Aujourd’hui, j’avais l’immense honneur de recevoir Shiri dans mon studio. Elle avait accepté l’interview que je lui avais proposée…

Comme chaque fois que je rencontrais quelqu’un de nouveau, j’étais un peu stressé. Je n’avais vu la jeune femme que sur scène. Ok, cela en disait déjà pas mal sur la personne qu’elle pouvait être. Et son concert m’ayant bien plu, j’avais un peu peur d’être déçu si sa personnalité ne collait pas l’idée que je m’en faisais.

Après tout, j’avais été ravi d’accueillir Maria Watson dans mon studio et finalement, je n’avais découvert qu’une femme assez vénale avec un air hautain qui m’avait vraiment déplu.

C’était toujours comme ça, avec les gens… On s’en faisait une idée puis on se trompait.

Et comme en plus, je m’énervais et me braquais vite, c’était toujours un peu quitte ou double.

Bref, rien n’était encore fait… Pour l’instant, Shiri était pour moi comme le chat de Schrödinger et les deux hypothèses restaient possibles simultanément. Soit ça passait, soit ça cassait.

J’avais préparé des bouteilles d’eau pour nous deux, une de coca et une de jus d’orange. De quoi se désaltérer pendant l’interview.

J’étais en train de m’allumer une cigarette, écoutant la musique que diffusait la radio juste avant mon émission, qui se déroulerait donc en direct (un stress en plus), quand on fit entrer la jeune artiste dans mon studio.

Je me levai directement, la clope entre les dents et enlevai mon casque pour aller la saluer dignement, lui tendant la main pour qu’elle la serre.

-Bonsoir, bienvenue dans les studios de L.A.ROCKS… J’espère que vous avez apporté avec vous cette bonne humeur que j’ai pu voir sur scène avant The Lightening ?

Je la laissai s’installer puis enchaînai en lui expliquant un peu ce que j’avais prévu pour cette interview.

-Je vous ai invitée pour que le public en sache un peu plus sur vous. Donc le but sera de faire comme si comme si nous étions deux étrangers qui apprennent à se connaître. Sauf qu’évidemment, c’est vous qui nous en direz le plus sur vous. Personne ne s’intéresse à ma vie à moi.

Je souris.

-Mettez-vous à l’aise. Vous pouvez mettre le casque. Si une question ne vous convient pas, vous pouvez simplement gentiment choisir de ne pas y répondre et je n’insisterai pas.

Je n’étais pas Amon Sørensen.

-Vous êtes prête ?

Aujourd’hui, je répondais présente à l’invitation de Jake Snyder. Il voulait m’interviewer pour son émission de radio ! J’avais bien du mal à y croire tant c’était pour moi un véritable honneur ! Combien d’artiste admirés et admirables étaient passés par son micro ? J’entrais dans ce club sélect, en quelque sorte !

Un peu naïvement, j’avais repasser ma garde-robe en entier dans l’espoir de trouver la tenue parfaite avant de me rappeler que personne, sauf Jake, ne verrait mes habits puisqu’il s’agissait d’une émission de radio et non pas de télévision. Parfois, j’avais ce genre de réflexion stupide qui faisait bien rire Samantha. Elle ne riait pas de moi, elle riait avec moi parce que moi aussi ensuite, je riais en réalisant à quel point mes pensées allaient en tous les sens.

C’est donc vêtu d’un pantalon rose et d’un t-shirt de The Lightening acheté lors de leur concert au Hollywood Bowl que je me présentais à la station de radio puis dans le studio où se trouvait déjà le célèbre animateur. En me voyant entrer, il se leva en retirant son casque d’écoute et se dirigea vers moi en me tendant la main que je serrais dès qu’il fut assez près.

- On dit que je suis la bonne humeur incarnée !

Je ricanais un peu timidement mais tout de même sincèrement et toujours en serrant la main de l’animateur avant de réaliser que je la lui tenais encore et de la relâcher.

On s’installa à nos places respectives alors qu’il m’expliquait comment il avait prévu voir les choses se dérouler. Il était l’expert ici, moi, je n’étais que l’invité qui allait répondre aux questions. J’écoutais donc attentivement ce qu’il avait à me dire comme s’il me donnait les instructions d’un meuble à assembler. Heureusement que l’interviewer n’avait rien de manuel, je n’étais pas doué avec mes mains.

- Ça me va, c’est tout simple même si je suis certaine que vous aussi, votre vie est passionnante. Tous ces gens que vous avez interviewés ! C’est impressionnant quand on y pense, d’avoir la chance de tous les rencontrer.

Ça devait être génial d’être animateur radio et d’avoir la chance de parler avec des artistes en primeur, de divers sujet, de passer leur nouveau matériel en onde, de promouvoir les concerts, de donner des tickets ou de la marchandise. L’homme à la cigarette au bec devant moi avait vraiment un job de rêve ! Quelle chance !

Je me replaçais sur ma chaise, puisqu’il m’invitais à m’installer confortablement. Il me précisa également que, si une question ne me convenait pas, je pouvais choisir de ne pas y répondre. Je hochais de la tête bien que je voyais mal quel genre de question il pouvait me poser et que je refuserais de répondre. Il ne me demanderais tout de même pas de quel grandeur était mon bonnet ! Avec, ou sans les mouchoirs dedans ?

- Je suis prête et si je ne suis pas à l’aise avec une question, je vous le dirai, gentiment, comme vous le dites. Oh et n’ayez pas peur de m’interrompre. Je parle beaucoup trop à ce qu’on me dit et je m’égare parfois, c’est embêtant.

Je rigolais un peu plus fort que précédemment, puis je me calmais et respirais deux ou trois bon coup pour me ressaisir et laisser Jake débuter l’interview.

J’étais stressé comme chaque fois que je rencontrais quelqu’un de nouveau. J’avais beau être animateur radio, je n’avais pas le tour avec les gens ni les facilité d’une Sydney Grey qui me semblait toujours tellement à l’aise avec tout le monde.

Cependant, quand Shiri entra dans le studio et que je me levai pour aller la saluer comme il se devait, sa tenue me fit une belle impression. Un pantalon rose et un t-shirt à l’effigie de The Lightening… une tenue que Carolyn aurait pu elle-même choisir… Ce qui donnait à Shiri, de mon point de vue, quelque chose de familier et de rassurant pour moi.

De plus, ça démontrait qu’elle était une jeune femme simple mais non dénuée de goût. Mais ça, je le savais déjà, parce que j’avais entendu sa musique et que celle-ci était une preuve de goût.

