Difficile de bien visiter New York quand on connaissait mal la ville. Mais Broadway en lui-même avait son lot de restaurant et de diner intéressant. C’est dans l’un d’eux que j’avais manger pendant que Nell nouait des liens avec son père.

Don Hughes avait une immense fortune. Alors inutile de dire que le fait que Nell soit ça fille avait attiré mon intérêt. Mais j’étais encore très loin de pouvoir toucher du doigt un dollar de la grosse fortune de Hughes. Il faudra beaucoup de temps, un rien de chance et beaucoup de travail pour arriver à pouvoir espérer grimper au plus haut de l’échelle sociale.

J’avais mangé des pancakes en écoutant d’une oreille distraite les discussions des New Yorkais venus manger au même endroit que moi. Beaucoup parlaient boulot… D’autres évoquait leur misérable petite vie… D’autres encore parlaient des prouesses de leurs enfants.

Rien d’intéressant…

Alors, à peine mes pancakes avalés, je m’en étais retourné à ma chambre d’hôtel attendre Nell. On s’était donné rendez-vous là. J’avais, au passage, acheté un L.A.People dans une librairie qui vendait des journaux et magazine des plus grandes villes de ce foutu pays. Ça me fera passé le temps en attendant que Nell revienne de son diner.

C’est installé à la petite table de ma chambre et après m’être mis en débardeur pour être plus à l’aise que j’avais commencé à lire le magazine où je pus voir les déboires de Cash Izbel. Il s’était battu avec le frère de Victoria Hunter, visiblement. C’était une article sans saveur. Aucun ne concernait Reed ou même Livia. Alors ce n’était pas intéressant.

Alors comme rien n’avait d’intérêt, mon esprit commença à dévier dangereusement sur cette soirée au bar avec les membres de la petite troupe de Nell… Et sur Pamela. Je n’aimais pas cette fille. Sa méfiance témoignait du mépris qu’elle avait pour moi mais, surtout, son genre ravivais des envies de meurtres.

Mais je ne pouvais pas la tuer.

Pas maintenant.

Je secouai la tête en même temps que j’entendis Nell rentrer. Je levai la tête vers elle.

-Alors ? Ça a été ? Tu a appris à mieux connaitre le vieux Hughes ?

Hier, quand nous partagions une pizza et que j’avais, involontairement dégonflé l’espoir paternel de Don, j’avais proposé de déjeuner avec lui aujourd’hui pour rattraper un peu le coup. Je voulais lui faire comprendre que j’étais prête à lui faire de la place dans ma vie, tel un ami mais que je n’avais pas besoin d’un père. Je n’en avais jamais eu et je ne ressentais pas le besoin d’en avoir un. Il était un peu trop tard pour rattraper ces années passées.

J’avais besoin de faire comprendre à Don que, vis-à-vis Carrie et Julian, ce serait quelque peu hypocrite, du moins, c’est comme cela que je voyais la situation. J’arriverais inopinément dans le décors. Ça ne se faisait pas. Je voulais que Don leur parle de moi et qu’il les rassure sur mes intentions.

Pour moi, le déjeuner se prenait le matin au levé du lit. Pour Don, il s’agissait plus d’un entre deux, entre le déjeuner et le diner ce qui fait que je l’avais longtemps attendu dans le halle de son hôtel avant qu’il ne se pointe, tout sourire et qu’il m’étreigne d’un geste qu’il voulait naturel mais qui m’avait semblé très maladroit. Cependant, une fois installé à notre table, la conversation avait été plus souple et moins maladroite que je ne l’aurais cru. Don et moi avions eu besoin de le faire et nous l’avions fait. Je crois qu’en se disant au revoir, nous étions tous les deux mieux fixés sur ce que nous voulions respectivement.

J’avais fait le trajet à pied entre le restaurant et l’hôte où séjournait Ward. Ça m’avait fait du bien de marcher, de réfléchir, de peser le pour et le contre. De relativiser sur ma situation et d’analyser ce qu’avait proposer Don.

‘’Laissons les choses se placer d’elles-mêmes, sans pression, d’accord ?’’

