce qu’elle venait d’une cause extérieur dont je n’avais aucune prise. Parce qu’elle n’était pas due au fait que j’avais mal travaillé. Parce que ça n’avait rien n’à voir avec me propre relation personnelle et professionnelle avec Livia.

Depuis cette rupture, je ne pouvais m’empêcher de penser que Livia aurait pu me donner des signes avant-coureur. De me dire que son conflit avec Jim la faisait revoir ses plans avant de prendre sa décision finale. Mais elle m’avait mis devant le fait accompli. Et j’avais moyennement apprécié ça.

Professionnellement, ça ne changeait pas grand-chose à ma réputation. Des poulains qui marchaient aussi bien que Livia, j’en avais. Evan – déjà – rien qu’à lui tout seul pouvait garder ma propre carrière à flot. Mais j’avais aussi Tobby Cooper et Jackson Holland qui étaient, eux aussi, d’excellent artistes. Mais c’est du point de vue personnel que j’avais été touché. Comme je le dis, j’avais eu l’impression d’avoir été mis sur le fait accompli… En gros, elle m’avait déçu.

Le travail me permettait – donc – d’aller de l’avant. Je bossais pour mes artistes leur trouvant des petits concerts ou les encourageants dans leurs productions. J’étais, aussi, en train de clôturer tous les dossiers concernant la fin de contrat avec Livia. En gros, j’avais dû prévenir un tas de gens que je ne m’occupais plus des affaires de Cortez.

De son côté, Sammy bossait aussi beaucoup. Elle arpentais les bars en quête de nouveaux talents mais il semblerait que – jusqu’ici – elle n’avait pas encore trouvé quelque chose de valable ce qui devait, sans doute, être frustrant.

Ce qui faisait qu’on ne se voyait pas tellement souvent. Les journées on bossait et, le soir, on était trop fatigué pour faire quoi que ce soit. Ce qui était assez affligeant. Peut-être qu’il faudrait penser à des vacances ? Une fête ? Je faisais des fêtes au yacht mais je pourrais faire une fête plus guindée dans autre endroit.

Je réfléchissais à tout ça alors qu’on était au lit et que je peinais à dormir pour diverses raisons. Samantha était à mes côtés. Je croyais qu’elle dormait mais ce n’était pas le cas car elle m’interpella.

-Hum ?, demandais-je avant de me retourner doucement vers elle alors qu’elle fit de même relevant son masque.

Je m’attendais à ce qu’elle parle de boulot ou – justement – de vacances mais c’est d’un souper avec Jim et Maritza dont elle parla. Un souper ici même alors que Sammy avait l’intention de faire son délicieux ossobuco. Je n’avais rien contre un souper – à vrai dire… Les soupers avaient l’art de me détendre. Seulement, je savais aussi que Sammy n’aimait pas plus que ça Jim et inversement… Du coup, j’aurais imaginé qu’elle aurait pensé à autre chose si elle avait voulu se détendre.

Sauf qu’il semblerait que c’était surtout pour que Daniela puisse voir J.R. qu’elle souhaitait faire ce souper. C’est ce qu’elle disait en tout cas. C’est vrai que les deux enfants n’avaient pas encore eu l’occasion de beaucoup se voir mais ils étaient encore petit alors est-ce que c’était réellement important ? Moui – d’après Sammy apparemment. Elle affirma alors que ça fera, aussi, du bien à Tony. Quant à J.R. elle disait qu’il devait sûrement être dégourdi avec un père comme Jim.

-Un souper ? Moui, pourquoi pas ?, dis-je en faisant une moue de réflexion. Rien que pour ton ossobuco, ça vaut le coup…, rajoutais-je avec un petit sourire.

Mais je n’avais pas vraiment envie que ce souper soit un prétexte à une joute verbale. Et connaissant les caractères de Jim et de Sammy, je doutais que des piques ne soient pas lancées.

