Putain de justice injuste !

C’est ce que je me disais chaque foutu matin depuis le jour où ce gros lard de Dorsley avait rendu son verdict. Un verdict dur et injustifié autant pour moi que pour Brent. Putain, j’ai jamais vu quelqu’un qui devait payer autant pour une foutue petite intrusion et un petit coup de poing dans la figure ! Jamais !

Sans compter que, désormais, je devais me rendre chez le psy toute les semaines sinon je risquais bien de devoir aller faire un petit tour en prison. Je pense que c’était encore pire que de devoir des thunes à Maxwell ! Un Maxwell qui n’a pas manqué de me dire que l’argent qu’il gagnera de nous sera bien réinvesti dans sa foutue série de merde !

Je n’en voulais pas à mon avocat. Il m’avait défendu corps et âme. Mais Dorsley nous avait dans son viseur depuis le début. Pas étonnant venant d’un républicain arriérise comme lui ! On avait essayé de le faire changer mais rien n’y a fait ! Rien ! Même Victor, qui est du même bord que le gros juge, n’avait rien pu faire.

C’était injuste !

-Putain, celui-là était vraiment nul ! Il en reste combien à voir ?

Enora soupira avant de regarder distraitement la feuille qu’elle avait devant elle. On était en pleine séance de casting pour mon prochain film qu’elle produisait. Et, jusqu’ici, aucun des dix premiers candidats n’avait été à la hauteur de ce que je cherchais pour le rôle de James Friedkin. Il faut dire que, quand j’ai écrit ce rôle, j’avais la tête de Jimmy Reed en tête ainsi que ses manières à lui. Il fallait que je me détache légèrement de ça pour pouvoir juger plus facilement les candidats.

-30…

Je passai ma main sur mon visage. Ça allait être une longue foutue journée ! Surtout si les 30 suivants étaient aussi nuls que les dix premiers.

-Putain, qui en a programmé autant en une journée ?

Enora fit la moue et se tourna vers moi. Comme d’habitude, elle était habillée de façon très relax avec un jeans et une chemise. Moi, j’avais mes lunettes, ma chemise et ma cravate. C’était ma tenue fétiche quand je faisais passer les casting. Et si je critiquais chaque fois Enora sur sa tenue, elle en faisait toujours de même. C’état, quelque part, notre rituel d’avant casting… Mais au fond, j’adorais quand elle s’habillait comme ça…

-Moi. Parce que tu as demandé à ce qu’on ne perde pas trop de journée sur le tournage de Spaceship. Je ne peux pas allongé le nombre de jour dans une semaine, Shran… Je peux juste optimiser les choses dans le temps qu’on a…

Je grommelai mais elle m’ignora. Elle avait cessé de me râler dessus depuis que j’étais sorti du tribunal avec un peine « sévère mais qui te fera réfléchir ». C’était ses mots. Réfléchir à quoi ? Telle était la question, hein ! Ça me révoltait plus qu’autre chose, en fait, toute cette histoire.

-Parlant d’emploi du temps… N’oublie pas que, demain, tu as rendez-vous à 19h chez le Docteur Storm…

Je roulai des yeux croisant les bras. Ouais… Le Docteur Storm… Le fameux psy censé régler mes problèmes de self-control.

-Tu n’as pas réussis à mettre le rendez-vous plus tard ? On tourne demain…

Enora fit la moue.

-Non… Les psys aussi ont une vie privée, Shran… Ils ne peuvent pas travailler à toutes les heures de la journée et de la nuit. Et tu as intérêt à t’y rendre. Si tu n’y vas pas, tu risque de faire sauter ton sursis. Et je te préviens que je ne déplacerait pas le plateau de Spaceship en prison, Shran. Si tu finis en taule, c’est la fin de la série.

Elle savait qu’en me menaçant de la sorte elle s’assurait que je me conduise bien dans les six mois à venir et que je suive cette foutue thérapie qu’elle disait bénéfique. Moi, je ne voyais pas bien ce que le Docteur Storm pouvait bien faire pour moi, hein ! Je l’avais déjà vu une fois… S’il paraissait sympathique, je m’en méfiais !

Je fis la moue.

-Ouais, ouais, Enora… J’irais, t’en fais pas… C’est qui le candidat suivant ? Ne me dis pas que c’est Kyle Davis, sinon, j’abandonne.

Elle pouffa un peu de rire. Super ! Je suis arrivé à lui tirer un sourire ! Et, inévitablement, ça m’en arracha un discret. Je n’avais rien contre Kyle Davis, hein ! J’étais même content qu’il ait pu devenir bassiste de The Burning Fire même si je n’avais aucune foutue idée que ce paumé savait faire de la basse. Mais il faut être honnête que c’est un très mauvais acteur et qu’il a l’art de se pointer à presque tout mes castings sans que je comprenne vraiment pourquoi…

Enora baissa ses yeux sur sa liste et se mordit la lèvre.

-Non… Mais c’est River Moriarty…

Je secouai la tête.

-Le nouvel antagoniste de Maxwell ?

Elle hocha de la tête. Je fis la moue.

-Putain, certains acteurs vont vraiment manger à tous les râtelier… Bon… Fait-le entrer…

Enora cria qu’on fasse entrer le suivant et River entra. Bon ! Il ne ressemblait pas du tout à ce que j’avais en tête pour le personnage, physiquement parlant…

-Bonjour, Monsieur Moriarty. Qu’est-ce qui vous amène ici ? Vous vous êtes perdu ? Les studios de Galactic Wars c’est plus loin sur le site, hein.

Agressif, moi ? Jamais !