Est-ce que je perdais vraiment quelque chose à essayer ?

Je laissais l’ascenseur me mener au troisième étage et quand les portes s’ouvrirent, j’étais tellement prises dans les pensées que je ne vis pas tout de suite le couple et ses cinq enfants s’engouffrer dans la cabine et me restreindre tout au fond, me forçant à redescendre jusqu’au rez-de-chaussée et remonter ensuite, quand ils eurent sortis.

Ward m’avait laissé une clé de sa chambre, je l’avais fait tourner entre mes doigts tout au long de mon tête-à-tête avec Don. C’était rassurant, comme si j’avais une porte de sortie, au cas où j’aurais eu besoin de fuir. J’entrais donc dans la chambre de Ward sans frapper à la porte, comme si je rentrais à la maison, tout simplement.

- Salut !

Il leva la tête pour me regarder, et levais un sourcil en le voyant vêtue d’un débardeur. Ça me fit même rire.

- Tu voulais montrer tes grooooos muscles aux femmes célibataires de New York ?

Jamais je ne l’avais vu porter ce genre de vêtement, ça avait quelque chose de sexy, cela dit. Ce n’était pas désagréable à regarder.

- Ça été mais de là à dire que j’ai appris à mieux le connaître, il y a une marge. Ce n’était qu’un diner pour discuter du fait que je n’ai pas envie d’avoir de père. Je crois qu’il a bien comprit ma position et je comprends son désir mais… ça s’arrête-là pour l’instant.

Je me laissais tomber sur son lit, puisque sa chambre n’avait pas de divan et qu’après avoir autant marché, j’avais plus que besoin de reposer mes jambes. Heureusement que ce soir il n’y avait pas de représentation de Grease !

Nell était rentrée et j’avais relevé la tête vers elle. Son expression quand elle me vit, me fit, à mon tour, lever un sourcil. Elle se mit alors à rire et je compris par sa réflexion que c’était ma tenue qui la surprenait. Je n’étais pas adepte des débardeurs… Mais ayant eu des manches tout aussi courtes pendant mon séjour en prison, j’avais pris une nouvelle habitude et j’avais agrandi ma garde-robe avec d’autres vêtements.

J’esquissai un petit sourire.

-Même pas… Je me suis changé en revenant ici après avoir déjeuner. Nouveau style. Tu aimes ?

Quant à mes muscles, disons qu’ils avaient légèrement fondu… La prison, encore une fois. Mais je comptais bien remédier à ça en retournant toutes les semaines à la salle de sport. J’allais aussi reprendre les matchs de boxes.

Amon et consort n’avaient qu’à bien se tenir. Je suis sûr que Vern sera heureux de me revoir. C’est ironique, bien sûr. Vern me déteste.

J’avais demandé à Nell si son rendez-vous avec son père biologique avait bien été. Elle déclara que ça s’était bien passé mais qu’elle n’avait pas vraiment appris à mieux le connaitre. Ils avaient surtout discuté de leur relation en elle-même… Si elle valait le coup et, surtout, si elle devait être qualifiée de « père-fille ». Apparemment, Don avait compris le point de vue de Nell.

Je regardais vers Nell qui s’était laissée tombée sur le lit, seul endroit où elle pouvait réellement s’asseoir. J’avais pas pris la chambre la plus cher, donc, hormis un lit, une petite salle de bain et une petite table avec une chaise, il n’y avait pas grande chose.

-Au moins tu as pu lui expliquer posément tout ça. Après… Tu verras bien comment les choses évolues. Je pense que tu dois voir ça comme un plus… C’est une relation que tu ne pensais pas avoir mais que tu as l’occasion d’avoir…

J’haussai des épaules. J’allais faire en sorte qu’elle n’abandonne pas aussi vite son statut de « fille de Don Hughes ». Je savais que Nell ne voyait pas les millions en jeu. Je pense même qu’elle les rejettera de peur d’être vue comme une profiteuse.

Je relevai le regard sur elle avant de lui montrer le L.A.People que j’étais en train de lire de l’endroit où j’étais.

