Nous avions dû nous séparer Eileen et moi. Il n’était point recommandé que nous nous fassions repérer, ensemble, par Evan Kurtz. Il aurait eu fort vite fait de faire le lien entre nous et entre nous et l’article. J’avais bien trouvé une raison supplémentaire pour détester Daniele Ricci. Ce dernier n’aurait point amené Evan Kurtz ce soir, j’aurais eu la chance de profiter d’une soirée en compagnie d’Eileen.

C’est avec un très grand regret que j’étais, désormais, seul. J’avais suivi du regard la jeune anglaise se frayer un chemin parmi les invités. J’avais tant fait pour la convaincre de venir ici. Tant d’effort pour ceci. J’avais, avec beaucoup de ressentiment, déguster un verre de champagne en continuant mes pérégrinations au milieu des invités. Je n’avais point envie de discuter tout de suite. J’allais attendre sagement que BleedingHeart monte sur scène. J’étais ici pour cela.

Je pris place dans un coin de la salle qui donnait une bonne vue sur la scène. C’est à 20h30 que le concert commença sous les applaudissements polis des invités. BleedingHeart débuta son récital devant un public qui n’était point acquis à sa cause.  Cela me fut confirmé quand certaines personnes eurent vite fait de sortir de la salle. Je n’avais point pu résister à afficher un sourire sarcastique. Cela avait pour signification que les paroles de BleedingHeart touchaient les principaux responsables des malheurs ce de monde. C’était pour moi une preuve de l’efficacité de mon groupe. Les membres donnaient tout ce qu’ils avaient sur la petite scène prévue pour eux ce soir. J’étais confiant pour que ceci continue ainsi jusqu’à la fin.

Entre deux chansons, j’avais osé poser le regard autour de moi. Il me fallait rester sur mes gardes pour ne point tomber sur Kurtz. Ce qui j’avais vu non loin de moi c’était l’infâme Jimmy Reed accompagné de deux femmes. L’une étant une actrice connue, quant à la seconde son visage m’était inconnu. Cette dernière avait été chassée par l’hériter si j’en croyais ce qu’en j’entendais d’ici. BleedingHeart se préparant à démarrer son autre chanson il m’était aisé d’entendre certaine conversation à proximité.

La jeune rousse avait pris ses distances avec Reed qui lui s’en était allé à d’autres activités. Quand elle était passée devant moi je n’avais point pu me retenir de l’interpeller.

-Vous méritez mieux comme compagnon que ce Jimmy Reed, Mademoiselle.

Ma propre rencontre avec l’hériter m’avait montré que cet homme était un être tout à fait détestable.

@ Billy Lighter

Je n'en avais pas cru mes oreilles. Jimmy m'avait-il réellement jeté comme un vulgaire jouet à la poubelle pour se retrouver avec une actrice connue et fausse comme pas possible? Et bien, c'était sans soucis que je m'étais retournée pour m'isoler et m'éloigner de cet immonde personnage.

Après avoir jeté un rapide regard sur la salle, je décidais d'aller vers le bar pour leur rendre mon verre vide et éventuellement leur demander autre chose. Je comptais y aller quand quelqu'un m'interpella après trois pas. Je me retournais vers sa source et trouvais devant moi un homme en costard (comme presque tous), les cheveux tirés en arrière.

« Vous méritez mieux comme compagnon que ce Jimmy Reed, Mademoiselle. » il avait dit. Et je donnais à Jimmy Reed un ultime regard. Il était dos à nous et à son bras, la fameuse actrice.

Je me remémorais ce que nous nous étions dit, une petite heure plus tôt environ. Enfin, ce qu'il m'avait dit, puisque j'étais plutôt du genre à me taire et écouter. « Je parlerai de toi en bien et réciproquement. » avait sorti le principal intéressé. Mais était-il seulement là pour entendre ce que je disais. Après tout, son plan pour se faire remarquer n'avait pas fonctionné du tout.

« Ce n'est qu'un échange de bon procédés... » disais-je alors à l'encontre de l'inconnu que je regardais de nouveau.