-Ça fait une éternité que je n’ai plus vu Maritza. Je crois que la dernière fois c’était au yacht. A l’inauguration…, dis-je en me rappelant très bien de ça. Mais tu crois qu’on pourra passer un souper tranquille ? Je sais qu’entre toi et Jim, ce n’est pas le grand amour. Ça m’étonne que tu veuilles le voir, d’ailleurs…

Je savais Sammy amie avec Maritza. En général, je fréquentais Jim et elle fréquentais Maritza.

-Oh et j’espère aussi que Daniela et J.R. vont s’entendre. Si c’est tous les deux des petits tyrans, ça risque de faire des étincelles, dis-je en rigolant un peu.

Parce que Daniela avait un certain caractère. Elle n’aimait – d’ailleurs – pas partager.

Daniele et moi étions absorbés chacun de notre côté par nos carrières respectives quand ce n’était pas par les enfants quoi qu’avec eux, j’étais plus impliquée que mon tendre et cher époux. N’y voyez pas un reproche, à cet âge, les enfants sont plus dépendants de leur mère que de leur père. Quand ils seront grands, ils iront naturellement vers Daniele et je me plaindrais que le temps où je devais les bercer pour les endormir me manque.

J’avais envie de casser la routine, de faire autre chose que de travailler et raconter des histoires. Je n’avais pas d’envie d’une fête mais j’avais quand même en tête de voir des gens. Je passais me soirées à la recherche de nouveaux talents alors sortir de la maison était exclus ce qui m’amenais sur la piste d’un souper. Nous soupions tous les soirs avec les enfants et les conversations étaient les mêmes. Donc, pourquoi ne pas inviter des gens à partager notre table ?

Si d’abord, je pensais à Sonne et Axel, je me ravisais et proposais à Daniele d’inviter Jimmy et Maritza. Je ne pouvais voir Jimmy même en peinture mais il y avait une éternité que je n’avais pas vue Maritza et sa compagnie me manquais. J’en étais fort probablement la plus grande responsable, était prise à gauche et à droite, j’aurais pu prendre le temps de passer un coup de fil à la femme du meilleur ami de mon époux.

Daniele était d’accord pour un souper rien que parce que l’idée de savourer mon ossobuco le faisait saliver d’avance.

- J’arrive toujours à te convaincre en passant par ton estomac !, rétorquais-je, amusée.

Daniele disait lui aussi que cela faisait une éternité qu’il n’avait pas vue Maritza, même que cela devait remonter à la soirée d’inauguration du yacht. Je réfléchissais avant de me dire qu’effectivement, ça datait de cette soirée. J’allais faire remarquer à Daniele que ce soir-là, j’avais trouvé Maritza différente, un peu éteinte mais il me devança et me demanda si nous pourrions souper tranquille car entre Jimmy et moi, ce n’était pas l’amour fou.

- Tu préfères recevoir Sonne et Axel ? J’ai envie de voir Maritza et elle ne viendra pas sans son abominable mari. Je sais être charmante, quand je le veux, amore mio !

Puis, il ne fallait pas oublier que les enfants seraient heureux de s’amuser ensemble ce qui nous permettrais de bavarder tranquillement. Daniele et Jimmy parleraient de leurs trucs d’hommes et je bavarderais avec Maritza de choses et d’autres.

Daniele me fit rire doucement en parlant du risque potentiellement électrique de laisser Daniela et J.R. ensemble. Il est vrai que notre fille ne peut renier ses gênes Italiennes et que de lui ai bien enseigné à s’affirmer alors que Daniele lui consent ses moindres caprices. Je ne savais pas comment était élevé J.R. mais si son éducation était entièrement entre les mains de Jimmy, nous aurions un nouveau mâle toxique en ville. Je ne craignais pas que ma fille saurait le remettre à sa place, du haut de ses deux ans !

- Possible que cela fasse des flammèches mais je suis prête à prendre le risque. Je suis convaincue que tout ira bien et si ce n’est pas le cas, tu auras le droit de m’en reparler pendant des mois.