-Moi, j’ai déjeuner en ville. J’ai acheté L.A.People, tout ça pour apprendre que l’avocat engagé par Sky s’est amusé à se battre avec Cash Izbel au Crazy Ginger. Je me demande toujours comment Sky a pu se payer Victor Hunter…

Je me levai abandonnant mon magazines sur la table avant de m’asseoir à côté de Nell sur le lit.

-Je me posais une question… Comme tu ne vis plus chez Jordan, tu vis où pour l’instant ?

De voir Ward en débardeur me fit sourciller. Il portait généralement un t-shirt et une veste en cuir. Son look me fit donc rigoler, un peu et je lui demandais si c’était une tentative d’impressionner les femmes de New York en montrant ses gros muscles. Il nia et expliqua qu’il s’était changé après être allé déjeuner.

- Oh alors c’est moi que tu essaie d’impressionner avec tes gros muscles ? Ça ne fonctionne pas, Fleming, mais ça te va quand même bien.

Je m’étais laissée tomber sur le lit de Ward, mes jambes réclamaient désespérément une pause après avoir autant marché. Ward voulait savoir comment mon tête-à-tête avec Don Hughes s’était déroulé. J’ouvris grand les yeux en repensant à ce diner qui n’avait rien réglé mais qui avait tout de même permis de mieux savoir ce que nous voulions respectivement. C’est ce que j’expliquais à Ward qui se montrait compréhensif bien qu’il semblait pencher du côté de Don, par moment, comme maintenant alors qu’il me disait que j’avais l’occasion de bâtir une relation.

- Oui mais… Honnêtement, je ferais quoi d’un père ? Il est trop tard pour lui donner cette place-là, non ? Un ami, d’accord, un espèce de mentor, ok mais un père ?

J’avais beaucoup de mal à envisager cette relation là bien que je ne fermais aucune porte définitivement.

Je me redressais sur mes coudes pour regarder Ward qui me montrait un L.A.People qu’il avait déniché quelque part. De ce que je comprenais, il n’avait lut aucune nouvelle intéressante mis à part une bagarre dans un bar entre Cash Izbel et Victor Hunter, l’avocat de sa femme.

- Il fait peut-être des causes pro bono, comme tu as eu avec Maitre Louis ?

Était-ce vraiment important ? Pour Ward, forcément, ça devait l’être un peu mais je voyais mal pourquoi il s’en ferait puisque son avocat était parvenu à le faire sortir de prison et le blanchir de toutes les charges qui pesaient sur lui. Il obtiendrait ce qu’il souhaitait sans mal.

- Tu as des nouvelles de ton avocat et de tes demandes ?

J’étais curieuse de savoir où il en était avec ses démarches pour obtenir la garde de sa fille.

Ward me rejoignit ensuite sur son lit. Je me redressais donc complètement pour m’asseoir, tout comme lui, mes mains en prières coincées entre mes cuisses. Il voulait savoir où je vivais depuis que Jordan m’avait mise à la porte de chez lui… de chez nous.

- Oh bah… J… J’ai squattée le divan à la Mission. Je n’avais pas envie de retourner chez ma mère et qu’elle commence à s’inquiéter avec l’argent puisque… Bah, je n’ai plus rien tu vois ? Nous n’avions pas besoin de deux tables de cuisine et deux cafetière alors…

Telle une comme transit par l’amour, je m’étais débarrassée de tout en me disant que ce serait mieux que d’encombrer le sous-sol de Jordan et de se retrouver entassés comme des sardines.

- Avec les sous que j’aurai avec Grease je vais me chercher un petit studio déjà meublé, un truc vraiment pas cher parce que cet argent-là va fondre comme neige au soleil si je ne fais pas attention.

J’avais conscience que l’argent représenterait vite mon principal soucis d’ici peu mais je gardais toujours espoir de voir Jordan se pointer à New York. Je rêvais en couleur, je le savais !

J’avais expliqué à Nell que j’avais mis ce débardeur une fois revenu ici. Alors elle cru que c’est elle que j’essayais d’impressionné. Je ricanai. Pas à ça mais à son « Fleming ».