En plus, sa bonne humeur était contagieuse et je ne me rendis même pas compte qu’en plus de me détendre légèrement, elle me faisait sourire. Les gens extravagants m’avaient toujours fait un peu peur, parce qu’ils avaient tendance à prendre beaucoup de place. Tout comme les gens qui n’hésitaient pas à montrer leurs émotions et à les exagérer même parfois… Parce que je ne savais déjà pas quoi faire avec mes émotions… Alors si en plus, je devais gérer celles des autres…

Elle serra ma main longtemps, mais je la laissai faire. En fait, on était aussi effrayé l’un que l’autre… Ce qui ne l’empêchait pas d’être de bonne humeur, ce qui me fit sourire.

-Parfait… Je suis de très bonne humeur aussi. Bien qu’un peu stressé, je vous l’avoue. C’est un honneur de vous recevoir ici.

Elle devait croire que depuis que je faisais ce métier, je devais avoir pris le pli et faire ça un peu comme un ouvrier dans une usine à la chaîne… Mais ce n’était pas vrai du tout !

On s’installa et pour l’aider à prendre ses repères, je lui expliquai un peu comment ça allait se dérouler. Elle certifia avoir compris même si elle disait que ma propre vie devait être passionnante avec tous les gens que je rencontrais.

Je rigolai.

-C’est vrai, j’ai énormément de chance ! La plupart du temps, ça se passe bien. Mais il y a parfois de mauvaises surprises. Je me fais parfois des idées sur des artistes pour me rendre compte en interview qu’ils ne sont pas aussi ouvert d’esprit ou aussi sympathiques qu’ils n’y paraissent…

Pouvais-je en citer un ? Maria Watson… Mais en fait, ce n’était pas une artiste. Puis il y avait Daniele Ricci aussi.

-En fait, c’est plus souvent avec les managers que j’ai des problèmes, tout bien réfléchi…

Les artistes, eux, je m’entendais bien avec eux, en générale.

Elle était donc prête, avait compris qu’elle pouvait décliner des questions. Alors je fis signe à la régie qu’on pouvait y aller. Je fis un décompte avec mes doigts pour Shiri, puis me lançai.

-Chers auditeurs, il est 19 heures et je reçois aujourd’hui Shiri dans nos studios ! Pour ceux qui ignoreraient encore de qui il s’agit, Shiri, c’est ça !

Je fis un geste vers la régie et ils envoyèrent une première chanson.



J’écoutai attentivement la chanson. La veille, j’avais écouté cet album en boucle toute la journée pour m’inspirer les questions que j’allais poser à la jeune femme.

-C’était Cold Hearted Snake de Shiri qui me fait donc l’honneur d’être présente aujourd’hui dans nos studios. Shiri, bonsoir à vous !

Je la laissai répondre à mon salut avant d’enchaîner.

-Vous avez déjà un album, Lost In A Dream à votre actif et vous avez très récemment fait une première partie de The Lightening très remarquée… Cependant, nous en savons très peu sur vous… Avant de devenir Shiri, qui est Shirley Gilmore ? Pouvez-vous nous en dire plus sur elle ?

Comme cela était impressionnant de se retrouver devant une légende de la radio et combien cela l’était de l’entendre avouer être lui aussi stressé ! Avec toutes les gens connus qu’il interviewait régulièrement, son stress devait être de devoir interviewer une inconnue un peu trop colorée, un peu trop excitée, qui parlait beaucoup trop et qui avait un rire hors norme.

- Oooh ! Mais c’est un honneur pour moi de vous rencontrer !

Il avait dû s’en rendre compte par tout le temps que j’avais pris à lui serrer la main, comme si je tenais la chose la plus précieuse sur cette terre. En quelque sorte, ça l’était. Rencontrer une personne pour la première fois ne repassait jamais dans une vie or, il fallait toujours considérer ce moment comme précieux. C’est ce que ma maman me disait et moi, j’écoute toujours ma maman.

Je le laissais récupérer sa main pour que l’on s’installe autour de la console. Il m’expliqua comment les choses allaient se dérouler bien que de mon point de vue, lui aussi devait avoir une vie intéressante. Il gagnait sa pitance en recevant des gens connus, en bavardant ave eux, en écoutant leur musique. Pour moi, c’était bien plus intéressant que qui j’étais moi. En y pensant bien, en dehors de mes chansons et de ma famille et ma chatte Prada que j’aimais plus que tout au monde, qu’avais-je à dire ?

J’allais le découvrir au fur et à mesure que Jake me poserait des questions. C’était un fait, j’étais souvent autant surprise de ce qui sortait de ma bouche que les gens qui l’entendaient.

- J’espère que Samantha n’est pas un manager à problème car si c’est le cas, je la gronderai ! En fait non, je ne la gronderai pas, je n’oserais jamais !

Qui oserais gronder une mama italienne ? Ma réflexion me fit rire de mon rire le plus franc mais je me calmais parce qu’il était temps de lancer le décompte avant le début de l’émission ce que Jake fit en montrant ses longs doigts. Il fit l’introduction en faisant jouer l’une de mes chansons. Je me dandinais sur ma chaise en bougeant la tête au rythme de mes propres paroles. L’effet de m’entendre à la radio était indescriptible. Comment faire pour dire avec justesse les émotions ressenti devant un travail accompli pour lequel on y a investi cœur et âme ?

- Bonsoir, bonsoir !, dis-je en agitant la main. Je suis très heureuse d’être ici !

J’hochais de la tête en écoutant mon intervieweur mentionner que j’avais un album à mon actif et que j’avais su me faire remarquer en assurant la première partie de The Lightening. Je pensais que sa première question irait donc en ce sens mais il voulu savoir qui était Shirley Gilmore.

- Eh bien je suis née au Texas mais avec ma famille, nous sommes venus nous installer à Los Angeles pour le travail de mon papa. Il est publiciste et si vous buvez de la bière, Crack a cold One c’est de lui ! J’ai aussi un frère Corey qui vient d’ailleurs d’être repêché par les RAMS de Los Angeles ! Ah et je ne vais pas oublier ma maman qui travaille comme illustratrice. Donc… Euh… Je suis une personne de famille, je crois que l’on peu dire ça comme ça. Ah et j’ai une chatte qui se nomme Prada et c’est grâce à elle que j’ai rencontré Billy Lighter !

L’honneur de cette rencontre était donc partagé… Si j’étais stressé, Shiri, elle, semblait fébrile. Je l’avais vue danser sur scène, littéralement se déchaîner… Et du coup, je l’imaginais assez extravagante, le genre à parler fort, rire fort et prendre beaucoup de place. Pas le genre de personne qui me mettait forcément à l’aise, même si ces gens-là l’avaient en générale pas de mauvaises intentions.

C’était juste que… trop d’émotions dans le mode explosif, c’était beaucoup trop à gérer pour moi.

Mais alors que je lui expliquais un peu comment ça allait se passer, j’avais bien l’impression que Shiri, si elle était exubérante, savait quand même se canaliser.