« C'est un arrangement avec mon... patron. Je fais bonne figure à ses côtés et Jimmy est... sensé promouvoir notre ballet. »

J'avais cherché un peu mes mots pour ne pas dire de bêtise. Et je n'aurais peut-être pas dû dire ça. Tout me semblait tellement calculé et... J'entrais tellement peu dans le moule parfois. J'aurai eu envie de cracher toute ma haine envers cette société comme le groupe sur scène le faisait.

Mais cette conversation me soulageait déjà, cet homme était le plus sympathique que je voyais de la soirée, pour le moment. Il avait l'air poli, avenant tout en restant assez effacé.

« Vous êtes? » lui demandais-je alors, curieuse de connaître le nom de la personne à qui je parlais.

Derrière moi, le groupe de Bleeding Heart entamait une nouvelle chanson. Ce groupe me plaisait bien, surtout pour la véracité de ses paroles. J'avais parfois l'impression  qu'ils parlaient de Jimmy, sans le savoir. Le punk n'était pourtant pas du tout dans mon style musical mais je trouvais ce genre de musique tout à fait propice à la déclaration de ce genre de messages qu'ils tentaient de faire passer. Je pivotais légèrement sur moi-même pour garder l'homme dans ma vision et pouvoir aussi avoir une vue sur la scène et le groupe.  

@ Billy Lighter

La jeune femme s’était tournée vers moi à mon interpellation. Je pouvais, maintenant qu’elle se tenait face à moi, mieux regarder la femme qui était entre les griffes de Jimmy Reed, il y a quelques secondes. Elle était ravissante mais se reflétait dans ses yeux une légère touche de tension. Ceci était peut-être en rapport avec l’héritier millionnaire.

J’avais porté la conversation sur elle et sur son lien avec Jimmy Reed. Je n’étais point surpris d’apprendre qu’il ne s’agissait là que d’affaires d’argent et de parade. L’héritier se pavanait avec une femme charmante qui ne dirait que du bien de lui et, en contrepartie, l’employeur de la danseuse acquérait Reed afin de promouvoir son ballet. Ceci était méthode courante dans les affaires bien que cela soit tout à fait ignoble pour la personne contrainte et forcée d’obéir à son patron et, par extension, à Reed puisqu’elle était à sa disposition. La personne contrainte, ce soir, était cette jeune femme et elle avait présenté les choses d’une manière polie que cela soit pour son patron et pour Reed. J’avais eu un regard désolé pour la jeune femme.

-Pratique courante mais loin d’être louable. Vous en être malheureusement victime. Je connais un peu l’homme… Ce Jimmy Reed. Il n’est pas aimable. C’est un homme d’affaire aussi calculateur que paresseux et je ne cite là qu’une infime partie de ses défauts.

Je n’avais point caché mon avis sur l’héritier. La conversation que nous avions eue à la salle de sport il y a un petit temps m’avait donné pas mal de clés pour cerner qui était Jimmy Reed. Il était détestable sur de nombreux points. J’avais même trouvé en lui un homme qui n’avait point de considération pour les femmes. Cette caractéristique de l’héritier ne devait point rendre la vie facile à la femme que j’avais devant moi.

La jeune danseuse en était venue à continuer la conversation en tenant à savoir qui j’étais. Je lui offris un léger sourire.

-Timmy Evans. Je suis manager de The Burning Fire ainsi que de BleedingHeart qui se produit en ce moment même.

J’avais montré du doigt le groupe qui y mettait du leur pour livrer une belle prestation. Ils ne me décevaient point pour le moment. Ceci ne plaisait pas à tout le monde et cela prouvait que BleedingHeart valait plus que le détour.

-Et vous quel est votre nom ? J’en déduis que vous êtes une danseuse classique. Il est bien dommage qu’un art aussi beau doive être promu par Reed. Ceci dit, la publicité n’est pas toujours facile à faire. Depuis quand pratiquer vous ?

Cette femme m’avait donné l’impression de ne pas être ennuyé par ma compagnie alors je m’adonnais alors à converser avec elle.

@ Billy Lighter

Selon l’homme en face de moi, cet échange de bons procédés était une pratique courante mais « loin d’être louable ». Je suppose que cela dépendait surtout aussi de la personne avec qui se faisait l’échange. Malheureusement, les deux personnes qui y procédaient étaient toutes les deux de rares spécimens plutôt sadiques. Autant Jimmy que Ben, en fait. Même si Jimmy semblait battre des records… Disons surtout que le pire était qu’il avait bien plus de pouvoir et d’influence que Ben qui n’était qu’un vulgaire coach en soi.