-Fleming… Bizarrement quand ça sort de ta bouche, ça ne m’énerve même pas…

J’esquissai un petit sourire avant de lancer.

-Mais merci.

Nell avait pris place sur mon lit alors que je l’avais questionné sur son rendez-vous avec Don Hughes. Visiblement, ils avaient surtout lancer leurs doléances à chacun. Nell semblait vouloir mettre des limites et, surtout, elle n’était pas sûre d’avoir besoin d’une relation père-fille. Elle ne savait pas quoi faire d’un père… Elle préférait voir Don comme un ami ou même un mentor… J’haussai des épaules.

-Tu sais, ce n’est pas moi qui vais te dire qu’avoir un père est indispensable.

Pour des raisons plus qu’évidentes… Mais ! Mais, j’avais décidé de prendre le parti de Don Hughes parce que j’y voyais un intérêt.

-Par contre, je peux comprendre le point de vue de Don… J’ai vécu ça avec Grant… Pas sûr qu’il avait besoin de moi mais, moi, j’avais besoin de le connaitre.

Ce n’était pas tout à fait vrai. J’avais surtout besoin de m’assurer que Grant ne sera pas un problème pour moi plus tard.

-Maintenant, rien ne t’empêche de le voir comme un ami et pas comme un père. Ou comme un mentor. Il a de l’expérience, non ? Tout expérience est utile à entendre, je pense.

J’haussai des épaules.

-De toute façon, c’est à toi de décider.

Quant à moi, j’avais parlé de ce que j’avais lu dans L.A.People… L’avocat de Sky s’était fait voir et je déclarai que je me demandais bien comment Sky avait pu se le payer. Mais Nell me donna une hypothèse qui tenait largement la route.

-Peut-être… Ça semblerait logique.

Elle se demanda si, moi, j’avais des nouvelles de mon avocat. J’hochai négativement de la tête.

-Pas encore… J’imagine qu’il bosse sur le dossier. J’espère…

Il avait intérêt, en réalité. Je comptais bien faire en sorte que Sky souffre autant que j’avais souffert en prison. Je savais que sa fille était son point faible et je comptais bien m’approprier la garde d’Heaven ne serait-ce qu’à moitié.

Je vins m’asseoir à côté de Nell demandant si elle avait un endroit où résider à Los Angeles vu que Jordan l’avait mise dehors. Visiblement, ce n’était pas le cas… Elle avait, avant de venir ici, squatter à Saint-John… Elle n’avait plus rien parce qu’elle avait tout vendu pour emménager avec Keller.

Mes lèvres se pincèrent.

-Je vois… Tu ne t’attendais pas à ce qu’il te vire comme ça, je suppose ?

Pourtant, c’était digne de ce que je savais de cet impulsif de flic.

Elle pensait pouvoir s’acheter un petit studio avec l’argent récolter avec son rôle dans Grease. Sauf qu’après ça, l’argent va à nouveau fondre.

Rentre dans la brèche, Ward, tu n’as rien n’à perdre.

-Si jamais tu as besoin d’un point de chute le temps de trouver un studio ou pour autant que tu voudras, tu peux venir chez moi. Mon appartement est grand… Et je suis tout seul. Donc… N’hésite pas. Même si je récupère Heaven, il y aura quand même de la place.

Voilà, ça c’était fait. Je lui ouvrais une porte. A elle de voir si elle veut s’y engouffrer.

J’avais appelé Ward par son nom de famille bien qu’il détestait ça peut-être même autant que de se faire appeler Edward mais ça m’avait échappé, sous l’impulsion du moment, porté par l’élan de ce que je pensais très drôle. Il ne l’avait pas mal pris et il avait apprécié le compliment sur ses gros muscles.

Bien sûr, ce qui intéressait surtout Ward, ce n’était pas de m’impressionner avec ses muscles, de toute façon il savait que ce genre de choses ne m’épataient pas tant que ça, mais bien de savoir comment s’était passé mon tête à tête avec Don Hughes. Il n’y avait tant de chose à en dire sauf que nous avions convenu de laisser le temps faire son œuvre et voir où cela allait nous mener. Don arrivait beaucoup trop tard dans ma vie pour prendre la place qu’il semblait convoiter mais je n’étais pas non plus complètement fermée à l’idée de lui accorder un peu d’espace, faire plus ample connaissance, devenir ami.