C’était l’idée de Hugh… mais Henri, notre agent désormais commun avait été d’accord. Il fallait que je me présente au casting organisé par Stephen Shran et Lee Pictures pour le prochain film du réalisateur.

Je ne faisais de toute façon pas la fine bouche sur les projets. Il fallait que je remette ma carrière à flot et ce n’était pas forcément avec des films d’horreur que j’allais faire fortune. Alors je m’étais dit que tout compte fait, c’était probablement la meilleure chose à faire. Shran avait une réputation en tant que réalisateur, il était loin de faire de la merde.

Alors pourquoi pas ?

Surtout que le peu que je savais du rôle pour lequel j’allais auditionner était, pensais-je, dans mes cordes.

Les grandes lignes disaient : un homme d’affaire impitoyable à la morale douteuse.

Il me semblait que je pouvais très bien faire ça. Même si c’était bien plus subtil que tous les rôles que j’avais eu à jouer jusqu’à maintenant. C’était l’occasion d’essayer de me dépasser et de sortir un peu de ma zone de confort.

Henri m’avait dit qu’il savait très bien que j’aimais beaucoup jouer dans des films d’horreur, mais que j’étais probablement capable de me diversifier même s’il doutait que je puisse jouer des rôles romantique du genre que celui que Hugh avait tenu dans Love In L.A.…

Mais avec ce nouveau film de Shran, même si nous étions loin d’en connaître les détails, nous n’étions pas dans le romantisme. Il s’agissait plutôt d’un drame… Un drame où je ne doutais pas que, comme avec Spaceship, Shran tenterait de faire passer des messages.

Dans le fond, ça, je m’en foutais.

Ce dont je me foutais moins, c’était de la réputation des castings organisés par Stephen. Ils avaient la réputation d’être très durs. On disait même que parfois, Stephen jetai juste un vague coup d’œil aux candidats et que s’ils ne correspondaient pas à la vision qu’il avait en tête, il ne prenait même pas la peine d’aller plus loin.

Et en plus, moi, je travaillais avec Maxwell sur Galactic Wars… Henri et Hugh savaient que c’était un mauvais point pour moi, mais ils voulaient que j’essaye quand même.

Je me rendis donc, avec Henri, à San Fernando Valley, aux studios, pour rencontrer le fameux Shran qui venait d’être jugé sévèrement pour son intrusion sur le plateau de Maxwell et je ne pus m’empêcher de sourire…

Quand ce fut mon tour, j’entrai dans la salle sans crainte aucune. Il s’agissait d’une toute petite salle avec une petite scène et quelques spots que je soupçonnais Shran d’utiliser pour aveugler et impressionner ses candidats.

Sauf que je n’étais pas impressionné, même quand il me demanda si j’étais perdu en soulignant que j’étais un membre du clan Maxwell. En réalité, je n’étais dans le camp de personne, si ce n’était le mien.

Je souris, carnassier, soutenant le regard vert de Shran de mon regard bleu.

-Oh mais Monsieur Shran… C’est Five, qui m’envoie.

Echec.

Quand, dans votre tête, vous imaginez, pour votre personnage, un blond aux yeux bleu et que c’est un type aux cheveux noirs qui s’amène, vous savez, d’avance, que l’acteur va devoir sérieusement se bouger le cul pour vous convaincre. C’est ce que je pensais quand River Moriarty entra dans la pièce.

Un River Moriarty qui, dans ma tête, était un ami de l’ennemi. Il avait obtenu un rôle sur le série Galactic Wars et passait, désormais, en venant ici comme un type qui n’avait pas vraiment de loyauté. Qui fait à la fois des films pour Maxwell et des films pour Stephen Shran ? Un acteur sans morale ou un acteur désespéré. Je ne savais pas dans quel catégorie se trouvait River. Etant donné sa biographie, j’opterais pour la seconde option.

Directement, je l’agressai laissant de marbre Enora Lee qui avait l’habitude de mon petit manège. River afficha alors un sourire carnassier du genre presque dérangeant et affirma que c’était Five qui l’envoyait.

Je pris un air surpris.

-Hugh ?

Qui d’autre ? Five c’est Hugh, Shran, tu le sais très bien…

Enora se pencha alors vers moi et chuchota à mon oreille pour qu’il n’y ait que moi qui puisse entendre :

-River est le crush de Hugh…

Quoi ? Je secouai la tête… Et Enora sait ça et pas moi ? Bah voyons ! Je fis la moue. Alors comme ça, Hugh fricote avec l’ennemi ? Dommage que je suis strictement incapable d’en vouloir à Crusher…

Je plissai des yeux en regardant River. Ok… Il m’avait légèrement déstabilisé avec ça. Je n’imaginais pas que, d’entrée de jeu, il veuille me prendre par les sentiments. Parce que je voyais bien Hugh être déçu si jamais je n’engageais pas River. Mais je ne comptais faire de passe-droit à personne. Pas même aux crushs de Hugh Crusher !

-Donc, tu es venu ici parce que Hugh t’a demandé de venir, c’est ça ? C’est tout ? C’est ta seule motivation ? Tu n’en as pas d’autres ?

Je le sondai de mon regard l’acteur à la courte carrière. Car ouais, River était jeune et il avait passé quelques années en hôpital psychiatrique. Un parcours pour le moins atypique parsemé d’interrogations et de zones d’ombre. J’avais vu la série Keeping Our Lands ainsi que plusieurs films où apparaissait River et je devais avouer qu’il avait l’art de toujours jouer le même genre de rôle. Pas des rôles tout à fait semblable à celui pour lequel River auditionnait aujourd’hui. Alors, je lui envoyai une question franche.