Je lui avouai donc, pour ne pas qu’elle s’étonne, que j’étais stressé et qu’il y avait parfois des gens avec qui le courant ne passait pas… Me rendant compte que c’était en fait surtout avec les managers, jusqu’ici, que j’avais eu des problèmes.

Elle demanda si Samantha était une manager à problème. En disant que si c’était le cas, elle la gronderait avant de se rétracter en disant qu’elle n’oserait pas.

Je souris alors que Shiri semblait se trouver hilarante…

-Je ne sais pas, je ne l’ai jamais rencontrée.

Et sincèrement, après avoir interviewé Maria Watson, si je devais choisir entre une interview avec Lenny Knowles ou avec la femme de Ricci, je signerais à deux mains pour Lenny Knowles. J’étais plutôt du genre progressiste, je n’avais rien contre l’égalité homme-femme. Mais j’étais assez lucide pour me rendre compte que si un homme avec du pouvoir, c’est déjà intenable, une femme, c’était pire.

Bref quand je démarrai l’émission en passant un de ses titres, elle ne put s’empêcher de danser sur sa chaise…

Je lançai ensuite ma première question, qui était assez ouverte et permis à Shiri de parler de ses origines. Elle était originaire du Texas, son frère faisait du football, son père était dans la publicité et sa mère était illustratrice. Et ils étaient désormais tous à Los Angeles.

-Une famille de bosseurs, comme je vois !

Elle avait aussi un chat qui s’appelait Prada et qui lui avait permis de rencontrer Billy Lighter. L.A.People avait d’ailleurs spéculé sur une romance entre les deux artistes.

-Comment un chat a-t-il pu vous faire rencontrer quelqu’un comme Billy Lighter ? Cette histoire m’intrigue…

Et ce serait peut-être l’occasion pour Shirir de remettre, ou non, l’église au milieu du village sur ce qu’avait annoncé Sørensen il y avait un moment déjà.

M’imaginer entrain de réprimander Samantha me fit rire. Cette situation était si irréelle parce que je ne connaissais personne qui oserait la gronder sans y perdre des plumes. En tous les cas moi, je ne me risquerais pas ! Je rigolais de bon cœur puis je me repris en constatant que mo n rire semblait mettre Jake mal à l’aise. Il est certain que si j’avais eu une bulle au-dessus de ma tête affichant ce que j’y voyais, il aurait surement rigoler lui aussi mais mon imagination étant sans borne, il était parfois difficile de mettre des mots là-dessus.

- Je te souhaite bien d’avoir la chance de bavarder avec elle. Samantha est très gentille !

L’émission démarra et tout de suite, Jake fit passer l’une de mes chansons. Entendre mes créations à la radio me faisait toujours un grand effet même si ça arrivait de plus en plus souvent. Je ne m’y habituais pas ! Et mes parents non plus ! En général, chaque fois que cela leur arrivait, ils m’appelaient rapidement pour me le dire, ce qu’ils ne feraient pas en ce moment car je savais qu’ils étaient à l’écoute.

Jake me questionna sur qui j’étais, une excellente question. Qui étais-je sans ma famille ? Alors je parlais d’eux, c’était la meilleure façon de me définir. Il déclara alors que nous étions une famille de bosseurs.

- Exactement ! Nous travaillons fort et n’avons jamais eu peur de mettre l’épaule à la roue et de nous salir les mains.

C’était imagé, nous n’avions jamais eu à nous salir les mains pour composer des slogans publicitaires où des chansons. Quoi que mon frère revenait souvent très sale de ses entrainements de football et ma mère devait user d’astuce pour détacher son uniforme des traces de boues et de gazon.

Évidemment, je ne pus m’empêcher de parler de ma chatte Prada, ma fidèle amie qui me suivait partout. Enfin, presque partout parce que je ne l’avais pas avec moi pour l’interview.
Samantha m’avait fortement conseillé de ne pas la prendre avec moi. J’expliquais que c’était grâce à elle que j’avais rencontré Billy Lighter.

- Oh, eh bien ! Je l’avais avec moi au studio et elle a décidé d’aller explorer. Je l’ai cherché et c’est dans le studio de The Lightening que je l’ai retrouvé. Elle avait prit place sur les cuisses de Billy et c’est comme ça que nous avons fait connaissance. Nous avons bavardé longtemps et même fait un peu de musique. Il est tellement sympathique ! Prada se méfie des gens et elle est resté tout ce temps sur les cuisses de Billy, elle l’a adopté sur le champ ! Nous nous sommes tout de suite très bien entendu et nous sommes devenu amis.  

J’avais eu beaucoup de chance cette journée là et je la devais à ma chatte. Sans sa petite escapade, je n’aurais probablement jamais eu le courage d’entrer dans le studio du célèbre groupe et la suite de l’histoire aurait été certainement différente.

- Oh d’ailleurs, je m’étais promis de le saluer ! Coucou Billy !

Shiri affirmait que Samantha Ricci était gentille. Mais pour connaître Daniele Ricci, ce petit fasciste avec qui je ne m’entendais pas du tout, j’étais vachement refroidi à l’idée de rencontrer sa femme. Surtout que je savais que Cash Izbel, par exemple, ne pouvait pas la supporter.

Je répondis tout de même par un sourire poli :

-Si vous le dites…

J’avais démarré l’interview avec une question plutôt ouverte qui permit à Shiri de parler de sa famille. Elle semblait très proche de ses parents et son frère…
Et Shiri confirma par une expression imagée qui me fit sourire.

Elle parlait fort, elle riait fort et elle parlait vite. C’était beaucoup pour moi, toute cette extravagance… J’étais, en fait, l’antithèse de Shiri, plutôt renfermé sur moi-même, ne faisant pas de bruit dans le sens littéral du terme (mais dans le sens figuré, à la radio, j’avais une petite réputation de révolutionnaire)…

Nous étions un intraverti et une extravertie face à face et je me demandais ce que ça donnait à l’écoute, cette interview. Est-ce que ça se sentais que j’étais déjà complètement envahi par la personnalité de Shiri qui me tombait dessus comme un glissement de terrain ?

Non, il fallait que je gère.

Elle raconta alors son histoire avec Billy Lighter… une rencontre qu’elle devait à son chat qu’elle avait pris avec elle aux studios et qui avait échappé à sa vigilance. Le chat avait fait ami-ami avec Billy Lighter et de là était née une amitié.

-C’est une très belle histoire… Comme quoi, c’était écrit.

Et elle prit la liberté de saluer le chanteur de The Lightening à l’antenne. Je souris.

-J’espère qu’il nous écoute et que le message est passé.

J’en revins à Shiri elle-même et à sa musique.

-Vous avez dit être originaire du Texas. Sachant cela, on aurait pu imaginer que vous auriez plus d’accent country dans votre musique, mais ce n’est pas vraiment le cas.