- Tu n’as pas eu le modèle de père idéale pour me tenir ce genre de discours, en effet.

Le père de Ward était un dangereux psychopathes et meurtrier, incarcéré à vie à San Quentin, pas le genre de père avec qui on va au parc le samedi matin pour se lancer la balle. Pas le genre de père non plus qui viendrait nous applaudir sur scène.

Je haussais des épaules à la suite du commentaire de Ward sur le fait que, malgré ça, il comprenait que Don puisse avoir eu besoin de me connaître. Oui, ça je le comprenais mais je restais accroché sur le fait qu’il avait eu toute ma vie pour le faire. Pourquoi avoir mis si longtemps? Pourquoi avoir brisé le cœur de ma mère si c’était pour revenir à la charge deux décennies plus tard?

- Oui, je peux le voir comme un mentor et accepté ses conseils, on n’en a jamais de trop dans la vie… Le fait est que ça me fait étrange que ça puisse venir de lui. Si je vais lui demander conseil, il va croire que je viens vers lui comme une fille vers son père, non ? Ça me semble bien compliqué à gérer comme situation…

Je soupirais tout en me passant les mains sur le visage puis dans mes cheveux.

Ward me montra l’exemplaire du L.A.People qu’il avait déniché dans un stand à journaux et me parla de l’avocat de Sky. Je supposais que son ex-femme avait peut-être bénéficié elle aussi d’un élan de générosité pour se payer les services de Victor Hunter, le marie de ma demi-sœur ni plus ni moins. Après tout, Ward avait eu Maitre Louis en pro bobo. Ça devenait peut-être une mode dans le monde juridique !

Ward me rejoignit sur son lit sur lequel je m’étais redressée pour mieux discuter avec lui. J’avais un certain malaise vis-à-vis de lui puisqu’il m’avait confié être encore amoureux de moi alors que mon cœur battait encore à tout rompre pour Jordan. Je ne voulais pas qu’il croie que je puisse avoir envie de renouer. Je n’étais pas prête à me rembarquer dans une relation, ça faisait encore bien trop mal !

Après ma rupture, je m’étais littéralement retrouvée à la rue. Oh, j’aurais bien pu retourner chez ma mère mais je l’aurais inquiétée plus qu’autre chose et je ne souhaitais pas ça. J’avas donc squatter a Mission, c’est ce que je répondis à Ward qui s’intéressait de savoir où je vivais depuis que j’avais ‘’quitté’’ la maison de Keller.

- Je m’attendais à une demande en mariage… je suis tombée de haut… Vraiment très haut.

Ward me proposa alors de m’installer chez lui en attendant que je me déniche un studio, lorsque mon aventure sur Broadway prendrait fin. Je figeais complètement devant cette proposition soudaine. Elle était tentante mais en même temps, il y avait comme un gros signaux lumineux qui me disait de ne pas accepter ou plutôt de bien y réfléchir avant de dire oui.

- D’accord, pourquoi pas ?

Mentalement, je m’étais frappé le front en m’entendant accepter sa proposition.

Nell déclara que je n’ai pas eut le modèle de père idéal et que, de ce fait, je n’étais pas forcément en droit de lui tenir ce genre de discours ce que j’avais affirmé juste avant et qu’elle confirma.

-Je crois même que j’ai eu le pire des modèles. Don Hughes à côté, c’est un Saint.

Mais j’étais père moi aussi et c’est cette carte que j’utilisais pour essayer de faire, à nouveau, pencher la balance en faveur de Don. J’utilisais Grant à cet effet comme quoi, le gamin servait encore à quelque chose. J’avais déclaré qu’il n’y avait rien de mal à le considérer comme un mentor. Qu’elle n’avait rien à perdre de prendre des conseils par rapport à Don. Elle approuva cette idée mais c’est celle de le voir comme un père qui l’ennuyais. Elle avait peur que si elle prenait les conseils de Don, il se ferait des idées et la considèrerait comme sa fille.