Je tentais néanmoins de garder une expression neutre pour ne pas avoir l’air si affectée par ce lien qui m’attachait à ce diable de Reed. Mais je ne pus m’empêcher de jeter un regard sur mon interlocuteur quand il mit en exergue les grands défauts du milliardaire. Alors là, il gagnait encore un point dans mon estime. Il semblait être un sérieux observateur, redoutable même. Il avait peut-être une sorte de don ou de clairvoyance quand il s’agissait de se faire un avis sur une personne ou de mettre son doigt sur ses défauts.

« Je ne vous le fait pas dire… Mais ce sera bientôt terminé… »

Enfin, je crois. Oh mon dieu, je l’espérais même de tout cœur, pensais-je en jetant un œil sur l’héritier qui pavanait encore dans la salle avec l’actrice. Mais après tout, je n’avais aucune idée de ce qu’il se passerait ensuite. Que prévoyait Ben pour la compagnie de ballet après ? Nous faudrait-il encore compter sur le soutien de Jimmy Reed pour promouvoir une nouvelle pièce ?

Pour passer à un autre sujet de conversation qui me mettrait probablement moins mal à l’aise, je lui demandais qui il était. Il me sourit galamment avant de répondre, de manière toujours aussi naturelle et plaisante. Il se présentait comme étant le manager de deux grands groupes. Je n’en connaissais aucun, si ce n’est le fait que Bleeding Heart soit devant nous… Et que Sélène les appréciait bien, en fait.

Timmy avait désigné le groupe du doigt, avec un petit sourire qui exprimait une fierté non dissimulée du talent de ses derniers poulains. Et j’avais suivi son doigt pour regarder la scène et un peu hoché la tête en rythme avec la chanson du groupe. Mon sourire était du plus naturel et enjoué. Je pouvais un peu me montrer comme j’étais vraiment. Et en parlant de moi, Timmy me demandait de me présenter et de plus amples détails sur mon « métier ».

« Je m’appelle Amber… Amber Cruz. »

Un serveur passait juste à ma gauche et je me permettais juste de changer mon verre vide contre un rempli et il s’en alla aussi vite qu’il était apparu.

« Et oui, je fais de la danse classique. Quant à la publicité… C’est à mon patron et coach de choisir comment il va promouvoir ses ballets. Je ne fais qu’obéir à ses ordres, disons. »

Et je n’allais pas préciser jusqu’où ses ordres me demandaient d’aller. Cela restait d’ordre personnel, et je pensais très sincèrement ne jamais dire un mot là-dessus à quiconque…

« Je fais ça depuis toute petite… C’est un rêve qui se réalise… J’avais eu quelques empêchements il y a un an et demi pour pouvoir le faire avant et ailleurs malheureusement. »

Mais je ne m’en tirais pas trop mal, au moins, j’allais faire de cet art mon métier, ma profession. Et j’allais jusqu’en enfer pour elle.

@ Billy Lighter

Jimmy Reed était un homme dont il fallait plus des doigts d’une main pour compter les défauts. Il est un homme sans scrupule et sans considération pour autrui. La jeune femme partageait mon avis et en venait à se rassurer elle-même que tout ceci serait bientôt terminé. Il n’était question que de promotion et, quand celle-ci prendra fin, la danseuse serait à nouveau libre.

-Je l’espère sincèrement pour vous. Vous ne méritez guère d’être qu’une simple monnaie d’échange.

Il m’était arrivé d’employer des moyens pour les moins douteux pour parvenir à mes fins. Ceci dit, je n’étais point au niveau de Reed ou d’autres hommes d’affaire du genre. Il m’arrivait de faire preuve de bien peu d’empathie mais je ne pensais pas être aussi peu scrupuleux que Jimmy Reed.