Je rigolai légèrement.

-C’est probablement un peu cliché d’associé automatiquement la Country au Texas… Mais ma question est la suivante : quelles sont vos influences, en musique ?

L’interview était bien commencé, je me devais de rester concentrer pour ne pas m’éparpiller mais, avec ma facilité de passer du coq à l’âne, ce n’était pas facile ! Jake me questionna sur qui j’étais vraiment. Je ne voyais pas meilleure façon d’y répondre que de parler de ma famille car elle me définissait vraiment. C’est donc ce que je fis en parlant des gens que j’aimais le plus au monde, sans oublier Prada, évidement.

Puis, une chose en amenant une autre, parler de Prada m’amena à parler de ma rencontre avec Billy Lighter. Une belle histoire comme le disait Jake.

- Une belle histoire mais ma manager n’était pas emballée d’apprendre que ma chatte s’était baladée au travers des studio de MTI. Mais ! Il n’y a pas eu de conséquences fâcheuses alors tout va bien !

Je me retenue d’éclater de rire, je ne voulais pas que les auditeurs croient qu’il y avait un problème avec le son de leur radio !

Ce fut ensuite sur mes origines Texanes que l’animateur radio s’intéressa ensuite. Il mettait en relief que, parce que je venais du Texas, nous aurions pu croire que j’aurais eu tendance à produire de la musique country bien que cela devait sembler être cliché de le dire.

- Oui, cela aurait pu être le cas.

Mais je faisais dans un tout autre registre, loin de la country, loin du berceau de mes origines. C’était une excellente question que je ne m’étais jamais moi-même posé alors je cherchais dans ma tête d’où venait mes influences.

- Je crois que ça vient de Los Angeles, tout simplement. La musique country a bercé mon enfance, mes parents en sont de grands consommateur, ils adorent d’ailleurs Tobby Cooper ! Peut-être que ce style n’était pas assez coloré pour moi, difficile à dire.

En famille, en voiture, dans les barbecue avec les oncles, les tantes, les cousins et les cousines, c’était toujours très diversifié, il y en avait pour tous les goûts donc, je ne devais pas m’être sentie cantonnée dans un style ce qui expliquait que j’avais pu me sentir plus proche de certaine chanteuse icone.

- J’ai toujours beaucoup aimé Lola et sa musique, pour moi, il n’y a pas plus grande chanteuse pour représenter ma génération. Je crois que j’ai beaucoup puisé mon inspiration en l’admirant. J’ai eu la chance de faire sa première partie, un petit moment et ça été une expérience très enrichissante ! J’aurais aimé la connaître davantage.

Ok… Quand Shiri se mit à raconter l’anecdote de son chat qui s’était mis à explorer les studios de MTI, ce qui avait mené à une rencontre avec Billy Lighter, je me détendis un peu. Déjà, parce qu’en soi, l’histoire était quand même drôle. Et de deux, parce que si Shiri pouvait sembler envahissante parce qu’elle se tortillait, faisait des grands gestes, parlait et riait fort, je ne sentais pas de mauvaise intentions en elle.

Pour ce genre de chose, j’étais très fort. Je savais repérer en quelques secondes les personnes avec qui ça n’allait pas fonctionner avec moi.

Shiri ne faisait pas partie de ceux-là.

Du coup, je souris un peu plus franchement quand elle ajouta que sa manager n’avait pas été très d’accord quant à la présence du chat en studio mais qu’au final, il n’y avait rien eu de mal fait.

-Cette histoire confirme un peu la réputation de MTI comme quoi ils sont légèrement plus stricts sur certaines choses que BSC… J’imagine aussi que ça dépend du manager.

Dernièrement, on commençait à parler pas mal de Brent Hughes qui pourtant était dans le business depuis quoi ? 25 ans ? Quelque chose comme ça ? Mais comme je ne l’avais pas plus rencontré que je n’avais rencontré Samantha Ricci, je ne pouvais pas me prononcer sur le caractère du manager de 50 ans.

Cela dit, le manager avec qui j’avais vraiment eu des problèmes, Daniele Ricci, était chez BSC… Donc tout mon raisonnement tombait à l’eau, en y réfléchissant bien.

J’en revins aux origines texanes de Shiri et lui sorti un énorme cliché qui n’était finalement qu’un tremplin pour lui poser la question de ses inspirations. Elle avait bien une base de country dans son éducation, mais ce n’était pas ce chemin qu’elle avait pris quand il s’était agi de faire sa propre musique.

Et quand elle évoqua la défunte Lola, je hochai la tête.

-Pour avoir vu votre concert au Hollywood Bowl, c’est exactement à Lola que j’ai pensé en vous voyant sur scène. Vous avez une grande voix, mais pas seulement : vous avez aussi le sens du spectacle. Vous bougez sur scène, vous entrez en contact avec le public…

Ce qui avait été reproché à The Lightening, justement, c’était qu’ils ne s’étaient pas beaucoup intéressés à leur public, se contentant de balancer un peu leurs chansons les unes après les autres, même si elles avaient été magistrales !

-D’où vous vient ce sens du spectacle ? Etiez-vous du genre à faire des petits concerts pour votre famille étant petite ? Ou vous avez pris des cours de danse ou autre ?

Suite à mon histoire avec ma chatte Prada qui s’était faufilée dans le studio de The Lightening ce qui avait mené à ma rencontre avec Billy Lighter, Jake affirma que cela confirmait un peu la réputation de ma maison de disque. Je ne pouvais pas vraiment me prononcer, je n’étais pas au courant des rumeurs parce qu’en fait, je n’y portais que très peu d’attention.  Je haussais alors des épaules tout en souriant.

- Oui… Cela dépend peut-être du manager. Mais vous savez, Samantha peut sembler être très strict et sévère mais c’est une maman Italienne en fait. Elle nous cajole et nous réconforte et nous prodigue de bons conseils, comme une maman le ferait. Elle est vraiment très, très chouette !

Je l’adorais ! J’étais aussi très consciente de la chance immense que j’avais eu le jour où elle m’avait donné ma chance. Ça faisait beaucoup de chance en une seule pensée mais je ne voyais pas comment le formuler autrement, même si ça n’était que dans ma tête.

Le fait que je vienne du Texas fit questionner Jake sur le fait que je n’avais pas prit la voie country de la musique. Effectivement, si j’avais baigné dans cet univers musical là depuis ma naissance, c’était vers la pop que je m’étais tout naturellement dirigée.

Mon influence musicale me venait de Lola comme pour beaucoup d’autres jeunes filles, évidement. Elle avait été la plus grande Diva de notre époque, elle avait été à l’avant-garde de bien des courants, des styles. Quand elle avait coupé ses cheveux et qu’elle s’était fait une frange, toutes les jeunes filles et femmes avaient envahit des salon de coiffure pour arborer le même style capillaire.