J’haussai des épaules.

-Il va peut-être croire ça… Mais je ne pense pas que tu pourras empêcher Don de te voir comme il le souhaite. Je crois que, pour lui, c’est déjà clair qu’il te considère comme sa fille. Maintenant, tu as mis les choses au clair avec lui sur ton intention, non ? Je crois qu’il ne faut pas trop réfléchir…

J’avais bien compris qu’il n’était pas simple de contrôler toutes les pensées des autres. On pouvait les manipuler mais parfois, ça merdait. Je l’avais appris à mes dépends à plusieurs reprises.

J’avais, ensuite, parlé de Victor Hunter, l’avocat de Sky, qui avait fait des siennes au Crazy Ginger. Après, j’avais rejoint Nell sur le lit pour lancer une question qui était là pour amorcer une proposition.

Nell n’avait pas d’endroit où dormir. Jordan l’avait foutu dehors sans prévis. Elle créchait à Saint-John comme un de ses foutus bénéficiaires tout ça pour éviter d’inquiéter sa mère. Nell faisait bien trop attention à ce que pensaient les autres… Je crois qu’elle tient ça de Don Hughes.

Elle déclara être tombée de haut. J’hochai de la tête.

-Je sais. Ça a dû faire mal.

En toute logique, tomber de haut fait mal. Ça tue, parfois…

Bien que je ne comprenais pas dans quel monde Nell avait pu tomber sous le charme de ce bourru de Jordan Keller.

Je lançai alors ma proposition… Quelle accepta. J’esquissai un petit sourire.

-Ça tombe bien, je viens de tout ranger dans mon appart’. Trois mois que personne n’avait fait le ménage, je te raconte pas…

Est-ce que je m’attendais à ce qu’elle accepte sans condition ? Non. Comme quoi elle arrivait encore à me surprendre.

-Comme ça tu pourras te concentrer sur la possibilité d’obtenir d’autres rôles. Car, pour moi, tu peux vraiment aller très loin dans le monde du théâtre et du cinéma.

Et pour en rajouter une couche:

-Et tu n’auras pas besoin de Don pour ça. Juste de ton talent.

Je dis ça en lui faisant un petit clin d’œil en la regardant dans les yeux.

Nos modèles de père ne se comparaient pas mais si nous devions le faire, Ward remportait haut la main celui qui avait eu le pire. C’était triste, vraiment très triste parce qu’aujourd’hui, tout le monde l’associait au Boucher de Los Angeles. Je n’étais pas entrain de dire que Ward était un ange, loin de là mais je ne changerais pas d’avis sur le fait que beaucoup de fausses croyances circulaient à son endroit uniquement à cause de Thomas Fleming.

Din Hughes ne me porterait pas préjudice, au contraire, cela pourrait même m’ouvrir des portes. C’était bien ce qui me dérangeait au fond. Toute ma vie, ma mère et moi avions trimé dure pour ne manquer de rien bien que les fins de mois n’étaient jamais joyeuses. Se partager une tartine pour le souper, nous l’avions fait plus souvent qu’autrement alors que, pendant ce temps, Carrie et Julian mangeait à leur faim et en laissaient dans leur assiettes. Je n’en étais pas jalouse, je me disais que cette façon de vivre m’avait permis de mieux apprécier ce que j’avais, de connaître la véritable valeur des choses et d’en prendre grand soin.

Ward ne croyais pas que je pourrais empêcher Don de se voir comme mon père, de se comporter comme tel et il avait raison, je le savais bien. Pendant notre diner en tête à tête, je lui avais fait valoir mes raisons, je savais qu’il avait bien assimilé mes intentions et qu’il les respecterait mais forcément, il ne pourrait s’empêcher de veiller sur moi, de vouloir me prodiguer conseils et me filer un coup de pouce quand il le jugerait nécessaire.

- Ne pas trop réfléchir…

Peut-être bien que Ward avait raison.