Nous finîmes par nous présenter l’un à l’autre. Je m’étais présenté comme le manager que j’étais en nommant mes groupes. J’avais la grande chance de pouvoir lui montrer, en direct, l’un d’entre eux. Je n’étais point un Ricci, je me plaisais à agir dans l’ombre et je faisais ceci très bien. Tous ne pouvaient point, à Los Angeles, connaitre mon visage bien que les experts en musique viendront à connaitre mon nom.

Mon interlocutrice était, elle aussi, inconnue. Elle se nommait Amber Cruz et était une danseuse classique. C’était une femme au rêve qui se réalise et qui obéissait à un patron aux pratiques de promotions douteuses. Elle n’était point maitresse de tous les aspects de son rêve. Je pouvais en déduire qu’Amber suivait les ordres dans la peur que son rêve réalisé ne redevienne qu’un rêve inaccessible.

-Vous avez de la chance. Il n’est pas toujours simple d’arriver à ce faire une place dans les métiers de la danse. Vous devez certainement avoir du talent.

Je gardais sur mon visage mon tout léger sourire.

-Vous obéissez à votre patron qui me semble être peu scrupuleux. Vous acceptez le rôle de monnaie d’échange… Vous devez certainement être ce qu’on qualifie de femme courageuse.

Je m’étais saisi d’un verre de champagne pour faire l’échange avec celui qui était vide. Les serveurs passaient de petits groupes en petits groupes avec une grande efficacité.

-Si vous êtes, en prime, patiente, vous pourrez obtenir vengeance en trouvant un meilleur employeur. Il suffira, pour ceci, de faire montre de votre talent lors de vos spectacles. Ceci vous arrachera des griffes de Reed.

J’avais marqué une petite pause pour boire une gorgée du liquide pétillant.

-En attendant, prenez tout ce qu’il y a à prendre. Proche de Reed, il est possible que vous obteniez des informations sur lui que personne n’a connaissance, que vous connaissiez nombre de ses faiblesses et de ses vices cachés. Ceci constitue autant d’armes pour l’avenir si jamais votre haine envers lui venait à grandir encore.

Je me permettrais de me délecter de voir Reed tomber de son petit nuage à cause d’une femme dont il a cru avoir l’ascendant dessus. Ceci serait un spectacle plaisant pour nombre d’habitants de cette ville.

@ Billy Lighter

Je souris timidement lorsque je l’entendais me répondre que je ne méritais pas d’être traitée comme simple monnaie d’échange. Ce manager avait l’air d’avoir du cœur et cela me réconfortait. J’aimais déjà bien la tournure que prenait la conversation.

« Je pense que personne ne le mérite vraiment… Excepté peut-être ceux qui y on recours… »

J’imaginais mal Reed être traité comme tel, comme une monnaie d’échange. Et j’avais beau forcer mon imagination, cela ne venait tout simplement pas. Ou pas aussi naturellement que voulu. Nul doute que je jubilerai de le voir si cela devait advenir mais je pense que je pouvais d’ores et déjà me fourrer le doigt dans l’œil.

Je regardais le groupe avec plus d’attention maintenant que je savais que Timmy était leur manager. Je trouvais le monde de la musique tout aussi fascinant que celui de la danse, voire même plus puisque de toute manière, sans musique, pas de danse.

« Et bien Monsieur Evans, je dois vous avouer que j’aime beaucoup votre dernier groupe. Ils amènent une sorte de… fraîcheur ? Mais dans tous les cas, ils me semblent vraiment bons. »

Je n’étais pas du genre à complimenter quelque chose que je n’aimais pas juste pour être bien vue ou appréciée. Quand je faisais un compliment, je le faisais parce que je pensais réellement ce que je disais. Si Jimmy ne les aimait pas simplement parce que Timmy travaillait dans la boîte rivale à la sienne, je trouvais cela dommage qu’il ne puisse avouer qu’un groupe est bon quand il l’est réellement. Mais cela devait faire partie de ses nombreux défauts…

Mais Timmy changeais de sujet pour parler de mon métier. Je souris quand il en parlait parce que ce qu’il disait était vrai. Le monde de la danse n’est jamais simple, je m’en rendais compte un peu plus chaque jour.