-Je connais ton parcours. J’ai vu plusieurs de tes films… Tu as l’art de toujours faire le même genre de rôle. Celui du psychopathe sanguinaires. Tu crois être à la hauteur d’un rôle d’antagoniste plus subtile que ce que tu as déjà fait jusqu’ici ?

Une étincelle presque malsaine passa dans mon regard quand Shran se posa une question rhétorique à propos de Five. Oui Shran… C’est bien Hugh qui m’envoie… En fait, non, ce n’était pas tout à fait vrai. Il ne m’avait pas envoyé. Il m’avait parlé du rôle et m’avait dit de tenter ma chance.

Je vis Enora Lee se pencher et chuchoter à l’oreille du réalisateur. Il fit la moue… Je n’avais pas entendu ce que la productrice lui avait dit, elle avait parlé trop bas.

Et moi, j’étais planté là, debout et je continuais de sourire, essayant de jouer avec la lumière pour que mon profil se détache de façon à faire luire mes yeux. Je ne savais pas si Shran et moi avions la même vision d’un personnage impitoyable. Mais pour moi, il devait être physiquement charismatique dès le premier regard.

Sauf que mon charisme frisait l’effrayant et que ça risquait peut-être de me desservir.

Il demanda si le conseil de Hugh concernant ce casting était ma seule motivation.

Je fis lentement « non » de la tête.

-Non… Ce n’est pas ma seule motivation. La description du rôle m’intéresse. Vous voulez que votre personnage soit impitoyable, charismatique. Je suis fait pour ce rôle.

Shran me toisa et je le toisais en retour, sans jamais détourner le regard. J’affichais maintenant un air neutre, dans l’attente de ce qu’il allait dire. Plus de questions ? Quelque chose à jouer ? La lecture d’une partie du script ?

Non, il parla de mon parcours. Il avait vu mes films et probablement, comme beaucoup de gens, Keeping Our Lands…

Il disait que j’avais tendance à faire toujours les mêmes rôles.

-C’est juste parce que j’aime ce genre de rôle. Cela ne veut pas dire que je ne sais pas en jouer d’autres.

Je souris à nouveau.

-Vous avez fait vous-même des films d’épouvantes. Je pensais, en venant ici, tomber sur quelqu’un qui saurait voir plus loin que le psychopathe sanguinaire. Qui saurait voir le travail d’acteur derrière tout ça.

J’ajoutai un autre argument.

-James Friedkin pourrait y gagner à être joué par quelqu’un qui sait aussi faire peur. Même si j’ai bien compris qu’il s’agit d’un rôle en toute subtilité… Un monstre qui joue dans l’ombre.

Je connaissais le regard dérangeant de River et il le posa sur moi après m’avoir lancé que c’était Five qui l’envoyait. Et c’est plus ça qui me déstabilisa que le regard de River que j’avais déjà vu dans bien des films. Mais j’appris très vite, au travers des chuchotements d’Enora, que le nouvel antagoniste de Maxwell était, aussi, le crush de mon acteur fétiche… Je suis bien placé pour savoir que l’amour ne se commande pas mais aller le chercher chez l’ennemi c’est quand même fort, hein !

Mais je ne pus en vouloir à Hugh que l’espace de quelques secondes, le temps d’assimiler la nouvelle. Après quoi, j’avais attaqué River le questionnant sur ses motivations. Il souriait d’un sourire tout aussi dérangeant de son regard et je commençais à me demander s’il le faisait exprès ou si c’était son état naturel. Le fait est que je ne connaissais quasi pas River en dehors de ses films et de ce qu’on disait de lui dans la presse. Donc, difficile pour moi de réellement le cerner… Et je n’allais pas demander à Enora de le cerner pour moi, elle ne sait pas non plus faire ça !

River lança alors que Hugh n’était pas sa seule motivation. Il aimait aussi le rôle. Il pensait être fait pour ce rôle. Je fis la moue.

-Ça, ça sera à moi d’en juger !

Il soutenait mon regard alors que son sourire avait disparu laissant apparaitre un air plus neutre. J’essayais de voir si je pouvais calquer James Friedkin sur lui. Pour ça, je devais me détaché de l’image que j’avais de lui en écrivant mon script.

J’avais mis en avant le CV de River. Je le connaissais parce que j’avais vu quelques-uns de ses films. Il avait joué dans beaucoup de films d’horreur. J’avais moi-même jouer dans des films d’horreur ce qui faisait que c’était un genre que je suivait de près sans compter qu’Enora était fan d’horreur. Et je savais que River, jusqu’ici, avait fait des rôles sensiblement les mêmes. Il affirma qu’il aimait ce genre de rôle mais que ça ne voulait pas dire qu’il ne savait pas jouer autre chose.

-Je l’espère. Sinon, tu as frappé à la mauvaise porte.

Son sourire réapparu et il lança que j’avais aussi jouer dans des films d’horreur et que, de ce fait, j’aurais pu voir en ses rôles autre chose qu’un psychopathe sanguinaire. Que j’aurais pu voir tout le travail qu’il y avait derrière.

-Je ne dis pas qu’il n’y a aucun travail derrière. Tu excelles dans ce genre de rôle. Je n’ai jamais été déçu de ta prestation dans les films que j’ai vu. Tu maitrises parfaitement ce genre de rôle. Mais ça ne veut pas dire que tu es capables de jouer quelque chose de différent.

Car James est différent de Kraken par exemple… Quoi que dans Death Boat par exemple, River avait joué un personnage un peu plus nuancé que d’habitude. Mais ça restait assez caricatural comme tout ce que fais Trevor Price.