Mon regard se fit tout brillant quand Jake affirma que, lorsqu’il m’avait vu sur scène au Hollywood Bowl, c’était à elle qu’il avait pensé. Il n’aurait pas pu me faire plus beau compliment et j’espérais en être digne.

- Oh pour bouger, je bouge ! Je ne sais pas rester immobile. Je n’aime pas les journées où il ne se passe rien surtout parce qu’on dirait que je ne sais pas dépenser toute mon énergie et le lendemain j’en aurais assez pour soulever une montagne.

Et ce n’était presque pas une exagération !

- J’ai adoré pouvoir parler avec le public, les tenir en haleine pour la venue de The Lightening. Je juge que c’est le rôle d’une première partie puis, j’étais si heureuse d’être là pour ça que ça me venait tout seul.

Mais d’où me venait toute cette énergie ?

- Oh, sans aucun doute que ça me vient de ma famille ! Mon père dans son domaine doit être imaginatif donc la gymnastique mentale est très importante et pareil au football même si ça n’en a pas l’air. Mon frère doit mémoriser un tas de jeu et de stratégie et se montrer imaginatif au besoin. Bouger c’est le meilleur moyen de se dégourdir les sens.

Quant à dire si je faisais des spectacles devant ma famille lorsque j’étais petite, ça serait mentir que de prétendre le contraire.

- J’étais toujours prête à chanter et danser pour eux. J’enfilais les robes de ma mère et ses long colliers et je fouillais dans son maquillage. Peut-être que mon côté extravaguant me vient de là, qui sait ?! Puis, j’allais au salon et je chantais et dansais sur la musique de Victoria Hunter puis plus tard, sur celle de Lola.

Apparemment, Shiri tenait absolument à me convaincre que sa manager, Samantha Ricci, était quelqu’un de très bien… Mais elle insistait tellement que ça en devenait presque dégoulinant de mièvrerie. Mais j’avais bien compris que c’était un peu la façon d’être de Shiri, de s’exprimer comme ça. Elle était nunuche et vivait dans un monde peuplé de licornes et d’arc-en-ciel sans être totalement dénuée d’intelligence (sinon, elle ne saurait pas produire les chansons que j’avais entendues sur son album)…

Je ne renchéris pas sur le thème « Samantha Ricci » parce que nous n’étions pas là pour parler de sa manager et que, comme de toute façon, je ne croyais que ce que je voyais, je me ferais une idée sur la femme de Daniele si jamais un jour, il me prenait l’idée folle de la rencontrer.

Sauf si le hasard la mettait sur ma route… là je serais un peu contraint et forcé de me faire une idée.

Je lui avouai avoir beaucoup apprécié sa prestation au Hollywood Bowl, ne première partie de The Lightening et j’étais sincère ! Elle m’avait vraiment bluffé. En générale, les premières parties étaient toujours un peu en demi-teinte, les artistes étant parfois un peu déçus de ne pouvoir présenter que quelques-unes de leurs chansons.

Shiri, elle, avait performé comme si c’était un concert tout entier.

Shiri se décrivit alors un peu comme une hyperactive, tant sur scène qu’en dehors. Elle disait pouvoir soulever des montagnes. En gros, Shiri était mon antithèse. Elle vivait vraiment les choses, ce qui n’était pas mon cas puisque j’étais toujours dans la retenue. Et certainement que tenter, ne serait-ce qu’une journée, de me laisser aller et de donner libre cours à mes émotions sans les garder coincées à l’intérieur de moi me ferait du bien. Sauf que j’étais trop couillon pour essayer.

J’avais trop peur de mes propres émotions pour en plus les montrer aussi naturellement que le faisait la jeune chanteuse devant moi.

Je lui souris.

-Ça se voit que vous êtes quelqu’un de vrai, qui ne cache rien et est sincère. Cela s’est vu sur scène aussi et je dois dire que je suis très admiratif de votre personnalité.

Les licornes et les arc-en-ciel en moins, et ce serait parfait. Mais n’empêche. Ce que je disais là était sincère quand même.

Elle disait que son énergie lui venait, encore une fois, de sa famille. Et elle expliqua pourquoi en évoquant son père et son frère. Et quand je lui demandai si, petite, elle faisait des spectacles pour la famille qu’elle aimait tant, je ne fus pas surpris qu’elle me réponde par l’affirmative.

Et elle confirma encore une fois du même coup qu’elle avait toujours aimé les grandes voix comme Lola et Victoria Hunter.

-Et vous êtes en bonne voie pour les rejoindre au panthéon des grandes chanteuses. Mais dites-moi, tant que nous en sommes à parler de votre enfance… Comment c’était, pour vous, à l’école ? Vous avez toujours voulu être chanteuse ou, comme tous les enfants, vous avez rêvez d’un jour devenir vétérinaire ou policière ?

L’interview commencée, je ne ressentais plus le stress de la même manière. Avant qu’elle ne débute, je redoutais les questions ou de bafouiller, de chercher trop longtemps mes mots, d’avoir un blanc ou de me tromper et de me mettre à paniquer. Maintenant que nous étions lancés et que Jake me parlais comme si nous étions autour d’un pichet de bière, mon stress prenait plutôt la forme d’ivresse. Je jonglais allégrement avec la petite boule d’énergie que je suis le plus naturellement du monde.

Probablement parce que c’est ce que je fais de mieux, et ça, tous les jours que le bon Dieu me donne la chance de vivre.

Pour Jake, c’était donc une preuve que j’étais une personne authentique qui ne cache rien et qui est sincère. Je lui offris un sourire honnête alors qu’il ajouta qu’il était admiratif de ma personnalité.

- Merci, c’est vraiment très gentil et touchant comme compliment. Je sais que ma façon d’aborder la vie peut parfois déranger les gens. Souvent même. Mais je préfère toujours me dire qu’il y a du positif en tout et que la vie est trop belle pour ne pas sourire.

Oh, il m’arrivait de tomber, d’être découragée et de pleurer, je suis humaine après tout ! Mes nombreuses remises en question au sujet de mon album, mon questionnement perpétuel à savoir si mes chansons sont assez bonnes pour être enregistrées, si les gens vont aimer, que peut-être je devrais les retravailler encore un peu. Tout ça fait aussi partie de qui je suis.

Mes petits spectacles improvisés au salon alors que je n’étais haute que comme trois pommes m’avaient servi de tremplin pour rejoindre ce que Jake comparait au panthéon. D’imaginer que je puisse être dans la même catégorie que Lola pour ne nomme qu’elle était encore incroyable. J’avais beaucoup de mal à visualiser mon succès à cet échelle. Il me faudrait certainement encore beaucoup d’expérience comme celle vécue au Hollywood Bowl pour que je le réalise.