« Non, ce n’est vraiment pas facile… Du tout même. Mais je fais de mon mieux et cela a visiblement plu à mon coach. Je ne serais sans doute pas là dans le cas contraire… »

On parlait ensuite de Ben, et j’eus un petit sourire pincé bien que sincère. Cela me faisait bizarre de parler de lui. Il était bien sûr peu scrupuleux mais l’entendre dire par quelqu’un qu’on ne connait pas encore bien était quelque peu étrange et même s’il méritait d’être traité de toutes les insultes possibles et imaginables, je n’avais pas spécialement envie de ternir moi-même son image, pas à haute voix. Ce qui se dit dans ma tête à son propos restera probablement dans ma tête. Je me tus donc à son sujet mais répondais volontiers à ce que Timmy dit par la suite.

« Je ne sais pas si je pourrais être qualifiée de femme courageuse… Une femme réellement courageuse aurait probablement pu dire non pour servir de monnaie d’échange ou tenir tête à Jimmy… Or, ce n’est pas du tout mon cas… »

Je n’étais forte que pour faire face à ce qui m’arrivait, et non prendre mon destin en main en mettant fin à toutes ces mascarades pourries. Timmy me parlait cependant qu j’allais peut-être avoir d’autres opportunités par la suite si j’arrivais à me faire distinguer de l’une ou l’autre manière.

« Je ne sais pas si d’autres employeurs dans le monde de la danse se présentera, ici dans le coin en tout cas. »

Timmy but une gorgée de pétillant et continua, en parlant d’une chose que je n’avais sans doute voulu nier depuis le début… Tenter de retourner cet échange à mon avantage par la suite, une sorte de vengeance. Je regardais néanmoins le manager avec les sourcils légèrement froncés et un visage plutôt neutre. Jusqu’à présent j’appréciais converser avec le manager mais la conversation prenait une tournure spéciale et disons… plutôt inappropriée. Non que cette idée ne m’était pas passée dans la tête mais… je ne pensais jamais la mettre à exécution. Puis, je devais avouer que Jimmy était trop bien barricadé pour ne laisser transparaître qu’un léger détail qui pourrait le nuire si je devais le dire. Dès que je lui posais ne serait-ce qu’une question sur ses affaires, j’avais droit à un énorme mur, aussi haut que large… Autant le dire, c’était infranchissable. Puis en parler avec Timmy…

« Cela ne vous regarde pas vraiment… »

Je l’avais dit un peu sur la défensive… Non sans vouloir remettre Monsieur Evans à sa place…  Mais le deal de base était que je parle en bien de Reed et non que je complote derrière son dos… Bien que la proposition aurait pu être très tentante… Je me devais de ne pas casser du sucre sur son dos… Ou du moins essayer, difficile de chanter ses louanges. Si seulement il en avait…

« Puis, Monsieur Reed ne parle jamais de choses plus confidentielles… J’aurai du mal à trouver des informations croustillantes à revendre à la presse pour le faire déchanter… »

J’avais baissé le regard en disant cela, je lâchais un soupir puis posé mon regard sur la salle, la mine un peu déconfite. Cette situation ne m’arrangeait pas. Il valait peut-être mieux couper la discussion ici. M’éclipser pour une raison ou l’autre… Ou alors, totalement changer de sujet…

@ Billy Lighter

Le patron peu scrupuleux d’Amber avait collé sur la jeune danseuse l’étiquette de monnaie d’échange. Nous pouvions dire qu’elle ne méritait point d’être traitée de la sorte et nous étions d’accord pour nous accorder que personne ne le méritait excepté les personnes ayant recours à cette pratique.

-Nous sommes d’accord sur ce point.

Justice finit toujours par être rendue. Il était impossible de vivre une vie entière sans qu’un malheur nous frappe. Il en sera de même pour Reed. Un jour, il recevra la monnaie de sa pièce pour toutes ses manigances et son arrogance.

Nous avions BleedingHeart pour accompagner notre discussion. Leur musique revendicatrice allait dans le sens de notre conversation. Elle condamnait les gens comme Reed. Amber aimait cette musique qu’elle trouvait rafraichissante.

-Merci beaucoup. Ils ont beaucoup travaillé pour arriver là où ils sont aujourd’hui.