River disait que James Friedkin pourrait gagné à être joué par quelqu’un qui fait aussi peur et ça même si l’acteur savait qu’il devait rester subtile.

-En soi, oui, il doit faire peur. On doit voir qu’il est le maitre de la jet-set sans que ça soit trop caricatural. Les autres personnages, autour de lui, doivent paraitre comme étant ses sujets et tout ça doit être naturel. Un ordre établi. Quelque chose qui, de l’extérieur, parait comme normal.

Enora écoutait attentivement l’échange et finit par intervenir.

-James Friedkin est sûr de lui. Il pense pouvoir tout contrôler. C’est aussi un manipulateur. Il sait séduire à sa manière. C’est un rôle complexe.

Enora savait, bien sûr, que le personnage était inspiré de Reed. Et je savais que, dernièrement, Enora en voulait à Reed. Pourquoi ? Parce que cet enfoiré avait laissé Tarah participé à la fête au yacht de Ricci alors que cette gamine était entrée en douce sur le site ! Enora a voulu intervenir mais Reed avait donné raison à la gamine et avait menacé Enora d’être virée de l’endroit si elle forçait Tarah à rentrer. Vous auriez dû voir ma tronche quand Enora ma raconté ça. J’étais furax. Je vous jure que si jamais j’avais été à la place d’Enora mon sursis aurait sauté !

Cette putain de fête n’est pas pour une gamine de 15 ans !

-Mais le mieux, pour voir si tu es fait pour le rôle, c’est de le jouer. Tu es James Friedkin. Imaginons que j’ai une fille mineur et qu’elle s’est introduite à une de tes fêtes. Tu lui as donné ta bénédiction pour qu’elle reste alors que cette fête est interdite aux mineurs et que c’est un lieu de débauche.

Je me levai.

-J’arrive et je ne suis pas content. Enora… Tu joues la fille, ok ? Le reste, on va improviser, ok ? T’es prêt, River ?

Ce n’était pas du tout une scène du film. Je ne faisais jamais de scène de mes films en casting. Je n’aimais pas trop dévoiler le scénario aux acteurs que je ne vais, peut-être, pas retenir.

J’attendis que River soit prêt. Enora se mit à côté de lui et me fis signe qu’elle était prête. J’étais prêt aussi. C’était très facile de me mettre dans le rôle de moi-même faisant face à Reed ! Très très facile !

-Qu’est-ce que tu fous ici, Tania ? Tu n’as rien à foutre à une de ces fêtes !

J’avais inventé un nom au hasard et ce n’était pas un hasard si ce nom était proche de Tarah.

Enora leva alors la tête prenant un air de petite pimbêche.

-Si ! Je suis légitime ici, n’est-ce pas Monsieur Friedkin ?

Elle avait prit une voix de gamine. C’était caricatural. Mais Enora n’avait jamais prétendu avoir le moindre talent d’acteur. Quoi que là, j’entendais bien Tarah, hein ! Preuve que c’était du vécu.

Je voulus y aller un peu au culot, montrer que je voulais absolument ce rôle. Alors je déclarai que j’étais fait pour jouer James Friedkin, le grand magnat de la jet-set qui y faisait la pluie et le beau temps. Mais Shran répliqua que c’était à lui d’en juger.

Je souris.

-Jugez-moi alors !

J’étais là pour jouer, pour prouver ce que je savais faire. Mais je devais apparemment passer par un petit interrogatoire avant. Normal que le réalisateur veuille savoir ce que je pensais du rôle et pourquoi je pensais que j’avais ma chance.

Il avait regardé mes films, il savait que j’avais tendance à choisir toujours les mêmes rôles qui me permettaient d’évacuer une part des vices qui sommeillaient en moi. Mais Shran, lui aussi, était assez porté sur les films d’horreur. Ne pouvait-il donc pas voir que j’étais un travailleur ?

Je pouvais jouer autre chose. Il suffisait que je le veuille. Et je voulais le rôle de Friedkin.

Shran espérais bien que je savais jouer autre chose que des psychopathes sanguinaires. Je hochai la tête comme pour l’inviter à me tester.

Et là vinrent des compliments. Il disait que j’excellais dans ce dont j’avais déjà joué. Qu’il n’avait jamais été déçu de mes prestations. Tout ça s’annonçait déjà meilleur. Mais il doutait de ma capacité à jouer d’autres rôles.

J’ouvris la bouche. J’allais dire que dans ma vie de tous les jours, j’étais obligé de jouer les caméléons… De m’adapter. Mais ce serait la porte ouverte à des questions délicates, ce que je voulais éviter.

-Je pense que l’acting est une question d’adaptation. Et je sais m’adapter.

Voilà, formulé comme ça, ça me semblait mieux.

Je soulignai aussi le fait que son personnage, Friedkin, devait faire un minimum peur. Une peur subtile, bien sûr, mais il devait en imposer. J’avais le regard idéal pour ça. Je pouvais bien sûr avoir un regard complètement fou. Mais je pouvais aussi être beaucoup plus fin dans ce que je faisais passer à travers mes yeux.

Shran m’expliqua alors que Friedkin était une sorte de roi parmi ses sujets. Je comprenais qu’il devait être craint, mais pas seulement. Même s’il pouvait être détesté, il devait aussi imposer une forme de respect même vis-à-vis de ses ennemis.

Je réfléchis sincèrement et sérieusement aux mots de Shran.

-Je comprends… Il est naturellement à sa place. Personne ne peut le déloger.