- Étonnamment, à l’école j’étais timide, à mon affaire et très studieuse. Je levais la main pour parler et là encore, je n’osais jamais le faire parce que j’avais peur de donner la mauvaise réponse et qu’on se m oque de moi.

Petite, j’étais très réservée à l’école. Je libérais mon petit côté givrée qu’à la maison ou lorsque j’étais en compagnie de mes amies.

- Je rêvais d’être chanteuse, ma famille l’a toujours su mais en vrai, je disais à mes amies ou lors de travaux, que mon job de rêve était infirmière. Je n’osais pas dire ouvertement que je voulais être chanteuse parce que j’avais peur qu’on me dise que beaucoup essaient mais peu y parviennent. Et comme je rêve en couleur et ce même éveillée, je ne voulais pas qu’un enseignant terre à terre ruine mon rêve.

Je laissais s’échappé un petit rire timide.

- C’était mon petit jardin secret. Je le protégeais farouchement jusqu’à ce que je participe à un concours amateur à l’école et que ma professeur d’art m’encourage à persévérer. Parfois, il ne suffit que d’une belle parole encourageante pour que le rêve devienne un véritable objectif.

Shiri accepta le compliment que je lui fis sur sa personnalité. Elle avait conscience que son tempérament pouvait être dérangeant. Il l’était un peu pour moi dans le sens où j’avais l’impression qu’elle envahissait mon espace alors que nous étions à distance respectable l’un de l’autre. Mais je savais aussi que le problème, là-dedans, c’était moins elle que moi.

Et j’étais sincère quand je disais que j’admirais sa façon d’être, naturelle sans avoir peur de montrer ses sentiments. J’aurais été curieux de voir, ne serait-ce que pendant 24h, ce que c’était que d’être comme Shiri, un peu désinhibé, un peu exubérant et surtout, plein de joie de vivre.

Seulement, c’était bien loin d’être ma façon d’être. J’étais trop renfermé, trop méfiant et j’avais trop peur de mes propres émotions.

Elle trouvait que la vie était trop belle que pour ne pas sourire.

A mon avis, on ne voyait pas la même vie. Oh bien sûr, j’étais heureux avec Carolyn et Lucky quand il n’était pas chez son père… Mais j’avais toujours cette peur panique qui me poursuivait sans que je ne sache vraiment la nommer. Quelque chose de profond, un traumatisme inconscient.

D’un côté, je me disais : « Pour vivre heureux, vivons cachés » et d’un autre côté, j’avais cette tendance révolutionnaire qui me faisait passer du BleedingHeart à la radio et je n’hésitais pas à dire ce que je pensais quand quelque chose me révoltait.

Shiri, elle, voyait les choses complètement différemment. Peut-être parce qu’elle était jeune ?

Du coup, quand elle parla de son enfance, de sa timidité, de sa peur qu’on se moque d’elle, je la regardai un peu surpris. Mais presque dans le sens « agréablement » surpris. Parce que ça voulait dire que, quelque part, la joie de vivre pouvait s’apprendre et que donc, tout n’était peut-être pas perdu pour moi.

-Quand on voit comme vous avez l’air heureuse et bien dans votre peau maintenant, je trouve que ce que vous venez de dire est un beau message d’espoir pour bien des gens.

Moi inclus, donc.

Elle m’expliqua ensuite avoir toujours voulu être chanteuse mais qu’elle avait peur, encore une fois, qu’on se moque de son rêve, de ses espoirs. C’était donc une petite fille qui avait de la suite dans les idées, si elle se rendait déjà compte à ce moment-là qu’on pouvait lui ruiner ses projets d’avenir par quelques paroles maladroites ou mal placées.

Elle avait donc protégé cet espoir de devenir un jour chanteuse comme une pierre précieuse. Puis il y avait eu un concours, des paroles encourageantes et Shiri était alors sortie de sa chrysalide pour devenir un magnifique papillon.

-Mais il y avait encore des étapes à franchir, entre ce concours d’école et le fait d’avoir votre tout premier album sous le label MTI… Comment ça s’est passé ? Comment avez-vous été repérée ? Oh ! Attendez avant de répondre, on va passer un peu de musique.

Je fis signe à la régie qui envoya la musique.



J’écoutai la chanson, souriant parfois à Shiri et m’allumant une cigarette. Je ne lui parlais pas parce que je voulais garder mes questions pour quand on serait à l’antenne.

-C’était donc Lost In a Dream et c’était d’ailleurs d’un rêve qu’on parlait juste avant. Je répète donc ma question : comment la petite Shirley Gilmore est-elle devenue Shiri ?

Devant moi, Jake Snyder me posait des questions auxquelles je tentais de répondre tout en demeurant légère. J’avais tendance à parler, beaucoup trop et à prendre pleins de petites avenues pour me rendre à destination. J’en avais conscience mais je n’y pouvais rien, j’étais comme ça ! Peut-être que dans plusieurs décennies, il y aurait un mot pour me qualifier mais en attendant, on disait de moi que j’étais énergique et difficile à contenir dans un cadre précis.

On en vînt à parler de ma jeunesse, plus précisément de l’époque où j’étais étudiante et comment je vivais cette période de ma vie. Ça sembla le surprendre de m’entendre dire que j’étais timide et réservée. Il ne devait pas être le seul. Plusieurs auditeurs avaient dû avoir la même réaction puisqu’aujourd’hui, j’étais aux antipodes de celle que j’avais été, petite.

Pour Jake, il s’agissait d’un beau message d’espoir pour les gens qui m’écoutaient. Ils verraient que l’on peut se départir de sa coquille et embrasser une tout autre personnalité.

- Si mon cheminement peut inspirer des gens, j’en serai très heureuse ! L’important c’est de s’écouter, de se respecter, de ne pas avoir peur de dépasser des limites sans s’en imposer.

Tout était dans le dosage, je devais bien l’admettre.

J’expliquais ensuite que, grâce à un professeur qui avait cru en moi et un concours amateur à mon école, j’étais parvenue à sortir de ma coquille et à prendre goût à la scène assez pour en faire un objectif de vie.

Jake me questionna sur comment les choses s’étaient passées pour moi. Comment j’avais été approché avant d’obtenir mon contrat de disque avec MTI. Cependant, alors que j’ouvrais la bouche pour répondre, Jake me demanda d’attendre et passa Lost In A Dream la chanson titre de mon tout premier album dont j’étais extrêmement fière.

J’écoutais cette pièce avec autant d’entrain que la première qui avait jouée en début d’interview. J’étais fière de mon travail, j’aimais d’amour profond chacune de mes chansons et je ne le lassais pas de les entendre.

Quand la diffusion de ma chanson se termina, Jake reprit le cours de l’interview avec la question posée précédemment, juste avant de faire la pause musicale.