Je me rapprochais de Daniele, sous les couvertures et je l’embrassais amoureusement.

- L’idée de ce souper est surtout pour casser la routine, changer un peu d’air tout en restant à la maison sans nous coltiner des invités à plus savoir quoi en faire. Je me disais que tu serais heureux de recevoir ton ami et je suis toujours heureuse de voir Maritza. Ceci dit, si tu juge que ce n’est pas une bonne idée, je suis tout ouïe pour une autre proposition, amore mio.

Sammy avait trouvé une solution pour sortir de notre routine de travail – celle d’inviter Jim et Maritza à venir manger, chez nous, son ossobuco. L’idée était tentante rien que pour le menu et la bonne cuisine de Sammy. Elle était – comme toute femme italienne – un vrai cordon bleu ! Surtout quand il s’agissait de cuisiner des plats italiens.

Elle avait déclara qu’elle arrivait toujours à me convaincre en sortant l’argument de la nourriture. Qui résisterait à ça après tout ?

-Il faut dire que c’est difficile de résister à la bonne bouffe, dis-je avec un petit sourire en coin.

Avec un bon verre de vin ! Quoi de mieux pour passer une bonne soirée ?! Ainsi, l’idée de ce souper m’intéressait mais le seul bémol était, sans aucun doute, la mésentente qu’il y avait entre ma femme et mon meilleur ami. Jim n’aimait pas Sammy et l’inverse était aussi vrai. Ils étaient totalement incompatible sur en ce qui concernaient leurs idées et le seul moyen de les faire agir de concert était d’avoir un ennemi commun comme ça avait été le cas lorsque la menace de Fleming était présente chaque jour que Dieu faisait.

Mais la menace Fleming était, désormais, écartée alors il ne restait plus à Sammy et à Jim que se détester l’un et l’autre quand ils étaient dans la même pièce.

Sammy mit alors en avant une alternative. Celle d’inviter Sonne et Axel. Seulement, Sammy voulait revoir Maritza même si cette dernière sera – sans aucun doute – accompagnée de Jim.

-Je vois Sonne tous les jours et je n’ai pas grand-chose à dire à Axel Moriarty, dis-je en réfléchissant tout haut.

Moriarty et moi n’étions pas vraiment proche. Je n’avais pas grand-chose à dire au roi des hypocrites hormis des banalités. Quant à Sonne, on en viendra inévitablement à parler travail vu que c’était ce qu’on avait en commun.

-Tant que je ne me retrouve pas au milieu d’un conflit de loyauté, je veux bien qu’on invite Jim et Maritza à venir souper, concluais-je.

Sammy disait qu’elle pouvait être charmante. J’espérais que Jim allait être dans la même optique. J’imagine qu’il faudra que je le vive pour être sûr que tout se passera bien. Le principal était que je ne passe pas la soirée à atténuer les propos des uns et des autres – car ils étaient tous les deux des gens auquel je tenais. Et ça même s’ils ne pouvaient pas se piffer. Moui – je n’avais pas vraiment les nerfs pour ça, ces derniers temps !

Sammy avait dit que tout ça serait – aussi – profitable pour les enfants. J’avais rigolé en me demandant si J.R. et Daniela allaient, eux, pouvoir se piffer ou s’ils allaient être le reflet des différents entre Jim et Sammy. Dans tous les cas, Sammy était prête à prendre le risque.

-Oh mais je te le rappellerais, dis-je en rigolant un peu. Tu peux compter sur moi pour ça.

Quoi que de voir Daniela et J.R. possiblement se chamailler pourrait être plus drôle qu’autre chose – finalement.

Sammy avait dit que ce souper était surtout pour casser la routine et nous permettre de voir chacun l’un de nos meilleurs amis. Ce n’était – en soi – pas dénué de sens.