Enora Lee ajouta encore quelques caractéristiques au personnage. Sûr de lui, maniaque du contrôle et manipulateur. Séducteur… J’eus une brève pensée pour Hugh.

-Croyez-moi, c’est dans mes cordes.

On en vint aux choses sérieuses quand Shran décida que la meilleure chose à faire était de jouer. Je souris. J’adorais jouer.

J’écoutai attentivement la mise en contexte du réalisateur qui donna le rôle d’une gamine de 15 ans à son ex-femme. Quand Shran me demanda si j’étais prêt, je me permis de prendre un des verres d’eau sur leur table et allai me poster sur la petite scène en tenant mon verre comme s’il s’était agi du meilleur whisky au monde.

Enora se posta à côté de moi et je levai légèrement la tête. J’étais petit… Si je voulais avoir l’air de regarder les gens de haut, il fallait que je lève la tête. Mais heureusement, Shran était encore plus petit que moi.

Il s’avança vers nous, jouant les pères bafoués. Il fustigea Tania et elle lui cracha à la figure qu’elle était légitime à cette fête avant de demander confirmation auprès de moi. Je la regardai et lui souris, posant une main protectrice sur son épaule.

-Bien sûr…

Puis je regardai le père droit dans les yeux, avec le sourire.  

-Je l’ai légitimée… La question est… que fais-tu ici, toi, si tu penses que ce lieu est réellement un lieu de débauche ?

Sous-entendu, s’il était réellement le bon père de famille pour lequel il voulait se faire passer.

River voulait que je le juge. A ce niveau-là, il allait d’être servi. Mais avant de juger son talent, je le questionnai sur ses motivations mais, aussi, sur ce qu’il avait fait précédemment. J’aimais questionner les candidats. Parce qu’au-delà du talent, je voulais savoir s’il y avait une chance que je m’entende avec l’acteur en question. J’avais appris l’importance de ça après avoir passé tout en tournage en compagnie de Ian Hunter.

J’avais un peu bousculé River concernant le fait que, depuis le début de sa carrière, il faisait toujours plus ou moins le même style de rôle. Des rôles qu’il jouait à la perfection, hein, j’ai jamais dit le contraire mais le fait que ça soit toujours la même chose me faisait penser que c’était tout ce que River savait faire et qu’un rôle plus subtile sera hors de sa portée.

River rétorqua qu’il savait s’adapter.

-Ça aussi, ça sera à moi d’en juger.

Parce qu’ici, je me fichais de la réputation d’un acteur, je me fichais de ce que la presse en disait et je me fichais de ce que l’acteur pensait de lui-même. Je mettais à la poubelle toutes ses données parasites pour me focalisé uniquement sur ce que me donnait l’acteur lors de l’audition.

River avait une certaine vision de mon personnage. Oui, en soi, il devait faire peur mais de façon subtile. Le fait est que c’est surtout sa réputation qui fait peur et son statut. Il n’avait pas besoin de forcer pour que les gens le redoute. C’est ce que j’expliquai à l’acteur qui compléta mon idée en disant que James Friedkin était naturellement à sa place et que personne ne pouvait l’en déloger. J’hochai de la tête.

-Exactement !

Enora rajouta d’autres caractéristiques et River confirma que tout ça était dans ses cordes. Il semblait plus ou moins sûr de lui.

Bien ! On allait voir ça ! Il était temps de le juger sur son talent. Pour ça, je comptais faire une improvisation. C’était toujours comme ça que je procédais. Je mis, rapidement, en place un contexte inspiré de la dernière frasque de Tarah et j’entrainai Enora dans ce petit jeu.

River, de son côté, se prépara prenant, en main, un verre d’eau. Il le tenait d’une façon qui supposait qu’il n’y avait pas de l’eau dans son verre mais un très bon alcool bien cher. Je devais souligner qu’il avait le soucis du détail. C’était un bon point pour lui.

Chacun se mis en place et je me lançai m’attaquant directement à Enora-Tania qui me lança sur le ton d’une petite pimbêche qu’elle était légitime. Le pire c’est que c’était certainement comme ça que Tarah lui avait parlé quand mon ex-femme avait cherché à la faire sortir du yacht de Ricci. Putain, heureusement que je n’avais pas été là ce soir-là… Les choses auraient bien mal tournées si ça avait été le cas.

River-James confirma les dires de la « jeune » femme (désolé Enora). Il affirma l’avoir légitimé et il me renvoya ma question ce qui me fit affiché un air outré. Belle réplique… Je devais bien l’avouer… Mais loin de moi l’idée de me laisser faire. Je fronçai les sourcils contrarié.

-Je suis un adulte. Je sais qui sont les gens à éviter ! Tania est trop jeune pour voir tous les pièges qu’il y a ici. C’est une proie facile ! C’est pas pour rien que ces fêtes sont interdites aux mineurs. Tu sais qu’il y a un tas de gens dérangés ici ! Et je suis encore son père ! C’est moi qui décide si elle peut venir ici ou non ! Pas toi, James !

Enora pris un air boudeur avant de lancer sur un ton agaçant.

-Je ne suis plus une gamine !

Montrer ma motivation, répondre à ses questions, ne suffisait pas au réalisateur. Me mettre en avant et essayer de me vendre non plus. Ou alors, si ça fonctionnait, il le cachait bien derrière ses lunettes grandes et carrées qui lui donnaient clairement l’air du nerd qu’il était réputé pour être.

Mais ça ne me dérangeait pas que Shran me rabroue en disant que tout jugement viendrait de lui et de lui uniquement. Parce que ça voulait dire qu’il savait ce qu’il cherchait. Qu’il savait ce qu’il voulait.