Nous parlions musique et danse. Ceci était nos domaines. Amber me paraissait être une très bonne danseuse qui se dévoue toute entière à son métier. Il était visible qu’elle faisait des sacrifices pour devenir ce qu’elle aspirait à être. Elle se donnait à Reed pour y parvenir. Ceci faisait montre de son ambition à accéder à son rêve. Elle était allée dans mon sens en ajoutant qu’elle faisait de son mieux et que cela marchait pour le moment. J’avais fait un signe d’approbation. Une femme sans talent aucun n’aurait point pu plaire à un coach de danse classique aussi vile soit-il. Car il m’était aisé de croire que le coach d’Amber était un homme détestable. Ceci dit, je n’eus point de confirmation de ceci. Amber ne voulait point se décrire comme étant une femme courageuse car ce qu’elle faisait n’entrait pas dans sa définition du mot.

-Savoir encaisser est parfois une meilleure preuve de courage que celui de dire non. Tout dépend des buts que vous poursuivez.

Il n’était point à exclure que le talent d’Amber l’amène vers d’autres horizons qui conviendrait mieux à la femme qu’elle est et non à la poupée que son coach veut qu’elle soit pour Reed. Il lui faudra faire ses preuves sur scène pour ceci. Amber n’était point sûr que cela se produise sous peu.

-Vous le verrez bien. Il ne faut pas perdre espoir.

Amber était coincée par Reed et pas son coach, ceci dit, elle pourrait très bien utiliser sa proximité avec l’héritier pour pouvoir se venger par après. Il n’était point à exclure que Reed puisse s’épancher un peu sur sa vie plus personnelle lors d’une soirée un peu trop arrosée ou par excès de confiance. Ma connaissance de cet homme n’était pas grande. Je n’avais vraiment pu faire la conversation avec lui qu’il y a peu. La tournure de notre dialogue n’enchantait guère mon interlocutrice. Elle se renfermait derrière un masque de neutralité en me rappelant que ceci ne me regardait en rien. Mon visage n’avait point changé et ce léger sourire que j’avais laissé apparaitre y restait affiché. Il n’y avait point d’informations qu’Amber pourrait trouver, de toute façon. La jeune femme me paraissait marcher sur des œufs quand nous parlions de Reed.

-Je le conçois. Reed ne révèle certainement pas ses affaires à n’importe qui. Mais les faiblesses des gens ne se trouvent pas toujours dans leurs affaires. Elles font parfois partie intégrante de leur personnalité. De plus, la presse n’est pas toujours la meilleure arme.

Ceci n’était qu’une piste à creuser. Chaque homme avait des défauts et étaient enclin à faire des faux-pas. Reed était un homme. De la pire espèce, certes je le conçois, mais un homme tout de même. Quant à la presse, j’avais pu voir qu’elle n’était pas toujours efficace contre les gens extrêmement puissants et influents. J’avais subi un cuisant échec face à Daniele Ricci en usant de ce moyen.

-Veuillez m’excuser, toutefois. Vous avez raison. Ce n’est point mes affaires.

J’avais terminé mon verre de champagne. Je n’allais point parler plus de l’héritier. Ceci ne semblait pas enchanter Amber.

-Quand se tiendra votre ballet ? C’est le genre de spectacle que j’apprécie voir.

Ceci devrait plaire à mon Eileen. Nous aurons une idée de sortie différente du cinéma.

@ Billy Lighter

J'acquiesçais lorsque Timmy disait que son groupe avait travaillé dure pour en arriver là. Bizarrement, cela ne m'étonnait pas du tout. J'avais travaillé dure pour en arriver où j'étais aussi... Certaines personnes avaient un véritable don pour certaines choses, ils faisaient les choses sans réfléchir, ils les faisaient parce qu'ils savaient bien le faire... sans savoir si c'est vraiment ce qu'ils aiment. Et puis, il y a ces personnes qui n'ont pas ce don, mais qui ont cette passion ardente au fond d'eux, cette conviction que c'est là qu'ils doivent faire leur vie, tout miser sur cette passion qui semble se traduire par leur raison de vivre.