-Non, tu as raison. Il est temps qu’on fasse autre chose que de travailler chacun dans son coin. Ce souper mettra un peu d’animation. Je préviendrais Jim pour le souper. S’il n’accepte pas, ma fois, on invitera Sonne et Axel… Ou bien Evan et Sydney, déclarais-je en souriant. Surtout que, bientôt, tu seras sur les routes avec la tournée de The Lightening. Il faut en profiter pour faire ce genre de trucs avant qu’on ne soit à nouveau séparé pour un temps.

La tournée n’était pas encore pour toute suite mais il fallait penser à s’amuser avant d’être séparé. Bien que je comptais aller voir Sammy sur cette tournée autant de fois que je le pouvais.

L’argument de l’ossobuco pouvait venir à bout de n’importe quelle demande. Daniele, en bon épicurien, ne savait résister aux plats mijotés, aux sauces goûteuses et épicées, au parfum riche émanant de la cuisine. En général, je parvenais à beaucoup de choses avec mon cher et tendre époux rien qu’en m’installant aux chaudrons.

- Je ne connais personne sachant résister à une table bien garnie. Ce sera l’occasion de sortir l’un de tes grands crus de la cave à vin.

Daniele savait cependant que de partager sa table avec sa femme et son meilleur ami risquait de lui faire avaler de travers quelques gorgées. Entre Jimmy et moi, ce n’était pas l’amour fou et c’était peu dire. En fait, si cela n’aurait été qu’une question de manque d’affinité, la situation aurait été conciliable mais ce que Jimmy et moi pensions réciproquement l’un de l’autre faisait en sorte que de partager la même planète était déjà affligeant. Cependant, il était marié à une femme merveilleuse que j’adorais et avec qui j’avais envie de passer une bonne soirée. Malheureusement pour moi, elle semblait soumise à son homme et ma seule occasion de la voir était d’inviter son chien de garde.

Évidement, Daniele ne manqua pas de souligner la non-amitié entre Jimmy et moi mais notre besoin de casser notre routine était suffisante pour que je m’afflige une soirée en compagnie de Reed. Je proposais de changer les invités à notre table par sa secrétaire et son époux mais Daniele voyait Sonne tous les jours et il n’avait pas grand-chose à dire à Axel, son journaliste d’époux. Tout ce qu’il souhaitait était de ne pas se retrouver dans un conflit de loyauté.

- Je l’accueillerai comme il se doit et je serai courtoise rien que pour toi et Maritza. Cependant, s’il manque de savoir-vivre à mon égard, je compte sur toi pour mettre les limites nécessaire. Autrement, tu pourrais bien n’avoir que l’osso et pas le buco.

Au-delà de mon envie de passer une soirée avec Maritza, je me disais que ce serai également profitable pour les enfants de jouer ensemble. Daniele espérait que le courant passe bien entre eux et non que leur relation soit le reflet de ma propre relation avec Jimmy.
Notre fille étant très bien élevée, je ne craignais pas son comportement à elle et j’espérais que la personnalité et le caractère de Maritza ressorte chez l’héritier Reed. Autrement, je prenais le risque que Daniele ne me le remette sur le nez chaque fois qu’il en aura envie.

Après tout cela, je ne voulais rien imposer à Daniele. S’il jugeait que ce souper n’était pas une bonne idée, j’étais prête à toute autre proposition tant qu’elle n’impliquait pas que l’on doive sortir très loin de la maison et que cela ressemble à une fête où un tas de gens inintéressant ne se pointent que pour jouer les pique-assiettes.  Je fus ravie de l’entendre dire qu’il était effectivement temps pour nous de faire autre chose que de travailler et qu’il proposerait le souper à Jimmy et, si ce dernier refusait, il proposa un panel d’invités de rechange.

- Ainsi soit-il !

Je passais mes bras comme je le pu autour de mon épouse et je posais ma tête sur son torse. S’il entendait mes pensées reflétant tout l’amour que j’avais pour lui ainsi que l’immense reconnaissance que j’avais de partager ma vie avec un homme autant merveilleux que lui, il verrait son égo gonfler comme un ballon et il aurait bien raison !

J’avais vraiment épousée le meilleur des hommes !