- Mon surnom à la maison à toujours été Shiri. Hummm… Un soir, j’ai accepté de participer à un spectacle de la première chance dans un bar et Samantha Ricci se trouvait dans la salle. Après ma performance, elle est venue me trouver et m’a laissé sa carte en me disant qu’elle avait vu plein de potentiel en moi et qu’elle apprécierait de me recevoir dans son bureau pour entendre davantage et discuter.

Je me rappelais ce soir-là comme s’il datait d’hier soir. Samantha portait un jeans et des talons vertigineux. Elle ne ressemblait pas à une femme guindée qui voulait assoir sa supériorité.

- La suite a été digne d’une balade en montagne russe ! Tout à si vite mais en même temps, j’ai savouré chaque instant ! J’ai eu beaucoup de chance cependant, je l’admets. Les managers ne passent pas tous leurs temps libres à arpenter les bars. Ceci dit, croyez en votre chance et persistez !

Je lançais ça en message d’encouragement à ceux qui roulaient leur bosse dans les bars et autre quatre coin de la ville en espérant qu’une chance comme la mienne leur tombe dessus.

Shiri n’avait toujours pas été la jeune femme exubérante qui se tenait devant moi aujourd’hui. Elle avait été une jeune fille timide et réservée, ce qui était difficile à croire, pourtant, je sentais qu’elle était sincère.

Il lui avait juste fallu un petit coup de pouce, un petit encouragement, pour s’épanouir comme la fleur magnifique d’un nénuphar.

Une histoire qui m’impressionnait assez, moi qui était tout le contraire de cette jeune femme qui voyait en la vie tout le bonheur qu’elle pouvait offrir et ne se gênait pas pour en jouir. Alors ses paroles me parlèrent quand elle affirma que le secret, s’était s’écouter, se respecter et ne pas se mettre de limite.

Un très beau conseil. Mais plus facile à dire qu’à faire. En tout cas pour moi qui souffrais d’un syndrome de persécution assez grave sans même le savoir.

Je passai un peu de musique, ensuite, avant d’aborder la question de savoir ce qui avait été la genèse de la chanteuse Shiri.

Pendant que la musique passait, la jeune femme s’écoutait. Elle semblait adorer s’écouter. Je connaissais des artistes, par contre, qui détestaient s’entendre à la radio, ce qui était assez courant, en fait… Un peu comme quand on entend sa voix enregistrée, personne n’aime vraiment ça.

Sauf Shiri, apparemment, et ça me faisait sourire.

La chanson terminée, je repris ma question là où je l’avais laissée.

Et Shiri me raconta, en gros, une histoire plutôt classique : elle avait joué dans un bar et avait eu la chance que Samantha Ricci soit présente et apprécie ce qu’elle avait à offrir comme musique.

De la chance, donc ! Une chance que Shiri avait bien eu conscience de pouvoir bénéficier.

Je souris.

-On dit que rien n’arrive par hasard… Je pense que c’est ce qui devait arriver.

Je la regardai dans les yeux.

-Si vous n’aviez pas été repérée ce soir-là, auriez-vous persévéré ? Ou auriez-vous changé de voie ? Parce que, restons réalistes, il faut bien pouvoir manger. Vous aviez un boulot en attendant de percer comme chanteuse ?

Je continuais à creuser un peu toutes les facettes de la vie de Shiri puise que cette interview était vouée à ce que son public la connaisse mieux.

Après quelques questions, Jake passa une autre de mes chanson, Lost In A Dream et là encore, je me dandinais sur la chaise, heureuse de m’entendre passer à la radio. L’effet que cela me faisait était indescriptible. Bien sûr, une partie de moi était un peu gênée par le fait de m’entendre à la radio. C’était étrange et toujours un peu surréaliste. Ensuite, il y avait cette chaude bouffée de fierté de me dire que c’était ma création qui passait sur les ondes et cela concrétisait des mois de travail acharné. Une récompense bien mérité.

De tout ce que je ressentais, je préférais laisser la fierté et le plaisir l’emporter. Après tout, c’est ce pourquoi j’avais passer toutes ces heures en studio, non ?

Au retour de la pause musical, l’animateur voulu savoir comment était née la petite Shiri, chanteuse flamboyante et énergique que je suis. Je ne pouvais pas lui broder une belle histoire avec du fil d’or, je n’étais pas tombée dans le chaudron du succès à la naissance. Ma chance, je la devais à Samantha Ricci qui m’avait repérée un soir alors que je me produisait maladroitement sur scène. Elle avait su voir en moi quelque chose d’assez fort pour qu’elle décide de me donner une chance.

Et quelle chance !

Chaque jour de ma vie et ce jusqu’au matin de ma mort, je serait reconnaissante en la vie de m’avoir offert cette opportunité, d’avait fait se croiser mon chemin et celui de Samantha.

- C’est ce que l’on dit, en effet !

Ça devait être écrit dans les astres !

Jake me demanda, tout en me regardant dans les yeux, qu’aurais-je fait si je n’avais pas été repérée ce soir-là. Aurais-je persisté ou me serais-je simplement contenté de mon boulot, celui que je faisais avant que je ne devienne officiellement Shiri.

- Avant d’être chanteuse, j’occupais un emplois de femme de chambre et ça me plaisait tout de même assez bien. Cependant, il faut être discrète et minutieuse ce que je ne suis pas. Je parle fort, je bouge beaucoup, je devais rendre des comptes souvent à ma supérieur. On m’appelait Miss Calamité !

Ce souvenir me fit rigoler. C’était quand même de beaux moments qui me revenaient en tête !

- Je crois que j’aurais persisté parce que c’est ce que je voulais vraiment faire et si la discrétion et la minutie ne sont pas mes principales qualités, je suis une personne qui fonce et qui ne cesse jamais de rêver !

L’air de rien, assez subtilement, Shiri commençait à me mettre à l’aise. Certes, elle avait cette personnalité qui prenait pas mal de place. En réalité, c’était quelqu’un d’un peu impressionnant pour l’introverti que j’étais. Mais une chose était sûre et j’en étais certain depuis plus ou moins le début de cette interview : Shiri ne voulait de mal à personne. Il n’y avait pas une once de malveillance en elle.

Alors, nom de dieu, détends-toi, Jake ! Sors-toi le balai que tu as dans le cul !

Je profitai de la chanson que je diffusai pour le faire. Bon, je n’en arrivai pas au point à me dandiner sur ma chaise comme le faisait Shiri qui me donnait une impression d’innocence juvénile. J’avais devant moi quelqu’un qui avait encore toute la vie devant elle, qui regardait droit devant et n’avait pas peur de rêver, ni peur de ses rêves !

Elle me raconta, ensuite, quand la musique fut finie, comment son chemin avait croisé celui de sa manager et comment ça avait collé directement… Il suffisait parfois d’un coup de chance.