Tout ce que je pouvais faire, c’était montrer de quoi j’étais capable. Mais avant qu’il ne lance une improvisation, j’eus le temps de dessiner un peu plus clairement dans ma tête et avec son aide et celle d’Enora Lee, qui était James Friedkin.

Je partais avec un petit désavantage parce que je ne connaissais pas Jimmy Reed. Jusqu’ici, je n’avais encore assisté qu’à une seule fête de Ricci, celle où j’avais surpris mon cousin, Axel, au lit avec un homme. Mais je n’avais encore jamais parlé à Jimmy Reed et, du coup, je ne faisais pas du tout le rapprochement entre le personnage créé par Shran et le magnat de BSC.

Ne restait donc plus qu’à jouer cette impro, en espérant être le plus juste possible.

Et vu l’aisance avec laquelle Enora Lee et Shran se lancèrent, apparemment sur la même longueur d’onde, je les soupçonnais soit d’avoir déjà préparé cette impro ensemble avant, soit d’avoir déjà vécu ce que nous étions en train de jouer.

Shran jouait donc les pères outrés de voir sa fille de 15 ans à une soirée de débauche… Mais moi, James Friedkin, je n’y voyais aucun inconvénient.

Est-ce que mon personnage pouvait même aller jusqu’à y trouver un avantage ?

Sûrement.

Et mon personnage devait être un rien théâtral. Ses répliques devaient piquer juste. Il ne devait, selon moi, jamais parler pour ne rien dire. Là était toute la difficulté. Il fallait que je fasse mouche à chaque fois.

Et que je mette au papa mécontent l’étendue de mon pouvoir son sous nez.

Je commençai donc par dire qu’avec moi, Tania avait reçu son passe-droit. Mais Shran mis en avant les dangers de la fête à laquelle nous nous trouvions… Et souligna qu’il était le père de la gamine et que c’était donc lui qui décidait.

Contrairement à lui qui s’emballait, moi, je restais d’un calme olympien et subtilement amusé.

-Regarde autour de toi.

Je fis un grand geste théâtral englobant tout un tas d’invités invisibles.

-Tout le monde nous a vus ensemble, Tania et moi. Tout le monde a vu que je ne l’ai pas mise dehors. Tout le monde a compris qu’elle était sous ma protection.

J’appuyai mon regard dans celui de Shran.

-Personne n’osera la toucher.

Je le regardai dans les yeux avec cette étincelle qui caractérisait mon regard.

-Elle est la jet-set, ta fille. Tu ne pourras pas éviter l’inévitable. Et tu es en train de bêtement perdre le droit d’être son mentor.

A mon profit. Car la jeune fille m’avait choisi moi.

J’avais lancé l’improvisation donnant un rôle à chacun. Le but de River était de me convaincre qu’il était l’acteur qu’il me fallait pour faire le rôle ô combien important de James Friedkin. Pour ça, il allait devoir me montrer qu’il était plus qu’un acteur pouvant faire peur d’un simple regard.

Moi, je jouais mon propre rôle. Celui du père furieux de voir sa fille à une fête réservée aux adultes. Ok… Je m’étais librement inspiré de la dernière frasque de Tarah qui m’avait été rapportée dans les détails par Enora. Et, théoriquement, je n’étais pas le père de Tarah… Mais j’étais son oncle ! C’était presque pareil !

Je m’énervai, donc, d’abord contre Tania avant de m’en prendre à James qui avait osé laissé la gamine aller et venir à une fête où les dangers étaient partout. Les fêtes de Ricci, par exemple, accueillaient presque toute la jet-set. Et il n’y avait pas que des gens fréquentables dans la jet-set… Loin de là. Normal, la plupart de ces gens se croient tout permis. Ils pensent qu’ils peuvent tout faire impunément. C’est pour ça que cet endroit n’est pas fait pour les mineurs !

C’est, en gros, ce que j’étais en train de cracher à la figure de James. Mais ce dernier ne flancha pas utilisant un geste théâtrale pour me montrer les alentours. Un geste qui pouvait montrer que, tout ce qu’il y avait autour, il le possédait. C’était particulièrement bien joué de la part de Moriarty.

Il affirma que tout le monde l’avait vu en compagnie de Tania et que, de ce fait, tout le monde avait compris qu’elle était sous sa protection. James pensait bien que tous les regards étaient sur lui alors que c’était strictement impossible. Mais il y croyait… Et d’après ce que m’avait rapporté Enora, Jimmy Reed le croyait aussi.

Les gens qui pensent ainsi ont le dont de m’agacé et, ainsi, la réplique de River m’énerva.

-C’est n’importe quoi ! Tout le monde n’a pas le regard sur toi, James ! La plupart des gens, ici, sont trop occupé à se saouler la gueule que pour te regarder !

Mais il insista que personne n’osera toucher à Tania… Est-ce que c’est ce que Reed pensait par rapport à Tarah ? Sans doute… Et ce n’est que maintenant, en le jouant, que je me rendais compte à quel point l’échange qu’il y avait eu entre Tarah, Enora et Reed pouvait être préjudiciable.

Je regardai River qui continua soutenant mon propre regard. Il affirma que Tania était la jet-set. Un pur produit né dans l’abondance, né célèbre…

Et je ne pourrais pas éviter l’inévitable… Celle qu’elle finira de toute façon par devenir un pion de ces foutues fêtes. Comme moi, j’avais fini par le devenir d’abord parce que je crevais la dalle et que j’avais besoin d’opportunité et, ensuite, par habitude.

