J’avais faim. Mon ventre gargouillait depuis plusieurs heures. Je n’avais plus mangé depuis hier soir quand j’étais rentré de dehors. L’odeur pestilentielle qui régnait dans le petit appartement deux pièces ne m’empêchait pas de penser à une bonne assiette de pâtes.

Je fredonnais une chanson de The Army… Ma favorite : No One Kils The Chilrdren Anymore. Je la chantais et elle raisonnait dans la maison. Maman disait, parfois, que j’avais une voix d’Ange… Je ne savais pas comment chantait les Anges mais je savais que quand je chantais, je pouvais m’acheter à manger parfois pendant la journée… Parce que les gens, dans la rue, payait pour que je chante encore.

Je chantais jusqu’à ce que j’entende quelqu’un toquer à la porte. J’attendais que maman se réveille et se lève mais ça n’arriva pas… Elle dormait dans le divan… Elle en avait besoin parce qu’elle travaillait beaucoup. Ce quelqu’un toquait toujours mais je ne répondis pas.

Alors il défonça la porte… Je restais à table à attendre les pâtes et maman qui ne virent pas… Je fredonnais toujours. Jusqu’à ce qu’une main se pose sur mon épaule.

Je levai mes yeux bruns. C’était Alonso.

-Jesse… Qu’est-ce qui se passe ? Elle est où ta mère. Elle n’a rien rapporté aujourd’hui… Putain, pourquoi ça pue comme ça ?

J’haussai les épaules. Je ne savais pas pourquoi ça puait. Pour moi, ça avait toujours pué depuis qu’on avait emménagé ici au milieu de l’année.

-Je ne sais pas… Maman dort dans le salon depuis hier midi…

Elle travaillait plus depuis qu’on avait déménagé. Avant elle ne travaillait que la nuit. Maintenant, elle travaillait toute la journée. Il n’y avait que pour moi que ça ne changeait pas. Avant je ramenais de l’argent en volant des touristes ou en volant tout court. Et maintenant, je faisais pareil. C’était facile… Mais je préférais encore chanter dans la rue pour récolter quelque pièce… J’aimais chanter ce que j’entendais chez les disquaires où je volais des cassettes.

Il soupira.

-Hier midi ? Il est 23h, Jesse…

Et il alla vers le salon. Je le suivi… Il regarda ma mère. Plus on approchait d’elle plus l’odeur était horrible… Alonso fit la grimace et se tourna vers moi.

Et après… Après, Alonso me pris dans ses bras et m’emmena hors de l’appartement. Je ne revis plus l’appartement… Je ne revis plus ma mère non plus…

Tout ce que je vis par après, c’était le foyer… Enfin, c’était pas vraiment un foyer. C’était une maison où il y avait d’autres gens… Las Pequeñas Manos, c’était comme ça qu’il s’appelait le foyer. C’était rempli de gens. Ils n’étaient pas vieux et faisaient tous partie des Los Diablos… Comme moi, depuis qu’Alonso m’avait amené ici. J’étais le plus jeune et je mangeais à ma faim. Pas comme avant. Pas comme quand je vivais avec maman.

Seulement… Je m’ennuyais. Alonso avait des missions bien précises. On devait surveiller des voitures… Surveiller des endroits… Monter la garde… Je n’aimais pas… Je préférais chanter ou encore voler. On avait de l’argent de poche mais je m’ennuyais… Puis, on devait parfois se lever très tôt et je n’aimais pas ça. Un jour, Manuel, le plus vieux du foyer, a essayé de me réveiller à 6h du matin mais je n’ai pas voulu… Résultat, je n’ai pas eu de paye pour ce jour-là et je n’ai pas pu m’acheter la nouvelle cassette de The Burning Fire. J’étais triste. Mais je me suis venger le lendemain en échappant à la surveillance des Los Diablos alors qu’on devait surveiller une Cadillac Deville (on doit souvent surveiller cette Cadillac). J’ai couru tellement vite que Manuel n’a pas réussi à me rattraper. Je suis allé chez le disquaire et j’ai volé la cassette sans me faire prendre. Et le soir, je l’ai fait tourner en boucle dans mon walkman… Toute la nuit… Tout en chantant tout haut. Un chant dont ne se plaignaient jamais mes amis du foyer. Surtout pas Isabel, une fille de 15 ans, qui venait parfois le soir me raconter des histoires pour m’endormir. Elle aimait bien m’écouter chanter The Army.

Et tous les jours c’était pareil… Je surveillais, échappait à la surveillance jusqu’à, parfois, courir hors de l’Eastside pour me rendre à Hollywood pour chanter dans le parc ou dans les rues… Combien de temps il faudra avant qu’Alonso le sache ? Je ne sais pas… Est-ce que ça avait de l’importance pour moi ? Non… Parce qu’ici, rien n’a vraiment d’importance…