Mais je préférais parler de destin. Pour moi, rien n’arrivait pour rien… peut-être parce que j’étais croyant.

Mais avant ça… Avant que le destin ne frappe, que faisais Shiri dans la vie ?

J’appris avec étonnement qu’elle avait été femme de chambre et qu’elle appréciait ce métier malgré qu’on la qualifie de Miss Calamité. Je souris et pouffai même un peu de rire, mais sans moquerie.

-Pourquoi ça ne m’étonne pas ? Je parle avec vous depuis une demis heures et vous avez déjà manqué par trois fois de balancer le micro parce que vous faites de grands gestes.

Je décrivais un peu les choses pour que les auditeurs puissent s’imaginer la jeune femme explosive (positivement) que j’avais avec moi en studio.

Pour le reste, malgré qu’elle avait aimé son job, elle aurait quand même persisté dans la chanson, ce qui était tout à son honneur.

-Et vous auriez bien fait. Ça aurait été dommage de priver L.A. et qui sait, peut-être un jour, le monde, de vos chansons.

Je marquai une petite pause avant d’en arriver à la dernière ligne droite de mon interview.

-Maintenant, je vais vous poser quelques questions un peu plus ludiques… Mémorisez-les bien et répondez-moi ensuite. Première question : si vous pouviez rencontrer une personnalité de L.A. tout art confondu, qui serait-ce ? Avec qui voudriez-vous faire un duo ? Et pour finir, de quel instrument que vous ne maîtrisez pas aimeriez-vous savoir jouer ?

Ce seraient mes dernières questions avant de clôturer cette émission durant laquelle, je l’espérais, les fans de Shiri qui écoutaient la radio à cette heure-ci en auraient appris un peu plus sur elle.

Au retour de la chanson, l’interview se poursuivi pour mon plus grand bonheur. Jake avait dit vrai au tout début en disant que ce serait comme de parler avec un étranger dans le but de faire connaissance. C’était grisant et très intéressant bien que j’avais envie de lui retourner ses questions pour en connaitre moi aussi, davantage sur lui. Peut-être que ça serait pour une autre fois, lors d’une tout autre occasion.

Les questions de Jake étaient simples sans manquer de profondeur. Elles me permettaient une petite introspection, rien de bien malin, quelque chose que tout le monde devrait faire au moins une fois dans sa vie.

Jake me questionna sur qui j’étais avant d’être la Shiri que nous commencions à entendre parler. Sans détour et parce que je conservais une belle fierté de mon parcours et de beaux souvenirs aussi, je lui confiais que j’avais été femme de chambre. J’avais adoré ce métier bien que j’y avais collectionné les gaffes. Jake rigola de moi, pas méchamment, puis je me moquais moi-même ! Il se disait pas très surprit qu’on ai pu me donner le surnom de Miss Calamité et expliqua aux auditeurs pourquoi il n’en était pas surpris.

Ça me fit rigoler, ça aussi !

- Je sais ! On dirait que mes mots ne peuvent sortir de ma bouche sans un peu d’aide de mes bras ! Alors je bouge en parlant et ça décoiffe, au passage ! Désolée pour le micro !

Je secouais la tête toujours en riant puis je repris mon sérieux car l’interview n’était pas terminée.

Jake y alla d’un compliment alors que je confiais que, si je n’avais pas croisé Samantha, j’aurais tout de même persisté sur cette voie. J’aimais chanter et ça faisait partit de moi. Puis, étant une personne qui rêve en couleur et en musique, je me voyais très mal renoncer à ce rêve. L’animateur radio le plus célèbre en ville disait que cela aurait été bien dommage que je ne persiste pas.

- Ooooh ! Merci ! C’est vraiment gentil !

La suite se déroula en vrac. Jake avait plusieurs questions qu’il me conseilla de retenir et cela clôturerait l’interview. Dommage que ce soit déjà la fin, je m’amusais plutôt bien !

- Une personnalité que je voudrais rencontrer… Hank North ! J’adore ses films ! Et il a beaucoup de charisme ! Je suis certaine que les discussions avec lui doivent être très instructives !

Sans réfléchir, Hank North était vraiment la personnalité que je désirais rencontrer.

- Sans hésiter, Finan Quinn ! Il a une voix magnifique et enveloppante !

Ceci dit, j’aimerais beaucoup faire un duo avec Livia, avec Billy, avec Nathan J. Williams, avec… Avec…Avec tellement de gens que la liste était beaucoup trop longue pour être récité à la radio !

- Le saxophone ! N’est-ce pas un instrument sexy ? Toutes les chansons suaves sont sur fond de saxophone. J’adorerais savoir en jouer !

Mais on ne pouvait pas savoir tout faire, pas vrai ?!

Pour que les auditeurs puissent s’imaginer un peu mieux comment était Shiri, pour ceux qui ne l’avaient pas vu se démener sur scène, je décrivis sa façon de parler avec les mains et les bras qui avait bien failli renverser le micro au moins trois fois. Je trouvais ça amusant et ça avait quelque chose d’enfantin qui était attendrissant.

Elle ne prit pas mal ma remarque, au contraire ! Elle avoua avoir cette énergie naturelle qui la poussait à être très expressive au point qu’elle communiquait avec tout son corps. Pas seulement avec sa bouche.

Elle s’excusa pour le micro. Je souris.

-Ce n’est pas grave ! Vous avez besoin de cette énergie ! Je l’ai vue sur scène et ça me permet de dire que ce que vous faites sur scène n’est pas du chiqué. Ce n’est pas juste pour le spectacle. Vous vous livrez toute entière à votre public.

Avec ses qualités et ses défauts.

Je lui fis un compliment avant d’entamer la dernière ligne droite de l’interview. Trois dernières questions demandant une réponse courte qui en diraient cependant assez long sur la jeune femme.

Elle joua le jeu et je fus assez surpris d’entendre que la personnalité qu’elle aimerait rencontrer était Hank North ! Elle aimait ses films, son charisme et aurait aimé avoir une conversation avec lui.

Pour le duo, elle préféra Finan Quinn, pour sa voix envoutante.

Et enfin, l’instrument qu’elle voudrait maîtriser était le saxophone… Ça non plus, je n’y aurais pas pensé !

-Et bien en voilà des choix bien étonnants ! Mais cela en dit long sur la personne que vous êtes.

Je marquai une pause.

-Voilà qui nous mène à la fin de cette rencontre avec Shiri sur qui nous en savons désormais un peu plus ! Merci, Shiri, de vous êtes prêtée au jeu ! J’espère vous revoir sur scène assez vite.

Je m’adressai à nouveau à mes auditeurs.

-C’était Jake Snyder pour L.A.ROCKS ! Comme Shiri, allez là où vos rêves vous mènent ! Schüss !!