Mon regard s’assombri alors que James finit par dire que tout ce que j’allais finir par obtenir c’était de perdre ma propre fille à son profit.  

-Non… Qu’elle soit de la jet-set ou non, elle n’a rien n’à faire ici. Tout ce que j’essaye de faire c’est de la protéger ! La protéger de toi, James !

Je savais que, ça, c’était une belle variante. Parce que avec Tarah, les choses n’avaient pas tournée comme ça. Enora n’avait pas dit à Reed qu’elle voulait protéger Tarah du magnat de BSC.

Moi si.

-Je ne veux pas que ma fille pense qu’il ne peut rien lui arriver parce que tu crois que tu es tout puissant et que tout ceux que tu as décidé qui étaient sous ta soi-disant protection sont immunisés. Non. Ils ne le sont pas. Tu n’es pas invulnérable. Et je ne veux pas qu’il lui arrive quelque chose parce que tu penses être le roi de ce foutu monde. Je ne veux pas non plus qu’elle devienne comme toi ! Un foutu manipulateur rétrograde !

J’avisai alors Tania.

-Viens ! On s’en va!

Elle pris alors le bras de James.

-Nan !

Elle leva les yeux vers River.

-Il m’ennuie ! Vous pouvez le mettre dehors, Monsieur Friedkin ?

Quoi ?!

-Quoi ?!

Je jouais les grands hommes d’affaire invulnérables. Parce que j’avais compris que c’était ce que Shran voulait. Et le mieux, c’était que plus je jouais, plus j’avais l’impression de vraiment l’énerver. C’était bon signe… En tout cas, c’était mon ressenti… Car dans le film, le héros, ce n’était pas James Friedkin, qui n’était que le second rôle. Non. Le héros, c’était censé être Shran.

Moi, j’étais, encore une fois, le méchant de l’histoire.

Et ça me convenait.

Il clama, alors que j’étais en train de lui démontrer qu’avec moi, sa fille ne craignait rien, que tout le monde avait compris qu’il ne fallait pas y toucher, que tout le monde ne me regardait pas. Que les gens étaient trop occupés à se saouler autour de moi pour faire attention.

-Tout le monde ne m’a peut-être pas regardé. Mais il suffit d’un seul pour que le mot se soit répandu comme une traînée de poudre.

C’était comme ça que je pensais que les choses se passaient, à ce genre de fête. Comme quand j’avais rencontré Hugh pour la première fois. Tout le monde ne nous regardait pas non plus, pourtant, beaucoup se rappelaient nous avoir vu ensemble.

Je parlais donc, un peu, de ma propre expérience.

J’expliquai alors à l’homme qui jouait Shran que sa fille allait de toute façon finir par devenir partie intégrante et de la jet-set, et de ce genre de fête. Et qu’en la jouant comme ça, il allait finir par la perdre en tant que mentor.

Il s’en défendit, prétendant la protéger.

Je pris une petite gorgée d’eau/whisky et le regardai par-dessus mon verre.

-Tu ne la protèges pas. Tu l’étouffes.

Il s’emballa alors, partant dans un discours destiné à minimiser mon pouvoir de protection… Et aussi à me dire qu’il ne voulait pas que sa fille me fréquente, qu’elle devienne comme moi. J’eus un sourire carnassier mais ne répondis rien. Il s’enfonçait tout seul devant sa fille.

Une fille à qui il ordonna de venir avec lui, qu’ils quittaient les lieux ou, tout du moins, qu’ils s’éloignaient de moi.

Mais Tania s’accrocha à mon bras et demanda à ce que je mette son père dehors.

Je levai une main, celle qui ne tenait pas mon verre et me tins prêt à claquer des doigts.

-Soit tu décides de rester en autorisant Tania à rester aussi. Soit je claque des doigts et mes hommes comprendront que tu n’es plus le bienvenu ici et tu seras sorti devant tout le monde.

James-River me ressortait de partout. Il voulait toujours avoir le dernier mot comme quand j’avais lancé que tout le monde n’avait pas vu qu’il était en compagnie de Tania. Il disait que l’information allait se répandre même si tous les monde ne les avait pas vu. Comme s’il était le foutu centre de l’univers… Comme si tout le monde se mettait, lors d’une foutue fête, à parler de lui.

Putain, combien de fête chez Ricci j’ai passé sans causer de Jimmy Reed même s’il était là, hein ? Plein ! Il n’est pas le foutu centre de mon univers ! Juste un foutu jet-setteur comme les autres !

-C’est n’importe quoi !

Mais les gens comme Jimmy Reed avait la fâcheuse tendance à penser être le foutu Sauron du coin ! A voir et savoir tout ! Ce qui était des conneries ! On parle quand même du gars qui avait pas vu que sa femme tournait folle au point de se barrer avec son gamin, hein !

Ce n’était qu’un improvisation… River n’est pas Reed mais il le joue extrêmement bien. Ce qui faisait que je m’énervais limite réellement. C’était quand même dingue que plus je vieillissais moins j’arrivais à garder mon sang-froid… Je croyais que, justement, en vieillissant j’allais devenir aussi sage que Brento. Bah c’est plutôt raté pour le coup !

James lança alors que Tania avait sa place ici. Qu’elle faisait partie de la jet-set. Que je ne pouvais pas empêcher qu’elle soit ici. Que si j’insistais j’allais tout simplement perdre ma fille au bénéfice de James.

Je clamai alors que j’étais là pour la protéger ! C’était mon devoir en tant que père. Je devais protéger ma fille des dérives de la jet-set. Des gens comme James. Des gens qui auront tôt fait de montrer à Tania que tout lui est dû et qu’elle est invulnérable.