Et je les regarde, et je comprends. Comme je comprends finalement la raison pour laquelle je me sacrifie autant, c'est que... Je ne pourrais tout simplement pas m'en passer et que je voulais en vivre, de cette passion, de cet art... Et que tout mon travail semblait enfin avoir payé... Toutes ces heures d'entrainement, ces manigances, ces petits boulots ardus pour survivre... Tout ça avait payé et je ressentais dans ce groupe, cette même ivresse de réussir lorsqu'on avait tout fait pour mais qu'on avait quand même eu peur de rater. Au final, nous étions peut-être plus proche que ce dont je m'imaginais. On était le même, ce groupe et moi. On s'était battu pour avoir ce qu'on a...

« Savoir encaisser est parfois une meilleure preuve de courage que celui de dire non. Tout dépend des buts que vous poursuivez. »

Je pinçais des lèvres, entre le sourire et la grimace. Je ne savais pas trop. Si je n'avais pas eu le choix, sans doute que j'aurais été courageuse mais ici, ce n'est pas le cas... J'aurais eu bien plus d'admiration pour ma part si j'avais osé sortir de cette spirale... Faire fi de toutes les inconvenances, prouver que je valais mieux que ça, que nous n'avions pas besoin de ça pour tenter de percer... Et pourtant, je suivais Jimmy comme un vulgaire toutou.

Mais le gentleman ne semblait point désespéré pour moi, tentant visiblement de me remonter le moral de manière polie. J'espérais bien, que je trouve mieux un jour. Je rêvais de parcourir le monde afin de partager l'amour que je ressentais pour cet art qu'est la danse.

« Merci. » disais-je tout simplement comme pour lui dire que j'allais essayer de ne pas perdre espoir. Je garderai la tête haute aussi longtemps que cela me sera possible... Et finalement, c'est un rêve auquel j'aspirais depuis longtemps, je n'allais pas baisser les bras de si tôt, surtout si près du but.

La conversation revint sur Reed et je devins peut-être un peu plus distante. Partagée entre mon envie de dire la vérité vraie et sale ou tenter de convaincre mon interlocuteur que non, Jimmy n'était pas l'homme qu'il semblait être... Mais ma réaction se situa entre les deux. Je ne le rabaissais pas mais ne le défendais pas non plus. Je flottais entre deux eaux, peu sûre de moi, aussi vague dans mes réponses que dans mon attitude peu franche.

«Non, je ne pense pas que Reed se soucie réellement de la presse... Il sait tourner les choses à son avantage... » Et je me tus. Reed savait jouer de la presse... Et bien sûr que oui, j'avais bien envie de découvrir quel serait exactement son point faible... Mais je ne savais ni comment procéder pour le savoir, ni si je le saurais vraiment un jour...

J'espérais juste que notre "relation" arrive à terme le plus rapidement possible, qu'une fois notre ballet lancé, il puisse nous laisser. Que celui-ci soit un tellement franc succès que Monsieur Reed devienne inutile et tombe dans les oubliettes. Était-ce peut-être trop rêver?

Timmy s'excusa d'avoir été peut-être trop impertinent mais je ne lui en voulais point. Cette discussion m'avait fait du bien, c'était indéniable. J'étais presque même étonnée de voir des gens avec un peu d'humanité à ce gala... Et c'était agréable.

Le manager changea de sujet pour ne pas vaguer trop longtemps sur Jimmy Reed, qui ne le méritait de toute façon pas. Il me demandait quand aurait lieu le ballet. Je souris.

« La première aura lieu mercredi prochain... Au théâtre d'Hollywood. Je serais heureuse de vous y voir. »

Et je disais cela sincèrement, je n'avais aucune raison de ne pas apprécier Monsieur Evans qui avait été courtois tout du long. Cependant, l'heure tournait et je craignais qu'il fallait désormais que je retrouve les autres mannequins pour se préparer au défilé de Barbara...

« Je suis désolée mais je crains devoir vous laisser... Je vais devoir aller me changer, je participe au défilé de Madame Scherman. »

J'inclinais légèrement la tête vers l'avant comme signe d'au revoir et m'éclipsais, presque avec peine car ce défilé ne me tentait guère plus que cela... Mais voyons, pour Ben tout était bon pour pouvoir m'exhiber aux yeux de tous. C'était une manière comme une autre de faire de la publicité mais je m'en serais volontiers passée...

@ Billy Lighter