Je réfléchissais trop, toujours, tout le temps. Je réfléchissais sans cesse à tout un tas de truc et ce n’était pas toujours pour le mieux. Souvent, mes réflexions allaient à l’encontre du gros bon sens, comme pour cette visite à San Quentin. Je savais au départ que ce n’était pas une bonne idée mais j’avais eu besoin de le faire parce que mes réflexions m’avaient poussées à croire qu’en parlant face à face avec Ward, je verrais plus clair. Au lieu de ça, j’avais été plongée dans un brouillard infini et mon couple avait éclaté.

Ward voulu ensuite savoir où je vivais depuis ma rupture. Ce n’était pas réellement un sujet que je voulais aborder mais comme je n’avais aucune raison de le lui cacher, je me voyais mal l’esquiver ou lui mentir. Donc, humblement, je lui confiais squatter à la mission puisque j’avais absolument tout vendu et que mon ancien appartement avait trouver preneur. Je n’avais pas non plus voulu inquiéter ma mère avec ma situation et donc, voilà où j’en étais.

Jamais je ne me serais attendu à ce que Ward me propose de devenir coloc’ encore moins que je ne pensais accepter. C’était la pire des meilleures idées, je voyais le drapeau rouge s’agiter mais j’acceptais tout de même l’offre sans poser de conditions, sans poser de questions

Parfois, je me désespérais tellement ! Jordan avant sans doute eu raison de rompre avec moi. Pouvais-je rompe avec moi-même ?

Je grimaçais bien qu’il m’eu épargné les détails de l’état de son appartement après trois mois d’inoccupation. Je préférais ne pas savoir, mon imagination me suffisait.

- Il est certains que de ne pas avoir à me préoccuper d’où je vais vivre pour pouvoir me concentrer sur la Mission et mon avenir, ça serait super… Mais nous sommes d’accord ? Ce n’est que temporaire et je te paierai une partie des charges.

Ainsi je me sentirais un peu moins redevable.

Je ne voulais rien devoir.

Ni à Ward.

Ni à Don.

Nell réfléchissait trop. Elle avait toujours trop réfléchis. Alors que ses réactions impulsives étaient celles qui l’avait menée à avoir tout mon intérêt. Parce qu’il fallait avoir agi impulsivement pour m’inviter à manger une pizza alors qu’elle était seule dans une ruelle avec moi. Moi, Ward Fleming, dont elle connaissait la réputation.

Quand elle réfléchissait trop, elle se mettait des bâtons dans les rues, elle était hésitante… Un peu comme Don. Ce qui ne jouait pas à son avantage dans la prise de décision.

Alors, je lui conseillai de réfléchir moi. Elle souffla cette même phrase et j’hochai de la tête.

-Oui. Moins réfléchir.

De fil en aiguille, je réussis à apprendre que Nell, depuis qu’elle a été mise à la porte par Jordan Keller, dormait à Saint-John. En gros, elle s’était mis au niveau des gens qu’elle aidait et je ne savais pas spécialement quoi penser de ça. Comme si Nell aimait avoir la tête sous l’eau. Elle ne cherchait pas à s’aider en tout cas. Le côté pratique aurait pousser quelqu’un vers sa famille mais Nell avait peur d’inquiéter sa mère. Donc… Elle squatte Saint-John…

Même si je ne comprenais pas spécialement son raisonnement, je ne pus m’empêcher de voir ça comme une ouverture pour lui permette de squatter chez moi. Ma proposition était sur la table… A elle ou non de la saisir. Je m’attendais à ce qu’elle la considère sans me répondre tout de suite. Bref, je la voyais, d’avance, réfléchir trop.

Mais elle accepta sur un coup de tête.

Voilà, la Nell que j’aimais.

L’impulsive.

Ça me fit sourire bien sûr. Nell savait que ça allait lui faciliter la tâche mais elle souligna que ça sera temporaire et qu’elle payera une partie des charges. S’il ne fallait que ça pour faire son bonheur, soit.

-On est d’accord.

Je me laissai tomber coucher sur le dos sur le lit les bras croisé derrière ma tête.

Nous étions d’accord. Et je savais que j’étais parti pour un jeu de patience dont je comptais bien récolter les fruits.