Ce n’est pas le cas ! Personne n’est invulnérable dans la jet-set. Personne ! Et une gamine de 15 ans est une proie facile peu importe son degré de notoriété. Moi-même, je m’étais fait avoir et j’avais bien plus que 15 ans… Alors une gamine ? C’est du pain béni pour bien des gens dérangés qui squattent ce genre de fête.

James rétorqua que je ne protégeais pas Tania mais que je l’étouffai. J’entrouvris la bouche outré par cette affirmation.

-Ouais ! Tu m’étouffe !

Ah bah, c’est ça ! Rajoutes-en, toi ! Je tournai mon regard vers Enora laissant transparaitre que j’étais blessé par cette réflexion. Si ça avait réellement été Tarah, je crois que j’aurais clairement été blessé. Mais il faut dire que Tarah, à chaque fois qu’on se voit, fait en sorte de me blesser…

Et je lui rends, inévitablement…

J’ordonnai alors à Tania de me suivre. Mais elle refusa demandant à James de me foutre dehors. Et je savais très bien que c’est ce que, en vrai, Tarah avait demandé à Jimmy… Mais ça ne m’empêcha pas de m’exclamer.

Et James me laissa un choix… Le même que Jimmy avait donné à Enora. Elle avait choisi de rester pour éviter un scandale et, aussi, pour pouvoir garder un œil sur sa filleule.

Mais je ne suis pas Enora Lee.

Et River jouait tellement bien que je ne pus m’empêcher de brandir mon poing vers lui en balançant :

-Je vais te donner une bonne raison de me virer ! Tu vas voir !

Et… J’allais le balancer réellement le poing. Il n’y avait rien n’à faire… J’étais parfois incapable de ne pas m’investir à fond dans les rôles que je faisais… Et c’était pire quand, limite, je me jouais moi-même.

Mais Enora me connaissait bien… Alors elle lança.

-Ok ! Coupez ! C’est bon ! L’impro est finie !

Ce qui me fit arrêter mon geste. Je respirai un bon coup avant de reprendre une posture et des expressions normale même si je respirais d’une manière qui montrait que, les émotions, je les avais vraiment vécues.

-Ouais… J’en ai vu assez !

Je vins me rasseoir à ma place et je bus l’entièreté de mon verre d’eau. Enora vint se rasseoir à mes côtés.

-Merci, River. C’était une belle improvisation.

Enora jeta un regard vers moi et je repris contenance fixant River droit dans les yeux. Est-ce qu’il avait été bon ? Ouais ! Un peu trop d’ailleurs ! Mais il m’avait prouvé qu’il pouvait jouer autre chose que ce qu’il avait joué jusque-là.

Je fronçai les sourcils.

-Je t’aurais bien frappé !

Mon visage se radoucis alors et j’esquissai un petit sourire en coin.

-Ce qui veut dire que tu as réussi à me donner exactement ce que je voulais. Tu es engagé. Tu seras James Friedkin.

Je ne pensais pas pouvoir trouver mieux que ça. Quelqu’un qui m’a clairement donné ce que je cherchais au moindre petit geste maniéré.

Enora fut surprise.

-Tu ne veux pas voir les autres ?

Les 29 autres ? Nan ! Je suis mort crevé !

J’hochai négativement de la tête.

-Non. Je n’ai pas besoin d’en voir plus. Il est ce que je cherche. Bienvenue dans l’équipe Shran-Lee, River Moriarty.

Plus l’impro avançait et plus j’avais l’impression que ce n’était plus moi que Shran voyait face à lui. Non… Non, parce qu’il ne jouait plus, je le sentais. Il était réellement énervé. Je pensais bien que c’était un bon point pour moi, mais je n’en savais en fait pas assez sur la relation Reed-Shran pour savoir que c’était au magnat de BSC que le réalisateur pensait.

Pour moi, tout ce qui comptait, c’était qu’il voit James Friedkin et non River Moriarty.

Et Enora Lee qui en rajoutait une couche. J’avais bien envie de rire, mais quand je jouais, j’arrivais à ne pas me déconcentrer.

Je continuai donc à expliquer à Shran que c’était moi, ici, qui faisait la pluie et le bon temps.

Jusqu’à ce que Tania me demande de foutre son père fictif dehors.

Je lui laissai alors un choix. Et ce fut la phrase de trop. Shran serra le poing et s’approcha. Mais je ne bougeai pas. Selon moi, James Friedkin était trop sûr de lui que pour reculer. Il savait que quelqu’un allait intervenir avant même que Shran puisse balancer son poing.

Et ce fut Enora Lee qui intervint, redevenant elle-même et coupant la scène.

Shran respira un bon coup, il était presque essoufflé. Et moi, fier d’avoir provoqué un tel chaos dans sa tête par une simple impro, je continuais de sourire en soutenant son regard.

Enora me remercia et chacun reprit sa place.

Je rigolai quand Shran affirma qu’il m’aurait bien frappé.

-J’ai remarqué.

Son visage se détendit un peu… Mon petit effet était passé. Et là, je reçu un très beau compliment. J’avais donné au réalisateur exactement ce qu’il lui fallait.

J’étais engagé.

Je ricanai.

-C’est mon agent qui va sauter au plafond. Merci.

Il y avait apparemment d’autres candidats, mais Shran ne voulait même pas les voir. J’avais été bon. Peut-être que je tenais là le rôle qui allait réellement me lancer.

Shran réitéra que j’étais ce qu’il cherchait et me souhaita la bienvenue.

-Vous ne serez pas déçus.